L’intelligence artificielle s’invite à grande vitesse dans le secteur financier. Mais si elle transforme les usages et les promesses de performance, elle bouscule aussi les fondamentaux de la relation client. La conviction de Renaud Dumora sur le sujet est claire : la technologie ne peut pas remplacer entièrement l’humain, elle le complète avantageusement. À condition de poser un cadre éthique et de cultiver une exigence fondamentale : la confiance.
Un terrain déjà fertile pour l’IA
L’industrie financière et ses secteurs variés – banque, assurance, gestion d’actifs… – sont historiquement riches en données et en processus décisionnels fondés sur des modèles statistiques et économétriques. Autrement dit, un terrain propice à l’IA, que ce soit pour l’analyse de risques, la personnalisation d’offres ou encore l’automatisation de tâches à faible valeur ajoutée. BNP Paribas adopte une approche stratégique déterminée et disciplinée. « Nous n’en sommes qu’aux prémices, prévient Renaud Dumora. Ce n’est pas encore à grande échelle. Mais l’impact de l’IA est déjà tangible sur notre façon de coder, de servir nos clients, de travailler et d’interagir ».
IA et réactivité
L’une des raisons qui justifie l’utilisation si rapide de l’intelligence artificielle, selon lui : sa réactivité. Renaud Dumora donne un cas d’usage relevant d’un sujet précis : l’assurance pour smartphones. « Le téléphone est devenu un objet vital pour chacun, presque l’extension de soi. Quand il est défectueux, le client attend une solution très rapide, et donc une réponse de son assureur quasi-instantanée. C’est typiquement une situation où l’IA fait la différence ». Grâce à l’automatisation des diagnostics et à la reconnaissance des cas fréquents, la réponse peut être donnée en moins de cinq secondes. L’efficacité est redoutable. Mais suffit-elle à justifier une généralisation aux différents domaines de la finance ? Si l’IA excelle dans la gestion de l’urgence, elle atteint vite ses limites lorsqu’il s’agit par exemple de décisions à forte portée patrimoniale ou émotionnelle, comme sur notre retraite ou sur un investissement pour un projet familial.
« Investir, ce n’est pas seulement une opération financière, c’est une décision pour un projet de vie ».
L’investissement : un acte intime qui exige confiance et transparence
« Investir, c’est un acte de projection personnelle, parfois familial. Ce n’est pas seulement une opération financière, c’est une décision pour un projet de vie ». Pour le Directeur général adjoint du Groupe en charge du pôle IPS, l’hybridation humain - IA est indispensable dans ces moments-clés, car le client ne cherche pas uniquement un taux de rendement, un niveau de risque, une allocation d’actifs mais une écoute, une vision, un échange, un accompagnement personnalisé dans un projet de vie personnel. Et ce dans un climat de confiance.
Cette exigence appelle trois prérequis. D’abord, la sécurité des données : les clients veulent savoir que les informations les plus sensibles sur leur situation personnelle et/ou familiale sont protégées contre toute intrusion ou risque de fuite. Ensuite, la transparence des décisions : si une IA recommande une action, encore faut-il pouvoir l’expliquer. « Il y a un arbitrage à faire entre la complexité des modèles, de plus en plus holistiques, précis et sophistiqués, et la clarté des explications, la pédagogie que nous pouvons fournir », souligne-t-il. Enfin, la compréhension émotionnelle : dépourvu de conscience, un algorithme ne peut pas percevoir la nuance d’un contexte personnel, culturel, d’une situation où les interrogations relèvent autant de l’émotion que de la raison.
« La vraie confiance vient d’une bonne combinaison entre intelligence artificielle et intelligence humaine ».
IA + humain : le duo d’avenir pour la finance responsable
« La vraie confiance », dit-il, « vient d’une bonne combinaison entre intelligence artificielle et intelligence humaine ». L’IA apporte la rapidité, la précision, la capacité de calcul. L’humain, par sa conscience, apporte l’intelligence émotionnelle, l’empathie, la capacité à percevoir et comprendre au-delà des chiffres, à donner du sens au-delà des mots, entre les lignes. Dans une époque où les interfaces remplacent parfois les interlocuteurs, BNP Paribas fait le choix d’un modèle hybride. « Nos processus automatisés doivent intégrer des garde-fous : à tout moment, s'il le souhaite, un client doit pouvoir parler à une personne bien réelle. Nous devons maintenir ce lien », ajoute Renaud Dumora. L’empathie ne se délègue pas à la machine.
Ainsi, son intuition est claire : « L’enjeu véritable, ce n’est pas de rendre l’IA toujours plus puissante. C’est de trouver l’équilibre avec l’humain pour préserver ce que la machine ne sait pas simuler : l’attention, la compréhension, la relation ».