On s’interroge sur la façon dont le commerce de détail réagira à la croissance des nouveaux usages numériques qui ouvrent « un nouveau cycle », selon Patrick Delcol, récemment nommé Head of pan-european retail chez BNP Paribas Real Estate. Mais ce qui est certain, c’est que le digital « donne plus de pouvoir aux consommateurs » et incite à poser un regard nouveau sur ce secteur très dynamique.
le digital donne plus de pouvoir aux consommateurs et incite à poser un regard nouveau sur ce secteur très dynamique.
E-commerce et points de vente : la nouvelle alliance
En Europe, la part du e-commerce dans la totalité du commerce de détail continue de progresser et s’établit à 9%. De fait, « de nombreuses marques intègrent désormais des canaux digitaux à leur parcours, souligne Patrick Delcol, Head of pan-european retail chez BNP Paribas Real Estate. Le retail a l’habitude de s’adapter aux évolutions des besoins ».
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Dans ce contexte, les points de vente physiques doivent être repensés. Plus question d’opposer commerce en dur et e-commerce, ces deux modes de distribution se confondent désormais dans une stratégie globale et omnicanale. Un modèle dans lequel le client bénéficie d’une liberté totale lui permettant de faire ses achats quand il veut, d’où il veut, en ligne ou en boutique.
« Certains accusent la révolution digitale d'être la cause de tous leurs maux. C'est au contraire pour beaucoup un autre moyen de se distinguer, d'intégrer les deux canaux (phygital) à la grande satisfaction des clients présents et futurs. Encore faut-il le réaliser à bon escient économique. Ne nous leurrons pas : certaines enseignes à fort succès n’offrent aucune fenêtre digitale », affirme Patrick Delcol.
Certains accusent la révolution digitale d'être la cause de tous leurs maux. C'est au contraire pour beaucoup un autre moyen de se distinguer, d'intégrer les deux canaux à la grande satisfaction des clients
L’immobilier de commerce : un marché global porteur
En 2018, le volume des ventes retail a d’ailleurs augmenté de +1,5% (source Oxford Economics) dans la zone euro. Cette progression devrait se poursuivre en 2019. Et les investisseurs ne s’y trompent pas. Entre octobre 2017 et septembre 2018, 56 milliards d’euros ont été investis dans le retail (+1%). La classe d’actifs concentre 21% des investissements dans l’immobilier d’entreprise, arrivant en deuxième position après le tertiaire, devant le secteur logistique.
Derrière ces chiffres, le constat est plus hétérogène. La transformation du retail se répercute diversement sur la performance des commerces, en fonction de l’activité, de l’emplacement et du modèle de distribution choisis. Et les investisseurs immobiliers réévaluent corrélativement leur portefeuille d’actifs.
Photo : Patrick Delcol
L’essor des entrepôts
En Europe de l’Ouest, les investisseurs core et core + (c’est-à-dire ceux qui investissent dans les immeubles les mieux situés) s’intéressent de plus en plus aux entrepôts qui, en raison de l’explosion du e-commerce, sont de plus en plus recherchés par des commerçants soucieux de stocker des volumes croissants de marchandises. En 2017, le marché des entrepôts en France a ainsi affiché un niveau historique avec 4,1 millions de m² placés .
Second souffle pour les centres de plein air
Les outlets et retail parks, ces ensembles commerciaux bétonnés à ciel ouvert, ont également la cote. Pensés pour être plus attractifs et paysagers, ces espaces privilégient désormais le mélange des commerces avec une part croissante de magasins de mode, de loisirs et d'alimentation-restauration. Résultat : avec des loyers et des charges jusqu’à quatre fois moins élevés que ceux des centres couverts et des superficies disponibles bien plus importantes, cette offre attire de plus en plus d’enseignes. Entre 2006 et 2017, les retail parks ont ainsi capté 17% des investissements dirigés vers le commerce.
Beau fixe pour l’intra-muros dans les grandes villes
Dans la plupart des grandes villes, les principales artères commerciales « prime » continuent d’attirer les enseignes. C’est beaucoup plus compliqué pour les emplacements secondaires. Dans certaines villes qui abritent des centres commerciaux importants, comme à Marseille, les commerces de pied d’immeuble sont en souffrance. Le drive piéton, un concept omnicanal, né à Lille, qui permet au client d’effectuer ses achats sur internet avant de récupérer sa commande dans un point de retrait, répond ainsi au besoin d’une population urbaine et connectée, en lien avec le développement du e-commerce.
À Paris en revanche, les commerces de proximité se multiplient : les commerces de bouche, bio et spécialisés connaissent une forte progression. Les détaillants misent principalement sur des gains de productivité. Ces espaces sont rentables au m², étant donné la relative petitesse des locaux.
Une situation contrastée pour les centres commerciaux
En Europe de l’Ouest, le marché des centres commerciaux est arrivé à pleine maturité. Si les grands centres commerciaux séduisent toujours 78 % des jeunes européens, c’est-à-dire davantage que leurs parents, ceux de taille modeste, généralement situés en périphérie des villes moyennes ou qui vendent des produits de moyenne gamme, attirent moins les consommateurs. D’où des taux de rendement « prime » stabilisés à la baisse entre 4 et 5,5 % dans la plupart des pays européens.
De nouvelles perspectives pour les villes moyennes
Si les petits commerces de beaucoup de villes moyennes sont en souffrance, certains centres-villes tirent leur épingle du jeu : bon maillage des transports publics, stationnement facilité, traitement qualitatif des espaces publics et du mobilier urbain, animations locales, équilibres des formats commerciaux entre centre-ville et périphérie… Ces zones urbaines font l’objet de politiques volontaristes.
Partout en Europe, les pouvoirs publics cherchent à remédier au déclin continu des centres-villes des villes moyennes (moins de 100 000 habitants). En France, le gouvernement a lancé en 2018 « Action cœur de ville », un programme global destiné à revitaliser 222 communes de taille moyenne sur 5 ans. L’enveloppe, estimée à plus de 5 milliards d’euros, devrait y favoriser le retour des investisseurs et redessiner durablement le visage du commerce urbain sur l’ensemble du territoire.
“ Le retail s’est à nouveau engagé dans un cycle de transformations pour s’adapter aux nouveaux modes de consommation. Le marché de l’immobilier commercial devrait rester l’un de ses canaux de distribution les plus importants et efficaces, même s’il faut lui laisser le temps d’ajuster ses prix et ses espaces ”
Head of pan-european retail chez BNP Paribas Real Estate
Crédit photo : header ©Pavel Losevsky