Une économie du partage qui concerne tous les secteurs
Une nouvelle économie « collaborative » a accompagné le développement et la démocratisation des technologies numériques : l’accès généralisé à Internet et aux nouveaux moyens de communication simplifie la mise en relation directe entre l’offre et la demande, et le regroupement de citoyens ayant un besoin commun.
Rendue possible par le numérique, la consommation collaborative est dopée par la crise ! En s’appuyant sur le partage et l’échange entre consommateurs, elle augmente le pouvoir d’achat, notamment avec l’achat, la vente et la location entre particuliers, qui se sont développés dans tous les secteurs :
- l’achat et la vente de produits d’occasion se sont développés avec des sites d’enchères (comme eBay, présent dans 39 pays), ou de petites annonces (Leboncoin en France ou Craigslist aux États Unis par exemple), voire avec des sites d’échange (comme Digitroc) ou de don (donnons.org, recupe.net…). Ces pratiques nouvelles se sont répandues, donnant un second souffle aux ancêtres de la consommation collaborative : les vide-greniers et autres bourses d’échange !
- la location entre particulier s’est développée, pour partager l’usage d’un bien (par exemple un outil avec jelouetout ou allovoisins) mais s’étend aussi au prêt de proximité (en Suisse, le réseau d’échange Pumpipumpe fonctionne avec des autocollants que les particuliers collent sur leurs boites aux lettres d’immeubles, représentant une perceuse, un mixer, une paire de jumelles ou tout autre objet qu’ils possèdent, et sont disposés à prêter à leurs voisins) ;
- le monde du transport est concerné : on pense bien sûr au modèle Uber venu d’outre-Atlantique, mais avec le covoiturage (grâce à blablacar notamment), ou la revente à petit prix de billets de train non utilisés (trocdestrains.com),
- la pratique s’est également étendue à l’hébergement : on peut aujourd’hui louer un logement via Airbnb ou Bedycasa, par exemple.
Finalement, tout se partage : le bureau avec les espaces de coworking, le jardin avec les jardins partagés, le savoir avec les Trade School aux États Unis, des avis et conseils sur des voyages et sites touristiques avec use-it.travel ou spottedbylocals.com… mais beaucoup de choses aussi se donnent : à Berlin, les réfrigérateurs en libre service de Lebensmittelretten.de contiennent des aliments à la disposition de tous.
Une démarche durable
Faire des économies n’est pas la seule motivation des adeptes de la consommation collaborative. Ils revendiquent aussi une conduite éthique, en refusant la consommation à outrance. Une voiture reste 23 heures sur 24 au garage, une perceuse sert en moyenne 10 minutes par an : la logique voudrait que l’on partage les usages de tels équipements ! Pratiquer le covoiturage est aussi un réflexe écologique : augmenter le nombre moyen de passagers par véhicule réduit les émissions polluantes liées au transport.
Et quelle que soit leur motivation principale, tous ceux qui s’impliquent dans cette « économie du partage » y voient une pratique vouée à s’étendre et se généraliser. Un point de vue partagé par le magazine TIME qui y voit « une des 10 idées qui vont changer le monde » ! Cet avis est aussi confirmé par une étude de PwC, qui évalue le marché global de la consommation collaborative à 335 milliards de dollars, au niveau mondial, d’ici à 2025.
Son développement reste inégal selon les pays et leurs particularités. Ainsi par exemple, en France, le seul covoiturage aurait représenté en 2015, selon le Ministère de l’Environnement, 11 millions de trajets et 3,5 milliards de kilomètres. Cette pratique n’est pas une particularité française : elle s’étend au Canada, en Inde, en Nouvelle Zélande ou encore en Allemagne… L’européen Gomore, qui propose à la fois covoiturage et location de voitures entre particuliers, revendique plus de 1,3 millions de membres inscrits, et plus de 10 000 voitures de particuliers en location en Europe !
Mais dans d’autres pays, comme les États Unis, l’essence reste plus abordable et n’encourage pas le covoiturage. Ce qui n’entrave pas d’autres formes de consommation collaborative : en 2011 déjà, le secteur des prêts entre particuliers américains y dépassait 500 millions de dollars !
Un marché qui se structure, une réglementation à la traine
Loin d’être une mode passagère, la consommation collaborative semble ainsi bien s’installer dans le quotidien des consommateurs. Parallèlement le marché s’organise et se rationalise, de nombreux acteurs nouveaux apparaissent, tandis que d’autres se rapprochent via des rachats ou des fusions. Ces consolidations permettent aux plates-formes d’échange ou de partage d’atteindre une masse critique, faisant croître la pertinence de leur offre proportionnellement à son étendue.
L’économie du partage pose toutefois un problème de légalité : de nombreux particuliers, pour faire des achats et ventes en ligne, louer des services ou partager un bien moyennant finance, paient en liquide ou via un compte de paiement en ligne comme Paylib : l’échange échappe à l’administration fiscale, et représente un sérieux manque à gagner ! Une évolution des règles fiscales devrait s’imposer, tout comme un encadrement de cette nouvelle économie.
La vente d’objets d’occasion n’est pas imposable… sauf lorsque cela devient une activité « régulière ». Mais la limite n’est pas clairement définie. Le covoiturage est toléré, les sommes échangées étant une « participation aux frais », mais la location d’objets, si elle est régulière encore une fois, doit être déclarée.
Dans tous les secteurs, l’imposition des gains nés de l’économie du partage dépend de la déclaration des contribuables qui, souvent, « l’oublient » par méconnaissance ou choix délibéré ! Toutefois, les premières mesures ont été prises en 2015 : les députés ont ainsi voté un amendement au budget 2016 obligeant les sites Internet de type Airbnb ou Drivy à informer leurs utilisateurs des sommes qu’ils doivent déclarer aux impôts. Nul ne sera censé ignorer – ou méconnaître – la loi !