- La Revue de stabilité financière de la BCE pointe des prises de risques accrues
- La sensibilité des marchés à des
évolutions inattendues de l’économie s’en trouve renforcée
- Une politique monétaire accommodante constitue un
exercice d’équilibriste dès lors que la croissance est robuste, l’inflation basse et les valorisations élevées
Dans un discours prononcé à Francfort le 17 novembre dernier, Mario Draghi a donné une bonne description de l’influence de la politique d’assouplissement quantitatif sur le comportement des investisseurs : « L’accumulation d’actifs à long terme dans son portefeuille permet à la banque centrale de réduire les primes de terme en éliminant le risque de duration pour les investisseurs privés. Par cet effet d’« élimination de la duration », la banque centrale libère une capacité à assumer les risques sur les marchés, suscite un rééquilibrage des portefeuilles privés en direction des titres restants et abaisse ainsi les primes de terme et les rendements sur toute une gamme d’actifs financiers… Avec la normalisation des conditions du marché et l’amélioration des perspectives économiques, la perception des risques a diminué et la capacité d’absorption du risque dans les portefeuilles privés a augmenté ». Autrement dit, face à de meilleures perspectives économiques, les investisseurs sont plus enclins à prendre des risques. Les investisseurs seraient-ils entrés dans le monde du docteur Pangloss ? Peut-être pas : « La compression continue des primes de risque et les signes d’accroissement des prises de risques sur les marchés financiers sont préoccupants car ils pourraient porter en germe de sérieuses corrections à venir des prix des actifs ».
Il s’agit d’une citation de la BCE extraite de la Revue de stabilité financière, publiée en début de semaine. Les opérateurs des marchés financiers seront soulagés de voir que ce passage ne figure pas dans le compte rendu de la réunion du Conseil des gouverneurs car ils l’auraient interprété comme un durcissement de ton significatif. Pour être juste, la Revue de stabilité financière dresse un tableau nuancé des valorisations des classes d’actifs et les inquiétudes à l’égard de Wall Street semblent dépasser de loin celles suscitées par les marchés de la zone euro. Ce passage traduit néanmoins la crainte qu’à un certain stade, cet optimisme aussi justifiable soit-il à l’égard de l’état de l’économie mondiale ne cède la place au sentiment de quasi-disparition du risque. A cet égard, le niveau extrêmement bas de l’indice VIX, y compris d’un point de vue historique, mérite un suivi attentif. Plus que jamais, avec une croissance robuste, une inflation basse et des valorisations élevées, la poursuite d’une politique monétaire accommodante tient de l’exercice d’équilibriste. Il s’agit d’éviter que « Mr. Marché » ne passe de Dr. Jekyll à Mr. Hyde.