La microfinance, un secteur dynamique et en pleine mutation
Dans son éditorial, Jean-Luc Perron, Vice-Président de Convergences, dresse le tableau d’un secteur qui connaît une croissance annuelle de plus de 9% du portefeuille global de prêts et du nombre d’emprunteurs actifs. Une donnée qui reste toutefois à pondérer, puisque 2 milliards d’adultes n’ont toujours pas accès à une institution financière.
D’autres chiffres témoignent toutefois de cette vitalité. En 2016, les institutions de microfinance ont ainsi atteint 123 millions de clients dans le monde, pour un portefeuille de crédit de 102 milliards de dollars. L’Inde arrive en tête des pays acteurs de la microfinance mondiale en 2016, avec 47 millions d’emprunteurs, et un encours de près de 15 milliards de dollars. Le Vietnam arrive en seconde place, suivi du Bangladesh, du Pérou et du Mexique.
Ce classement reflète le dynamisme de l’Asie du Sud. La région concentre près de 60% des emprunteurs, et a connu la plus grande croissance en termes de prêts, avec + 23,5% en 2016. L’Amérique latine et les Caraïbes restent aussi une place forte de la microfinance, en cumulant 42,5 milliards de dollars d’encours, quand la microfinance en Europe mobilise 9,3 milliards de dollars et 8,7 milliards de dollars en Afrique subsaharienne.
Les femmes, moteur d’une microfinance qui se diversifie
L’emprunteur-type est une femme, vivant à la campagne. Elles sont 84% des emprunteurs en 2016, et les ruraux représentant près de 60% du marché global.
Ce baromètre de la microfinance 2017 propose également un zoom sur les institutions de microfinance, qui fournissent aussi d’autres services que des crédits, tout aussi nécessaires pour les populations concernées. En quoi consistent-ils ? Pour 55% d’entre eux, il s’agit de dépôts. 42% sont des services non financiers, ayant trait à la santé, l’éducation, en passant par l’entrepreneuriat et l’autonomisation des femmes. Enfin, 18% sont des services d’assurance volontaire.
Dans son focus sur l’Europe, le baromètre étudie les particularités d’un continent où la microfinance concerne essentiellement le microcrédit professionnel, et qui connaît une croissance continue, passant de 494 781 micro-crédits accordés en 2014 à 552 834 en 2016, soit une augmentation de 12%.
Une impulsion qui se retrouve également en France, un marché original, où le taux d’insertion professionnelle des emprunteurs s’élève à 91% pour les entrepreneurs, et 65% pour les particuliers.
L’emprunteur-type est une femme, vivant à la campagne.
Le microcrédit professionnel
Le microcrédit professionnel est destiné à des personnes confrontées à des difficultés d'accès au financement classique, désirant créer ou reprendre une entreprise. Il se caractérise par l'accompagnement préalable des bénéficiaires par les organismes qui l'accordent. Cet accompagnement se poursuit après le déblocage du microcrédit afin de contribuer à la pérennité de l'entreprise financée.
Synergies entre microfinance et impact investing : la croisée des chemins
Cette 8e édition du Baromètre propose un dossier complet consacré aux synergies entre microfinance et impact investing.
La situation s’apparente à une croisée des chemins, entre un secteur de la microfinance mûr et des opportunités dans le domaine de l’impact investing encore à définir. Un groupe de 200 investisseurs communiquant leurs données au Global Impact Investing Network indiquent ainsi avoir investi près de 60% de leurs actifs dans la microfinance et les autres services financiers en 2016. Loin devant les secteurs d’impact investing, comme l’agriculture, l’énergie et la santé, toutes en-dessous de 10%.
Mais la situation pourrait évoluer. Car la stratégie des investisseurs s’inspire de plus en plus des 17 objectifs de Développement Durable, visant à lutter contre la pauvreté et pour la sauvegarde de l’environnement. La maturité du secteur de la microfinance pousse aussi les investisseurs à se diversifier, ainsi que le bond technologique que connaissent les pays en voie de développement, qui fait office d’accélérateur des projets financés par l’impact investing.
Une situation qui soulève des questions de fond auxquels tous les acteurs s’efforcent de trouver une réponse : la microfinance peut-elle être une source d’inspiration pour l’impact investing ? Comment mesurer la performance sociale d’un investissement ? Quels défis à venir pour la microfinance dans le développement des pays où elle est implantée ?
Autant d’enjeux sur lesquels revient Jean-Michel Servet, professeur honoraire au Graduate Institute of International and Development Studies, qui aborde la proximité entre impact investing et microfinance, ainsi que les défis qui attendent ces secteurs, centrés sur la complémentarité avec l’action publique, et la mesure de l’impact réel des projets financés.
Des tendances globales qui s’incarnent dans des cas concrets. A commencer par celui de la Banco da Familia, une IMF brésilienne, dont 79% de ses clients ont augmenté leurs revenus entre le premier et le dernier prêt contracté auprès de l’organisme, selon une étude financée par BNP Paribas. Un succès manifeste, surtout si l’on sait également que 87% des clients affirment avoir vu leur niveau de vie augmenter.
Autre situation emblématique : celle de M-Kopa Solar, une entreprise sociale kenyane, dont le modèle économique repose sur le principe du « pay as you go », qui propose à ses clients des panneaux solaires, lampes, chargeurs de téléphone et radios, moyennant 50 centimes. Elle cumule près de 250 000 prêts, dont 92% sont dans une situation positive. Elle est aussi parvenue à lever près de 7 millions de dollars entre 2015 et 2016. Les frontières entre impact investing et microfinance se réduisent. Un phénomène qui ouvre une nouvelle ère dans les 2 domaines.