Ces dernières années, des monnaies locales sont apparues à travers toute la France. Elles s’appellent La Tinda à Pau (64), le Radis à Ungersheim (68), l’Heol à Brest (29) ou les Lucioles en Ardèche (07), et cohabitent, légalement, avec l’Euro. Des dizaines de ces « monnaies complémentaires » remportent déjà un succès croissant. Pourquoi un tel engouement ?
Des monnaies autorisées et encouragées
Qu’on les appelle « monnaies sociales », « parallèles » ou « solidaires », ou « monnaies locales complémentaires » (MLC), les nouvelles monnaies locales, adossées à l’Euro, sont utilisées sur un territoire restreint.
Si les premières ont été créées dans un relatif flou juridique, la loi sur l’Économie Sociale et Solidaire a reconnu juridiquement le « titre de monnaie locale complémentaire » en 2013, même si le Conseil économique, social et environnemental (CESE) souligne que les MLC échappent aux impôts et cotisations sociales.
Et en avril 2015, un rapport d’étude remis à Carole Delga, secrétaire d’État chargée du Commerce, de l’Artisanat, de la Consommation et de l’Économie sociale et solidaire, recommandait d’encourager le développement de ces monnaies, susceptibles de dynamiser les échanges locaux, au bénéfice des populations !
A l’initiative d’associations et collectivités
Portées par des associations ou des collectivités locales qui mettent en circulation leur propre monnaie (après autorisation de la Banque de France), les « MLC » constituent un instrument de paiement, utilisable :
• sur un territoire restreint (défini initialement) ;
• par un public précis : les adhérents de l’association, particuliers et commerçants ou producteurs locaux ;
• pour acheter des biens, des services, des savoirs… ;
• pendant un temps limité – elles portent une date de validité – car il est interdit de les épargner : il faut les faire circuler !
Des objectifs éthiques et économiques
Ces monnaies alternatives réussissent leur pari. Non seulement elles séduisent largement, mais elles revitalisent aussi réellement l’activité locale. En effet, les créateurs des monnaies locales témoignent que la quasi-totalité des adhérents utilisateurs découvrent, avec la monnaie, des commerces qu’ils ne fréquentaient pas auparavant !
Les MLC sont donc bien un moyen de lutter contre la délocalisation, de tisser de nouveaux liens sociaux, de maintenir l’emploi dans le territoire… Elles revendiquent également des objectifs éthiques et écologiques : encourager la consommation locale, c’est aussi réduire la pollution liée au transport des biens.
En pratique, une association crée une monnaie locale, puis ses adhérents échangent des euros contre des billets de cette nouvelle monnaie (les euros collectés, eux, constituent un fonds de garantie géré par la banque partenaire). Ils pourront ensuite utiliser ces billets chez les commerçant locaux ayant adhéré au réseau.
Zoom sur les Abeilles
L’association « Agir pour le vivant » a créé à Villeneuve-sur-Lot (47) la première monnaie locale et complémentaire en 2010 : l’Abeille.
- Entreprises et particuliers de la commune peuvent adhérer en payant une cotisation à l’association. Les entreprises s’engagent à respecter une charte éthique, et 6 d’entre elles sont des « comptoirs » où les particuliers peuvent se procurer des abeilles contre des euros. Les euros ainsi récoltés sont déposés à la NEF (banque solidaire) pour constituer le fonds de garantie.
- Les particuliers peuvent payer leurs achats, dans le réseau, avec des abeilles : la monnaie est rendue en abeilles pour les billets, en euros pour les pièces.
- Les entreprises disposant d’abeilles peuvent effectuer leurs achats avec cette monnaie auprès des fournisseurs au réseau : cela les encourage à privilégier les fournisseurs locaux.Si elles en ont trop, elles peuvent les reconvertir en euros auprès de l’association (moyennant une commission de 2 %).
- Non utilisés avant la date de validité imprimée sur le billet, les billets d’abeilles perdent 2 % de leur valeur faciale (on parle de fonte).
- Avec les cotisations, la fonte et la commission de reconversion, l’association dégage des fonds pour son fonctionnement courant (impression des billets, communication…).