Accélérer la décarbonisation de l’économie
« Afin d'atteindre la neutralité carbone, il faut avant tout revoir nos systèmes de production et de consommation en intégrant systématiquement leurs impacts environnementaux et sociaux », explique Tilly Undi. Depuis quelques années, de nombreuses technologies émergent afin de proposer des solutions pour réduire l’impact des gaz à effet de serre et en particulier le dioxyde de carbone (CO₂).
Bien qu’il s’agisse d’un gaz présent naturellement dans l’air, le CO₂ a en effet vu sa concentration augmenter ces dernières années, du fait notamment de certaines activités humaines, au premier rang desquelles l’usage de combustibles fossiles, certaines activités industrielles, ou encore la déforestation. « Réduire les émissions de CO₂ est essentiel pour limiter le réchauffement climatique et s’aligner avec l’Accord de Paris », continue Tilly Undi. BNP Paribas, qui publie chaque année ses propres données d’alignement quant à son portefeuille de crédits, accompagne donc ses clients dans leur décarbonation et leur transition énergétique. Au 30 septembre 2024, le financement des énergies bas carbone représentait 76 % du stock des financements de BNP Paribas au secteur de l’énergie, avec l’objectif d’atteindre les 90 % d’ici à 2030.
« Certains secteurs sont plus difficiles à décarboner. C’est le cas notamment des “hard to abate industries” qui peuvent présenter des émissions “résiduelles”, c’est-à-dire persistantes même après la mise en place de mesures d’efficacité énergétique voire du remplacement des combustibles fossiles par des énergies renouvelables, quand il est possible. C’est le cas par exemple des cimentiers, des aciéristes, d’une partie de la pétrochimie, de la filière de la gestion des déchets… qui doivent donc être d’autant plus accompagnés », précise notre experte. Parmi les principales solutions disponibles pour traiter les émissions de CO₂, la technologie de captage et stockage de carbone permet de récupérer le CO₂ sur le site de production, avant qu’il ne rejoigne l’atmosphère, puis à le séquestrer de façon permanente dans le sous-sol.
Le CCS, une technologie clé pour aider les secteurs les plus émissifs à réduire leur empreinte carbone
Comment fonctionne le CCS et quels sont les principaux projets développés à ce jour ?
« La technique de captage et stockage de CO₂ (CCS) consiste à capturer le CO₂ lors de sa production sur un site industriel. Il est ensuite transporté jusqu’à un réservoir géologique, situé à plusieurs kilomètres sous terre, où il est séquestré de manière permanente. Les acteurs en charge de la séquestration du CO₂ doivent être en mesure de garantir la bonne injection, dissolution (ou minéralisation) du CO₂, ainsi que l’absence de migration et fuite du gaz à effet de serre pendant plusieurs décennies, selon un programme de monitoring, reporting et vérification. », explique Tilly Undi.
« Ce sont des connaissances techniques qui existent depuis très longtemps dans l’industrie pétrolière. Le CO₂ étant très corrosif, il était important de le traiter pour qu’il n’endommage pas les infrastructures pétrolières et gazières », explique Etienne Didier, qui fait partie du Low-Carbon Transition Group (LCTG) depuis sa création en 2021. Avec aujourd’hui 250 banquiers experts, le LCTG conseille les clients entreprises – grands comptes, start-up et investisseurs institutionnels – de BNP Paribas dans leur transition vers la neutralité carbone.
En matière de CCS, « plus de 600 projets sont en cours de développement dans le monde, détaille Tilly Undi. Cela représente une capacité de capture de plus de 400 Mt CO₂ par an. Mais aujourd’hui, seulement 45 sont opérationnels, soit une capacité de capture d’environ 50 Mt CO₂ par an. Il y a un vrai potentiel dans les années à venir. »
BNP Paribas intervient en tant que conseiller et financeur de nombreux projets
« Nous souhaitons être actif sur toute la chaine de valeur, en conseillant l'émetteur, mais aussi les différentes infrastructures : le pipeline en mer, la zone portuaire et la zone de stockage. Il y a beaucoup d'infrastructures à développer, donc cela représente beaucoup de capital à investir. Selon les projets et leur positionnement sur la chaine de valeur, les acteurs vont avoir besoin de dette ou de capitaux propres, voire des deux, ou encore de conseil dans le cadre du rapprochement ou de la cession d’entreprises », raconte Etienne Didier. Le LCTG a ainsi conseillé le projet de transport de CO₂ de Aramis, aux Pays-Bas, qui vise une décision finale d'investissement en 2026 et un démarrage opérationnel en 2029.
Le Groupe est également entré en financement sur le premier projet de CCS au Royaume-Uni, en Mer du Nord, Northern Endurance Partnership (NEP) : la construction des infrastructures (réseau de collecte du CO₂ onshore, des installations de compression et un pipeline vers une zone de stockage souterraine en mer) a débuté cette année et le premier stockage de CO₂ est prévu en 2028.
Pour Etienne Didier, il y a une chose à retenir : « une grosse partie du coût de toute la chaîne de valeur est lié à la capture, qui requiert beaucoup d'énergie. Si l’essentiel des projets bénéficie de la force de frappe des grands énergéticiens, nous soutenons également dans leurs levées de capitaux des petites structures qui font de la recherche et lancent des pilotes pour trouver des procédés alternatifs. »
Les limites de cette technologie
La technologie de CCS présente encore des limites en termes de viabilité économique, de ressources et d’acceptabilité sociétale, explique Tilly Undi : « Le coût peut être une barrière pour le déploiement du CCS, notamment tant qu’il n’existera pas un prix du CO₂ suffisant pour justifier des investissements dans ce secteur, ou une valorisation des produits avec une empreinte carbone réduite. Aujourd’hui les différents projets déployés sont financés en partie via des subventions. Par ailleurs, le nombre de réservoirs géologiques adaptés au stockage de CO₂ est pour l’instant limité, par rapport aux besoins indiqués par le GIEC et l’IEA. Parfois des réserves peuvent être exprimées face à certains projets de CCS, qui ne doivent pas se substituer aux actions d’évitement, puis de réduction des émissions de CO₂. Il est important de respecter cet ordre dans la gestion des émissions de CO₂ : éviter, réduire et, pour le résiduel, considérer le CCS. »
Conclusion par Tilly Undi : « le CCS est une bonne solution de décarbonation mais n’est pas adaptée à tous les cas. Lorsqu’il est bien encadré et en l’absence d’autres solutions de décarbonation viables, il peut contribuer à atteindre les objectifs de neutralité carbone. »
D’autres solutions existent pour gérer les émissions de CO₂ :
- Des solutions naturelles comme la création, préservation et restauration de puits de carbone naturels (forêts, mangroves, sols, tourbières, Océan…) ;
- Le captage et utilisation du CO₂ (CCU), qui consiste à réutiliser le CO₂ capturé, dans une logique de circularité ;
- Le captage direct à partir de l’air (DAC), dont l’objectif est de réduire le CO₂ déjà présent dans l’atmosphère, en créant des émissions négatives qui viendraient compenser les émissions résiduelles et historiques ;
- Enfin, la bioénergie avec captage et stockage de CO₂ (BECCS), vise à récupérer le CO₂ résultant de la combustion de la biomasse et à le stocker dans des formations géologiques profondes. Ce processus permet de considérer les émissions traitées comme étant négatives.