Vous êtes un ancien collaborateur BNP Paribas, aujourd’hui à la retraite, pourquoi vous êtes-vous engagé dans une mission bénévole en microfinance ?
Effectivement, BNP Paribas a été mon principal employeur : j’y ai été collaborateur de 1983 à 2009. Sur mes 27 ans de carrière, j’ai occupé de nombreux postes d’encadrement et j’ai passé 20 ans à l’étranger : Espagne, Portugal, Hong-Kong, Suisse, etc.
Mon engagement dans la microfinance relève d’un concours de circonstances. En 2000, mon successeur en tant que Responsable Territoire au Portugal s’appelait Benoit Monsaingeon, qui allait fonder « Microfinance Sans Frontières » (MFSF). Après cette passation, nous sommes restés en contact et au lancement du programme MFSF en 2006, il m’a expliqué la mission de BNP Paribas en microfinance. Lorsque j’ai pris ma retraite en 2009, il m’a convaincu de le rejoindre dans cette activité de bénévolat qui s’était déjà bien développée.
Vous êtes donc, depuis 3 ans, administrateur de l’institution KRK au Kosovo.
Oui, en partant à la retraite après une carrière bien remplie, je souhaitais que d’autres puissent profiter de mes compétences et de mon temps. La microfinance permettait cela, et correspondait en même temps à des valeurs éthiques qui me tiennent à cœur.
Par ailleurs, comme en témoigne mon parcours, j’ai toujours été un grand voyageur. Ce poste d’administrateur de KRK au Kosovo m’offrait la possibilité de découvrir un nouveau pays tout en conservant une activité professionnelle allégée, même si c’est bien un engagement à long terme dans une entreprise. J’y consacre aujourd’hui près d’un mois par an.
Comment venez-vous concrètement en aide aux micro-entrepreneurs au Kosovo ?
À l’origine, KRK est une émanation d’un programme agricole lancé par les Nations Unies en 2000 et dans lequel intervenait l’ADIE (Association pour le Droit à l’Initiative Économique, qui aide les personnes n’ayant pas accès au crédit bancaire à monter leur projet). Ce programme d’aide à l’agriculture ayant bien fonctionné, il a été transformé en banque de microfinance. La SIDI, investisseur qui soutient les initiatives d'entrepreneurs par la finance solidaire, est ensuite entrée au capital de KRK. Grâce à ce partenariat, KRK est aujourd’hui l’un des 4 grands acteurs de la microfinance au Kosovo.
KRK propose des crédits sur des petits montants à des entrepreneurs locaux. Pour vous donner une idée, le dossier de prêt moyen est d’environ 2 000 euros. Un emprunt à 10 000 euros est considéré comme un « gros dossier ». Ce sont des crédits que les banques traditionnelles ne sont pas prêtes à accorder car trop peu rentables ou trop risqués. Ces prêts peuvent financer du matériel agricole, des semences, etc. pour les petits exploitants de la région. Aujourd’hui, l’activité de KRK s’est élargie et la banque finance aussi des petits commerçants, des coiffeurs, etc. La part de l’agriculture dans l’activité de KRK ne représente plus que 50 % du bilan.
Comment se porte l’activité de KRK ?
Depuis la crise de la microfinance de 2009-2010, la situation s’est considérablement améliorée. Avec 20 agences, dont une ouverte récemment dans la capitale (Pristina), la banque est bien implantée et connaît de mieux en mieux le tissu économique du pays. Aujourd’hui, KRK présente d’excellents résultats financiers et une très bonne gestion des risques. Le taux de défaut sur les prêts est de moins de 1%.
Mais dans la microfinance, les ratios financiers ne sont pas tout. L’important est de veiller en permanence à conserver l’équilibre entre l’aspect économique et l’aspect éthique. Il est en particulier important de limiter les taux d’intérêt et de respecter les engagements RSE des actionnaires et notamment de Sidi, mais également de BNP Paribas.
Quel est aujourd’hui votre rapport avec le Kosovo ?
J’ai toujours eu le goût de l’international. Et ça n’a pas changé. Je pars 4 fois par an au Kosovo pour assister aux conseils d’administration de KRK. Je reste à chaque fois quelques jours pendant lesquels j’en profite pour visiter ce pays que je ne connaissais que par les images de la guerre, que nous avons tous en mémoire. Le Kosovo n’a rien d’une destination a priori touristique : c’est l’un des pays les plus pauvres d’Europe, sa reconnaissance internationale n’est pas totalement établie, et on sent encore un pays fragile, divisé, tendu. Nous avons même dû fermer, il y a quelque temps, une agence dans le nord du pays car c’est encore une zone de fortes tensions. Malgré tout, c’est un pays attachant. J’y retourne d’ailleurs cette semaine.
Selon vous, en quoi la microfinance est-elle nécessaire ?
Plus que nécessaire, la microfinance me semble indispensable. Dans des pays fragiles comme le Kosovo, l’offre bancaire traditionnelle ne peut pas suffire. Les banques ne s’intéressent pas à cette cible trop peu rentable ou risquée. Pourtant, dans une économie qui est encore à 50 % rurale, les petits emprunts sont souvent la seule solution pour financer une activité commerciale. La microfinance, sur le modèle de KRK, apporte une solution qui me semble à la fois efficace économiquement et responsable socialement.
Un conseil à donner à quelqu’un désirant réaliser une mission bénévole en microfinance ?
Avant tout, il est important de savoir ce que l’on attend personnellement de son engagement bénévole. Pour moi, cette responsabilité correspondait parfaitement à ce que je souhaitais pour ma retraite : une envie de voyager, de continuer à découvrir d’autres cultures, de garder une activité professionnelle et d’utiliser mes compétences au service d’une cause éthique.