Je suis impressionné par la manière dont le Social Business mobilise des personnalités de tous horizons, et je remercie le Professeur Yunus pour son invitation à participer à ce sommet. En tant qu’acteur de l’économie et de la société depuis plus de trente ans, je considère que le Social Business joue un rôle essentiel dans la construction d’un monde plus équitable. Au tout début des années 2000, BNP Paribas a signé un accord important avec l’ADIE, dont chacun ici connaît le rôle important dans la création d’entreprise par les personnes exclues du système bancaire. Par ce partenariat, qui existe toujours à l’heure où je vous parle, les agences BNP Paribas s’engageaient à ouvrir un compte à tous les porteurs de projets de création d’entreprise dont le dossier aurait été validé par l’ADIE. Au moment de la signature de ce partenariat, Maria Nowak, qui avait fondé l’ADIE en s’inspirant des travaux du Professeur Yunus, a déclaré qu’elle se sentait comme une souris venant de s’associer avec un éléphant. Quinze ans plus tard, il faut se rendre à l’évidence : l’éléphant ne peut plus vivre sans la souris ! Je vais vous expliquer pourquoi...
La quête d'une croissance plus juste
Aujourd’hui, les inégalités entre les nations et les personnes les plus riches et celles les plus pauvres sont plus grandes que jamais. Cette situation remet en question les rêves humanistes qui ont été les nôtres pendant des décennies et dont la réalisation nous semblait, à la fin du XXème siècle, plus accessible qu’elle ne l’est aujourd’hui.
Aux quatre coins de la planète surviennent des désordres géopolitiques, porteurs à la fois de crises humanitaires et de dangers pour la sécurité de notre monde. L’urbanisation croissante et le réchauffement climatique ajoutent à cette situation un risque écologique majeur, qui n’est pas sans lien avec de nombreux drames humanitaires dont la crise des réfugiés. Dans un tel contexte, la quête d’une croissance plus juste doit devenir une priorité pour les acteurs économiques, autant qu’elle l’est pour le monde politique.
Aucun pays, aucune entreprise, aucun citoyen ne pourra gagner durablement dans un monde qui perd.
Comment répondons-nous à cette préoccupation chez BNP Paribas ?
Tout d’abord, nous nous sommes toujours efforcés de rester fidèles à la vocation d’une banque : collecter l’épargne et la mettre au service des projets professionnels et personnels de nos clients. Nous sommes présents dans 74 pays avec 190 000 collaborateurs de la Guinée au Vietnam en passant par les USA et l’Europe.
Nous jouons un rôle essentiel auprès de nos clients et donc de la croissance économique, mais nous connaissons suffisamment les réalités du terrain pour partager le constat du Professeur Yunus, selon lequel le système bancaire tel qu’il est aujourd’hui peine à soutenir ceux qui en ont le plus besoin. Cela se vérifie dans les pays émergents, mais aussi dans les pays développés, notamment lorsqu’il s’agit de donner aux jeunes les plus défavorisés toute la place qu’ils méritent dans la société.
C’est pourquoi, au-delà de servir nos clients, nous considérons qu’il est de notre devoir de « contribuer à un avenir meilleur». Nous sommes conscients qu’en plaçant cette exigence aussi haut parmi nos ambitions, nous nous obligeons à des choix stratégiques quelquefois difficiles, y compris financièrement. Mais nous sommes convaincus que la société tout entière bénéficiera de ces efforts et que ceux-ci profiteront donc aussi, au bout du compte, à l’entreprise et à ses employés.
il est de notre devoir de contribuer à un avenir meilleur
BNP Paribas, un accélérateur de la transition énergétique
C’est ainsi que nous avons décidé depuis plusieurs années de devenir un accélérateur de la transition énergétique. Nous nous sommes fixés des objectifs ambitieux pour financer le développement des énergies nouvelles et réduire notre soutien aux énergies les plus émettrices de CO₂.
Au-delà des défis climatiques, notre monde exige que nous repensions notre rôle dans le système économique global, afin de contribuer à une croissance plus juste. Notre expérience montre que les acteurs du Social Business sont des partenaires incontournables dans cette recherche d’un futur durable. Sur quelles collaborations pouvons-nous, ensemble, construire l’avenir ?
Nous inspirer du Social Business...
Tout d’abord, nous considérons que nous avons le devoir de nous inspirer du Social Business.
En effet les premières banques ont été créées par des groupes de femmes et d’hommes qui voulaient mettre l’épargne au service de communautés de paysans, d’artisans ou de petites entreprises. Plus tard elles ont financé les infrastructures et les grandes entreprises, et quelquefois la complexité de leur mission a pu leur faire perdre de vue leur vocation première. Le Social Business nous rapproche de femmes, d’hommes, d’enfants pour qui un petit coup de pouce financier peut être un événement décisif de leur vie.
