En cette rentrée, quel regard portez-vous sur l’Europe et sa nouvelle feuille de route ?
Cela me paraît clair : c’est le temps de l’Europe et plus particulièrement de la zone euro. La croissance est de retour à un rythme supérieur à ce qui était anticipé. Les élections passées, il faut se mettre au travail dans une démarche constructive et avec constance. Il s’agit de conforter la croissance en France et en Europe et de veiller à la création d’emplois. Il est, bien entendu, indispensable d’accompagner cette reprise par des financements appropriés. C’est au cœur de la mission de BNP Paribas. Si l’on revient un instant sur la crise de 2008, l’Europe a réagi avec courage et a entrepris des restructurations profondes, là où elles étaient indispensables. Après dix ans de réformes du secteur bancaire, l’essentiel du travail a été accompli. L’Union bancaire notamment constitue un très grand progrès.
Les voies de restructuration n’ont pas été partout les mêmes. L’Union bancaire en sort-elle renforcée ?
Elle est bien renforcée. Dans des contextes différents selon les pays : Espagne, Italie, Belgique, par exemple, les difficultés sont réglées ou sont en cours de traitement. Dans chaque cas, il y a un « héritage », un passé qu’il faut assumer. Ce n’est pas toujours facile pour les gouvernements. Je constate que des solutions adaptées, pragmatiques sont bien mises en œuvre. En tout état de cause, le superviseur bancaire de l’ensemble de la zone euro, le SSM, fait désormais un travail essentiel dont on voit bien l’impact. Il met en place des règles harmonisées pour le fonctionnement des banques. Il crée ainsi un « level playing field » en Europe et fait naître la confiance nécessaire pour parvenir à assurer la bonne circulation de la liquidité en Europe.
Comment aborder cette nouvelle phase ?
Dans cette période, financer correctement l’économie est plus que jamais nécessaire. La revue des règles de Bâle 3, dont les conclusions sont attendues, devrait veiller à la pertinence au regard du mode de financement de l’économie européenne, qui est davantage intermédié qu’aux Etats-Unis. Il ne faudrait pas qu’un « floor » conduise à une exigence en capital excessivement élevé par rapport aux risques réels. Par ailleurs, l’Administration américaine a engagé une réflexion sur les dispositifs réglementaires tels que le FRTB et le NFSR qui ont été décidés par le Comité de Bâle. Ceci devrait conduire l’Europe à agir de même, afin d’éviter de créer une dérive réglementaire sur des points essentiels dans la concurrence internationale, tant pour les banques que pour les entreprises qui ont besoin de leurs services bancaires.
C’est une question stratégique pour l’Europe qui doit offrir à ses entreprises une réelle capacité de choix. Il ne s’agit, bien entendu, pas d’affaiblir la solidité du système financier, mais bien de s’assurer que les termes de concurrence sont loyaux.
eN zone euro, c'est le moment de construire avec constance !
Le Brexit ne risque-t-il pas de mobiliser les autorités et de perturber les acteurs de la finance ?
En tant que tel, le Brexit n’a pas d’impact sur l’Union bancaire qui est un ensemble de règles appliquées aux banques de la zone Euro. S’agissant de l’organisation des activités à Londres, nous sommes en attente des décisions des Autorités publiques, qui résulteront des négociations en cours. En tout état de cause, BNP Paribas fournira les services requis par les clients. Par ailleurs, il est important d’avancer dans la création d’une véritable Union des marchés de capitaux, dès lors que nous avons une monnaie unique et les mêmes autorités de régulation.
Quelle serait la bonne méthode pour donner naissance à cette Union des marchés de capitaux ?
Des travaux ont été engagés et des mesures viennent d’être prises, par exemple, en matière de titrisation. Mais il faut aller plus loin. La question est complexe. Par exemple, les régimes juridiques sont aujourd’hui différents. A l’instar du Comité Delors ou du Comité Lamfalussy pour la création de la monnaie unique, il serait judicieux de mettre en place une commission de Sages pour conduire un processus transparent et efficace afin de faire converger progressivement les règles de fonctionnement des différents marchés de capitaux européens. En outre, il est indispensable de mieux orienter l’épargne longue vers l’entreprise. Les règles d’allocation des fonds collectés par l’assurance-vie ont une forte incidence. Celles-ci pourraient être revues dans un sens plus incitatif à l’investissement dans les entreprises.
Vous comparez Europe (ou zone euro) et Etats-Unis. Ne faut-il pas tenir compte de l’Asie – et de la Chine en particulier ?
C’est bien entendu une question importante. Les banques asiatiques ont aujourd’hui un rôle accru, par exemple pour le financement du commerce international ou des infrastructures. S’agissant de la Chine, on constate une augmentation du niveau d’endettement de l’économie. Cela s’explique pour une large part par l’effort de restructuration engagé pour reconvertir les secteurs de l’acier, du ciment... vers des productions plus élaborées. Ce double mouvement de restructuration/modernisation est d’autant plus délicat qu’un taux de croissance significatif est nécessaire pour assurer emploi et élévation du niveau de vie. Les Autorités chinoises me paraissent très vigilantes à éviter tout dérapage.
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Propos recueillis par Alexandre Garabedian et Sylvie Guyony, le 29 août 2017 pour agefi.fr
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