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La microfinance chez BNP Paribas : 30 ans après, quels enjeux ?

Claudia Belli
Claudia Belli
Responsable Entrepreneuriat Social et Microfinance chez BNP Paribas

Entretien avec Claudia Belli Jeanteur, Responsable Entrepreneuriat Social et Microfinance chez BNP Paribas.

Comment expliqueriez-vous le microcrédit à quelqu’un qui n’y connaît rien ? 

Le microcrédit s’adresse à un public non bancarisé ou qui n’a pas accès au financement bancaire. Pour être plus concrète, prenons l’exemple d’une personne qui souhaite créer une petite entreprise, par exemple, une pizzeria. Mais elle n’a pas d’expérience, ni l’entourage qui pourrait l’aider à investir dans ce projet. Grâce au microcrédit, elle peut bénéficier d’un prêt d’un faible montant (pouvant atteindre environ 15 000 euros selon le pays) tout en étant accompagnée par un expert dans toutes les phases du projet : définir les enjeux de l’entreprise, étudier les modalités de remboursement du prêt, réaliser un business plan… A terme, l’objectif pour le micro-entrepreneur est de rentrer dans le circuit bancaire classique, plus avantageux sur le plan financier.

Cela fait 30 ans que BNP Paribas soutient et accompagne les Institutions de Microfinance (IMF). Pourquoi un tel engagement ?

Apporter des solutions de financement au plus grand nombre est un des axes phares de notre politique RSE. Et la microfinance est un levier déterminant dans ce domaine.  De plus, nous avons très vite compris que les Institutions de Microfinance (IMF) avaient besoin de l’appui de partenaires financiers pour disposer d’un capital dans lequel puiser pour octroyer des prêts. Les IMF, pour la grande majorité ne sont pas des banques. Elles ne peuvent donc pas trouver le refinancement nécessaire sur le marché interbancaire. 

Apporter des solutions de financement au plus grand nombre est un des axes phares de notre politique RSE.

Les financements sont pourtant leur matière première et il est souvent difficile pour elles d’en trouver, à cause d’un bilan souvent fragile. C’est d’ailleurs souvent le cas des entreprises sociales, qui ont un double objectif : faire des bénéfices tout en permettant une inclusion financière et donc sociale. 

Quels sont les résultats, les impacts de cet engagement ? 

Nous finançons directement plus de 30 IMF dans 17 pays. Nous investissons et prêtons également à plus de 100 IMF à travers des fonds dédiés à la microfinance ou des Fonds Solidaires. Au total, notre engagement atteint ainsi près de 300 millions d’euros en financement et investissement à ce secteur. En 2018, les IMF financées par BNP Paribas ont accompagné indirectement grâce à nos crédits plus que 350 000 personnes, qui autrement seraient exclues du système financier. Et une grande majorité de ces personnes sont des femmes, notamment parce que dans certains pays (Inde, Indonésie, Afrique du Sud, États-Unis, etc.) certaines IMF que nous sélectionnons travaillent exclusivement avec des femmes.

De même, dans nos marchés domestiques l’accompagnement de la microfinance est encore plus déterminant et crée un impact tout particulier chez BNP Paribas. L’Adie par exemple a été créée en France avec l’aide de volontaires de la Banque ; elle s’est développée dans les quartiers sensibles grâce aux dons de la Fondation BNP Paribas à travers le Projet Banlieues et elle accueille même des employés de la Banque en mécénat de compétences. Depuis 30 ans, l’Adie a financé plus de 150 000 entreprises, notamment grâce aux financements de la Banque

Dans un autre registre, en Belgique et au Luxembourg, la Banque a co-crée les deux entités qui sont aujourd’hui les premières IMF du pays, MicroStart et Microlux. Lancée il y a seulement 2 ans, cette dernière accompagne 50 entrepreneurs, souvent issus de l’immigration, vers la création d’entreprise. En Italie, BNL, partenaire de Permicro, redirige vers l’IMF des clients potentiels ayant un profil de micro-entrepreneur ! 3 ans après leur premier microcrédit, la moitié des clients de Permicro réussissent à obtenir un crédit d’une banque commerciale, intégration financière réussie !  

Pour une banque, peut-on dire que ce sont des investissements rationnels voire « rentables », dans le sens d’un retour sur investissement positif ?

