- Après les salaires horaires, la hausse des prix à la consommation et la production a également été plus élevée que prévu
- Anticiper la dynamique inflationniste est délicat, d’autant que la courbe de Phillips est devenue moins fiable
- Investisseurs et banques centrales accorderont, de ce fait, une attention plus grande aux données récentes plutôt qu’aux relations à long terme
Lorsque vous attendez désespérément quelque chose, l’utilité marginale liée au fait de l’obtenir s’en trouve décuplée. Les enseignants d’économie illustrent cette notion en évoquant la bière fraîche qui étanche la soif. Mais l’inverse est également vrai : plus vous êtes confrontés à des sujets qui fâchent, plus votre désespoir augmente. Il en va ainsi des devoirs comme de l’inflation.
En général, à un certain stade du cycle l’inflation tourne au casse-tête : les perspectives relatives à la politique monétaire changent, ce qui peut peser avec un certain décalage sur les perspectives de croissance. Sommes-nous au début d’une telle évolution aux États-Unis, sachant que la hausse des salaires horaires, des prix à la consommation et des prix à la production a été supérieure aux prévisions ? Comment la Fed va-t-elle réagir à ce « triplé » ? Les données qui seront publiées avant sa réunion des 20 et 21 mars seront particulièrement importantes, de même que la conférence de presse de son nouveau président, Jerome Powell. Les orientations fournies par la Fed sont d’autant plus précieuses que le paradigme traditionnel, la courbe de Phillips qui décrit la relation entre hausse des salaires ou inflation et chômage, est désormais moins fiable. La partie supérieure du graphique illustre l’évolution du coefficient bêta des régressions mobiles (fenêtre de 60 mois) appliquées à la variation mensuelle des salaires horaires en fonction du taux de chômage (U3 et U6, définitions étroite et large). C’est une version très basique de la courbe de Phillips qui, à en juger par le R² et le statistique t, a souvent donné des résultats assez satisfaisants.
Cependant, depuis la Grande récession, le bêta s’est effondré, impliquant une faible réaction de la croissance des salaires aux variations du taux de chômage. De plus, le R² est tombé globalement à zéro ces dernières années. Des estimations plus sophistiquées pourraient fournir des résultats plus précis, or la BRI aboutit à la même conclusion : le coefficient bêta est devenu très faible. Les marchés et les banques centrales sont désormais confrontés au même défi : si les relations de long terme ne sont statistiquement plus fiables, mieux vaut privilégier les données récentes. Or plus la dépendance à l’égard de ces données est grande, plus le risque de surprises augmente. Nous avons pu le constater ces deux dernières semaines.