Que fait un « Chef de la recherche senior » chez BNP Paribas ?
Je co-dirige le laboratoire Data & Artificial Intelligence de Global Markets, l’activité de marchés de capitaux de BNP Paribas CIB (Corporate and Institutional Banking). Nous cherchons à utiliser la technologie du machine learning pour les relations avec nos clients. Pour ma part, je gère une équipe de 5 spécialistes chargés de piloter des projets de recherche quantitative en la matière. Nous avons pour rôle d’aider nos commerciaux à mieux répondre aux besoins des clients grâce à la prédiction des comportements et à l’automatisation de certaines interactions.
Sur quelles données et quelles technologies vous appuyez-vous en particulier ?
Nous analysons les données textuelles brutes des clients – requêtes envoyées par chat ou e-mail – à la lumière d’une technologie appelée « compréhension du langage naturel ». Concrètement, nous mettons au point des algorithmes capables de comprendre et d’interpréter ces demandes écrites, relatives par exemple à la cession ou l’achat d’actifs. Ceci nous permet d’affiner notre connaissance des besoins clients et aussi d’automatiser le traitement de certaines requêtes, sans l’aide d’un conseiller.
Dans quel contexte avez-vous créé ce laboratoire ?
Au début de ma carrière chez BNP Paribas, en 2003, je faisais de la recherche quantitative pour des modèles d’évaluation des produits de taux d’intérêt. C’est en 2015 que nous avons eu l’idée avec mon manager, le responsable de la recherche quantitative (Joe Bonnaud, Global Markets), de créer un laboratoire d’analyse des données appliqué à Global Markets. L’activité gère en effet des milliers de transactions chaque jour portant sur un grand nombre de classes d’actifs. L’aventure intrapreneuriale qui a débuté à Francfort s’étend aujourd’hui à 6 autres villes pour couvrir l’ensemble de nos marchés : Londres, Paris, Singapour, Francfort, New York et Mumbai.
D’après vous, quel est le futur de l’Intelligence Artificielle dans le secteur bancaire ?
Les banques investissent depuis toujours dans les systèmes informatiques, en particulier pour leurs activités impliquant un flux massif de données comme le trading et les salles de marché. Ces systèmes traitent très bien les données la plupart du temps, sauf lorsqu’il est difficile voire impossible à coder, comme c’est le cas avec le langage naturel. C’est là que le machine learning entre en jeu : cette technologie permet aux ordinateurs d'apprendre par eux-mêmes. Dans le cadre de nos activités du Lab, la machine apprend à toujours mieux comprendre le contenu du message écrit. Tout cela participe au même but très précis : assister nos équipes de vente dans leurs tâches quotidiennes et améliorer la qualité du service rendu aux clients.
Quelle est l’importance du deep learning dans votre travail ?
Le deep learning (apprentissage profond) fait intervenir des réseaux de neurones artificiels plus profonds, capables d’intégrer un plus grand nombre de paramètres, mais nous nous appuyons toujours sur le machine learning pour commencer. Puis, lorsque ce dernier trouve ses limites, nous le complétons avec du deep learning.
Quelles sont les qualités requises pour faire ce métier ?
Il faut savoir coder des concepts et maîtriser les méthodes d’apprentissage automatique. Nos spécialistes ont aussi, pour la plupart, fait des études en mathématiques. Côté qualités personnelles, la ténacité est indispensable : 90 % du travail consiste en effet à concrétiser quelque chose qui n’existait pas initialement ! Si l’humain arrive à faire quelque chose, alors le programme doit pouvoir y parvenir aussi. L’humain est notre point de référence.
"Si vous voulez faire du machine learning chez BNP Paribas, testez d’abord votre niveau sur une plateforme comme Kaggle. Si vous êtes bien classé, vous avez toutes les chances de décrocher un poste chez nous. En résumé : soyez le meilleur dans ce que vous faites. Qui sait, vous remporterez peut-être une compétition de machine learning organisée par BNP Paribas. Nous l’avons fait à deux reprises par le passé et deux stagiaires ont été recrutés à l’issue des concours !"
Une anecdote à nous partager ?
À Francfort, où je suis installé, les équipes ont voulu adopter la technologie pour me prouver qu’elle ne marcherait pas. Elle a pourtant bel et bien porté ses fruits : nos prédictions de comportements ont été confirmées par les clients eux-mêmes ! Depuis, nos spécialistes appellent ces machines les Minions, en référence aux petites créatures jaunes en salopettes du film d’animation éponyme.
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