Les FinTech, ces start-ups ambitionnant de révolutionner le secteur bancaire et les services financiers par la technologie, sont passées en deux ans d'un sujet d'intérêt pour initiés à une réalité concrète : il en naît chaque jour au Cap, à Nairobi, Palo Alto, Shanghai, Tel-Aviv, Paris ou Londres. Certaines visent les entreprises quand d'autres ambitionnent de révolutionner la vie du consommateur : sa façon de faire ses achats, de gérer son épargne ou d'obtenir des crédits. Moyens de paiement, place de marché, crédit, dématérialisation, rien n'échappe à ces jeunes et talentueux « barbares ».
Chaque jour, nous constatons ce qui fait la véritable valeur de ces start-up : leur agilité, leur ingéniosité, leur capacité à pivoter rapidement, c'est-à-dire à changer de « business model » si le précédent ne rencontre pas le succès espéré. Autant de qualités que les grands établissements bancaires ont souvent du mal à générer et à faire vivre.
Un Airbus A380 n'est pas un avion de voltige - heureusement pour ses passagers. Mais il n'est pas rare que les inventions testées sur de petits avions finissent par optimiser les gros. Disons-le : les banques ont tout intérêt à se rapprocher de ces nouveaux acteurs, qui leur apporteront l'agilité qui leur fait si souvent défaut.
Mais que peut encore apporter un groupe bancaire à une FinTech ? Trois qualités essentielles. D'abord, le volume. Lorsque l'on s'occupe de l'argent de dizaines de millions de clients dans le monde, entreprises comme particuliers, on dispose d'un savoir-faire acquis au fil des décennies que rien ne peut remplacer.
La confiance, ensuite. Les grandes banques la tirent directement de cette volumétrie qui nourrit leur marque et leur réputation. Quoi que fassent les start-up de la finance, elles ont encore à bâtir cette confiance, dès lors qu'elles sollicitent les fonds des entreprises et des particuliers. Placer son argent ou emprunter auprès de sa banque ne peut pas relever du pari.
Enfin, la capacité à répondre aux contraintes réglementaires, qui ne cessent de croître afin de protéger les épargnants et l'économie dans son ensemble. Régulateurs sectoriels, nationaux, internationaux, autorités diverses : le parcours d'obstacles qu'affrontent aujourd'hui les banques est une épreuve quotidienne. Pour un nouvel entrant, ce savoir-faire ne s'apprend pas sur Internet. Ici, les autorités ont un rôle à jouer en créant le cadre, stable et équilibré pour tous les acteurs, qui permettra le développement de l'écosystème.
Expérience industrielle, confiance et conformité : voilà les trois piliers de l'activité de banquier. Les FinTech ne pouvant y prétendre et les banquiers ne pouvant être les rois de l'agilité, il y a donc un intérêt commun à travailler ensemble.
Cet intérêt ne peut d'ailleurs que croître avec la concurrence naissante d'acteurs historiquement très différents : les Big Techs, PayPal, Gafa américains et leurs homologues asiatiques, Baidu, Alibaba et Tencent, qui font aujourd'hui du paiement et des services financiers mobiles un canal majeur d'investissements.
Les véritables concurrents de demain sont aujourd'hui présents dans les ordinateurs et les smartphones de tous leurs clients. lls sont déjà dans la place. Aux banques de relever le défi !
Les banques ont donc pris conscience du phénomène et peuvent se réinventer en misant sur leurs points forts, mais aussi en allant chercher la coopération avec ceux qui ont le même ADN que ces grands concurrents potentiels : le digital et la relation client.
Les annonces de rachats et de prises de participation, comme la création d'accélérateurs dédiés aux FinTech, montrent bien la volonté des grandes banques de favoriser cette collaboration.
Mais pour que cette collaboration soit fructueuse, il va falloir inventer un véritable « contrat de confiance » afin de garantir aux FinTech le maintien de leur intégrité, de leur agilité, de leur puissance d'innovation, même quand elles se seront alliées ou associées à un grand groupe bancaire.
Le contrat fixant les règles de cette coopération vertueuse sera la clef pour dépasser les méfiances réciproques et établir les bases d'une relation réellement équilibrée. C'est ce qui permettra à la fois le décollage réussi des FinTech et l'accélération de la transformation digitale des grandes banques, tout en leur permettant d'ajouter une nouvelle galaxie de services à leur métier historique.
Louis Treussard, CEO et directeur de la prospective de L'Atelier BNP Paribas
Cet article est intialement paru dans l'édition du 29 mars 2016 du journal Les Echos
- Pour en savoir plus :
- Accélérateur Fintech par L'Atelier BNP Paribas : c'est parti !