Notre objectif est d’avoir un double retour sur investissement. Le premier, concerne comme pour tout crédit, le remboursement du capital en complément de taux d’intérêts. Le second est relatif à la performance sociale que ces institutions ont pu réaliser. Au même titre que les Social Business, notre objectif est ainsi de rembourser nos coûts, y compris le coût du risque, tout en atteignant une performance sociale déterminante. 

Quels métiers de la banque sont impliqués ? Quel est le rôle de chacun ? 

Au-delà, de la Direction RSE, qui analyse, coordonne et pilote depuis 2012 l’activité microfinance, de nombreuses entités de la Banque sont impliquées dans cette action. Grâce à nos différents métiers, nous pouvons leur apporter le financement dont elles ont besoin pour travailler au quotidien. 

C’est le cas du pôle CIB (Corporate & Institutionnal Banking) qui octroie des prêts bancaires aux IMF dans de nombreux pays tels que l’Inde, l’Afrique du Sud, le Brésil, les États-Unis ou encore le Vietnam. En matière de financement direct, la Banque peut également intervenir en investissant en capital dans les IMF. Dans ce cas, ce sont notamment les équipes de BNP Paribas Principal Investment qui sont impliquées aux côtés de la Direction RSE. 

Dans un autre registre, BNP Paribas finance de manière indirecte le microcrédit, en proposant à ses collaborateurs et à ses clients des produits d’épargne solidaire, qui sont en partie investis dans des IMF. C’est le cas de BNP Paribas Asset Management, la filiale de gestion d’actifs du Groupe, qui grâce à ses fonds tels que BNP Paribas Social Business France et la gamme Multipar Solidaire, permet aux clients particuliers, salariés et investisseurs institutionnels de donner du sens à leur épargne ! BNP Paribas Wealth Management propose également ce même type d’engagement, à travers par exemple les fonds Obli Etheis

Enfin, dans le domaine du mécénat, la Fondation BNP Paribas et la Banque de Détail en France permettent le déploiement du microcrédit dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville en France. Complémentaire de cette action, l’équipe « Coordination du Volontariat », organise en collaboration avec la fonction Ressources Humaines du Groupe la mise en relation entre des IMF et des collaborateurs ou retraités souhaitant mettre leurs compétences au service de la microfinance.

Cette liste n’est évidemment pas exhaustive. La force d’un Groupe tel que le nôtre est de disposer de toute une palette d’expertises sur laquelle nous nous appuyons pour faire avancer le sujet depuis 30 ans.

Projet Banlieues 

La microfinance a valu à l’économiste Yunus le prix Nobel de la paix. C’est une innovation politique et économique ? 

Certainement, le professeur Yunus a compris très tôt l’importance du besoin de financement des populations les plus pauvres, et surtout l’étendue des conséquences sociales qu’une action dans ce domaine pouvait avoir ! 

A travers l’inclusion économique nous pouvons atteindre l’inclusion sociale. Ce n’est certainement pas le seul levier à utiliser mais cela contribue à créer de l’empowerment pour les femmes et à donner une réponse positive aux entrepreneurs, c’est un formidable outil d’inclusion.

A travers l’inclusion économique nous pouvons atteindre l’inclusion sociale.

Est-ce encore un vecteur d’innovation ? À quels titres ? 

Nous constatons aujourd’hui un intérêt croissant pour le financement à impact, appelé également impact investing ; ainsi que pour les entreprises à mission. La microfinance est à l’origine de ce phénomène. Après une trentaine d’année d’existence, elle a pu démontrer que nous pouvons rechercher un impact social et/ou environnemental sans pour autant renoncer complètement à la rémunération. Une société, quel que soit son statut légal (associatif, coopératif, SA, … ou autre) peut se donner les moyens de travailler sur des enjeux sociétaux tout en gagnant de l’argent. La microfinance a prouvé cela et continue à le prouver aujourd’hui alors qu’un nombre croissant de personnes s’y intéresse. Aujourd’hui encore c’est un terrain de prédilection pour développer des outils de financement innovants comme les Contrats à Impact Social (CIS). Le tout premier CIS en France a d’ailleurs été structuré par BNP Paribas en faveur de l’Adie !

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