C’est pourquoi nous avons inscrit, dans le parcours de nos jeunes talents, des stages au sein d’institutions de microfinance qui contribuent au développement dans des pays émergents. Ce retour aux sources nous aide à rester proches du sens originel de notre mission, et sans doute à faire preuve de davantage d’empathie avec tous nos clients.
Donner des objectifs d'intérêt général à nos actions
- Nous nous sommes aussi rendu compte qu’il était possible d’innover en compagnie d’acteurs du Social Business pour donner des objectifs d’intérêt général à nos actions : en novembre 2016, nous avons signé avec l’ADIE un des deux premiers Contrats à Impact social. Ce contrat finance un programme de développement de l’entrepreneuriat dans des zones rurales françaises isolées. Il vise à trouver de nouveaux emplois stables pour au moins 320 personnes et à générer plus de 2 millions d'euros d'économies pour l'État en termes notamment de prestations de chômage.
- Par ailleurs, au cours des douze derniers mois, notre filiale de gestion d’actifs a atteint le milliard d’euros de fonds d’investissement solidaires et impact. Une partie des investissements est affectée au financement d'entreprises à fort impact social. C'est un « capital patient » qui paie à la fois un rendement financier et un dividende sociétal.
- En Asie, à travers le Tropical Landscape Finance Facility, nous avons récemment structuré, aux côtés du gouvernement indonésien, une plate-forme de prêts verts très innovante. Il s’agit d’une première mondiale qui peut transformer la vie de millions d’indonésiens dans les zones rurales qui ont le plus besoin de soutien, et qui fait l’objet d’un suivi très attentif par le Programme pour l’Environnement des Nations Unies.
- Plus près de nous, le Projet Banlieues, que nous développons en France depuis 2006, notamment en partenariat avec des acteurs du Social Business, nous permet de contribuer à l’insertion des jeunes et à la vitalité économique de zones urbaines défavorisées où nos agences sont très implantées. Ce projet leur permet à la fois d’avoir un impact positif sur l’écosystème et de renforcer le lien avec la clientèle locale.
Nous sommes un partenaire du Social Business à travers nos financements
Au-delà de l’inspiration, nous sommes un partenaire important du Social Business à travers nos financements. Notre objectif est aujourd’hui de soutenir 350 000 personnes d’ici fin 2018 à travers le financement de 30 institutions de microfinance dans 15 pays. Notre exposition aux entreprises, que ce soit à travers la microfinance ou à travers les prêts et investissements dans les fonds à impact, s’élève à 940 millions d’euros, dont 250 millions concernent la microfinance. En cette fin d’année, 1017 entreprises sociales réparties dans 7 pays bénéficient de nos financements. Une majorité d’entre elles sont des acteurs du Social Business au sens strict du terme. Plus globalement, BNP Paribas a dédié, au jour d’aujourd’hui, près de 135 milliards d’euros à la Finance durable.
Bien plus que de chiffres, il est ici question d’hommes et de femmes : ceux qui travaillent dans le Social Business, ceux qui en bénéficient, mais aussi les employés de la banque qui enrichissent le sens de leur métier en travaillant aux côtés du Social Business. Ces partenariats nous permettent de transformer en profondeur les actions et les objectifs de notre entreprise, pour contribuer, effectivement, à un meilleur futur.
BNP Paribas a dédié près de 135 milliards d’euros à la Finance durable.
Evaluer notre empreinte sociétale
Pour quel impact ? Vous me direz que nous sommes habitués à mesurer notre performance financière et que nos indicateurs sont moins précis pour mesurer notre impact social. En réalité, les 17 objectifs de développement durable des Nations Unies (eau, pauvreté, faim, éducation…) ont créé un cadre qui aide considérablement les entreprises à évaluer leur empreinte sociétale. C’est une avancée très importante qui, je le pense, aura des conséquences structurelles et profondes sur la façon dont les entreprises envisagent leur mission. Ce ne sont pas simplement des mots. A titre d’exemple, l’évaluation de ma performance et de celle de la direction générale de BNP Paribas prend en compte des critères qualitatifs tels que les initiatives de responsabilité sociétale.
“ Je suis fermement convaincu qu’à l’avenir, le leadership des entreprises et de leurs collaborateurs reposera en grande partie sur leur capacité à générer des bénéfices pour la société civile et le monde qui les entoure. ”
Si nous en sommes là, c’est bien sûr parce que les besoins de nos sociétés ne peuvent plus être couverts exclusivement par les états. Les urgences s’accumulent devant nous. Nous ne pourrons pas faire face aux défis qu’affronte notre planète, si les entreprises ne deviennent pas acteurs d’une plus grande redistribution. Merci aux entreprises du Social Business de nous avoir montré la voie et de nous prouver tous les jours que cette belle ambition peut devenir la réalité de demain.
Nous partageons le rêve du Professeur Mohammad Yunus d’atteindre un monde avec zéro pauvreté, zéro chômage et zéro émission de CO2. Le chemin sera long, mais j’ai confiance en notre capacité à le parcourir ensemble.