Vous estimez que votre rôle est de redéfinir la façon qu’ont les banques d’utiliser les données. Qu'est-ce que cela implique ?
Tout d'abord, de revoir notre façon d’observer les données. Aujourd’hui encore, elles sont principalement utilisées pour stocker et retrouver des informations. Mon prisme, c’est de me demander comment cette data peut être traitée pour donner lieu à de nouveaux process d’automatisation. Nous essayons de mener un changement conceptuel, en examinant les données pour la valeur qu'elles ont mises bout à bout, et plus seulement en tant qu’information isolée. Nous passons d’une époque où la data était utilisée de manière statique pour chercher des solutions, à une époque où la data est la première des solutions. Je dis toujours que le principal atout dont dispose une banque n'est plus l'argent, mais la data.
Qu’implique cette façon d'aborder les données ?
Ce n'est pas juste un changement, c'est une révolution. Nous entendons parler de l'ère de l'information depuis les années 1980, mais les technologies ont fait un tel bond en avant que nous pouvons désormais faire appel à des stratégies et des méthodologies qui n’étaient tout simplement pas applicables auparavant, faute de capacités informatiques suffisantes. Nous avons enfin le « muscle » technologique pour mettre en œuvre des projets conceptualisés il y a des décennies. C’est très enthousiasmant.
Nous avons réellement franchi un cap. Par exemple, la plupart des algorithmes d'apprentissage automatique (machine learning) que nous utilisons aujourd'hui ont été développés dans les années 1970 et 1980. À l'époque, seules les armées les plus avancées étaient en mesure d'atteindre une telle capacité de calcul. Aujourd'hui, je les utilise au sein de la banque.
Photo : Michele Kidane Mariam
Où se situent les limites aujourd'hui ? Quels sont les défis auxquels votre équipe est confrontée et comment travaillez-vous pour les surmonter ?
Actuellement, le principal défi réside dans la gestion des données. Notre plus grosse contrainte est de devoir utiliser de vraies données dans un environnement technologique de production déjà figé, ce qui signifie que nous ne développons pas les outils en fonction de ce que nous disent les données. C’est toute la différence entre une logique de développement informatique classique, dans laquelle vous savez dès le départ quel résultat vous attendez, et une approche orientée data (data-driven), qui laisse les données façonner la solution technique. Jouer avec la data et s’autoriser à suivre ses enseignements, c’est ouvrir le process à des solutions innovantes auxquelles on n’aurait pas pensé en début de projet.
Par exemple, il y a une chose dont nous avons besoin en permanence, c’est traiter des documents d'identification du monde réel pour numériser leurs données. Pour faire cela automatiquement, la première étape est d'apprendre à la machine comment lire une feuille de papier : vous devez créer un modèle capable d'identifier l'information cible, quelle que soit sa forme. Sauf qu’il est difficile d’utiliser de fausses données de test car elles ne permettent pas de reproduire la diversité des données du monde réel. Cela signifie que nous ne pouvons pas apprendre à l'algorithme à traiter les facteurs du monde réel aussi efficacement que si nous utilisions des données réelles dès le début de la programmation.
Il y a des progrès à faire sur ce point et nous avons commencé à redéfinir les rôles au sein du département IT pour modifier les autorisations actuelles et accéder à l'information, afin de favoriser ce genre d'approche axée sur les données. Nous faisons évoluer notre logique de gestion informatique pour la mettre en place et c'est un grand pas en avant.
Nous avons enfin le « muscle » technologique pour réaliser des projets conceptualisés il y a des décennies. C’est très enthousiasmant.
Qu'est-ce que vous préférez dans votre travail ? Qu'est-ce qui vous inspire ?
Ce que je trouve le plus passionnant, c'est lorsque les données vous révèlent quelque chose que vous n'auriez jamais cru utile au départ. Pouvoir découvrir des données inconnues ou inattendues à partir d’éléments que l’on a déjà, c'est un sentiment formidable. J'aime jouer avec les données et voir ce que je peux en tirer pour les changer en information exploitable. Mais interpréter ces chiffres est moins facile qu'il n’y paraît.
Certains de vos projets se démarquent-ils des autres ?
Les projets d'automatisation sont singuliers en raison des réactions qu’ils suscitent : on se demande toujours comment vont réagir les collaborateurs concernés par ces solutions.
Le premier projet que j'ai géré chez BNL a été une très bonne surprise de ce point de vue. Lorsque j'ai abordé l'équipe pour laquelle avait été conçue la solution, j'ai été bien accueilli et les gens avaient hâte d'avoir un outil qui leur permettrait de mieux travailler. Ils ont perçu que cela leur permettrait de se concentrer sur les tâches qu’ils préfèrent, ce qui est bon à entendre. Aujourd'hui, je considère que ma mission principale est de créer les conditions optimales pour permettre aux femmes et hommes de la banque de travailler le mieux possible.
"Gardez en tête que la résolution de problèmes est au cœur de nos missions. Le secteur bancaire est un environnement extrêmement concurrentiel, ce qui signifie que nous devons suivre un certain rythme et que nous devons être capables de résoudre les problématiques telles qu'elles se présentent. Il vous faut également bien comprendre les pratiques commerciales quotidiennes de la banque, pour identifier les terrains d'amélioration et d'automatisation. Enfin, vous devez avoir de l’appétit pour des choses nouvelles auxquelles vous n’avez jamais touché auparavant."
Comment expliqueriez-vous votre travail à un enfant ?
Je dirais que j'utilise des chiffres pour trouver des solutions, et la meilleure façon de les mettre en œuvre. En collectant beaucoup d'informations, nous avons une meilleure idée de ce qui se passe autour de nous. Plus nous en savons, meilleures sont les décisions que nous prenons.
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