Quel est le rôle de la Data dans le pilotage de la stratégie ESG de BNP Paribas ?
Imène – Rappelons tout d’abord que les engagements climatiques de BNP Paribas, précisément décrits dans notre climate report sont au cœur de notre stratégie ESG. Dans le cadre du plan GTS 2025, le Groupe a identifié l'alignement de sa trajectoire de financement avec ses objectifs de neutralité carbone comme l'un des 3 axes prioritaires en matière de finance durable. Parmi les engagements sectoriels précis pris dans ce cadre, il y a la très forte réduction de notre support aux énergies fossiles : on vise une part de 10 % maximum dans notre portefeuille de crédits à l’énergie pour le fossile en 2030, et nous nous sommes engagés en 2020 à avoir complètement cessé de financer le charbon thermique en zone OCDE et Europe à horizon 2030, et dans le reste du monde en 2040.
Le Groupe s’est aussi engagé à décarboner d’autres portefeuilles sectoriels comme celui de l’immobilier dont on suit la performance climatique à l’aide des Diagnostics de Performance Energétique (DPE). Tous ces engagements doivent être pilotés au quotidien, et de manière rigoureuse. C’est tout l’enjeu de la Data – ou données – ESG qui sont des données qui n’existaient pas il y a peu de temps, voire qui n’existent pas encore pour certaines. Nous devons nous mettre en ordre de marche pour les construire et ensuite les collecter. Il s’agit d’un enjeu commun entre nos clients et nous, qui prend du temps.
Enam – Effectivement, le respect de nos engagements suppose tout d’abord d’identifier et de collecter des données (données d’émission gaz à effet de serre ou données GHG, les données de diagnostic de performance énergétique (DPE), les données de scores ESG des clients, les données des fonds ESG...), pour nous aider à suivre précisément la trajectoire prise par le Groupe. Nous utilisons également ces données pour mesurer nos avancées et nous assurer de garder le cap. Nous pouvons recueillir certaines de ces données au sein du Groupe mais généralement ce sont des données publiées par nos clients, que nous récupérons dans leurs rapports RSE ou via des fournisseurs externes ou en open source, c’est-à-dire des données disponibles sur le marché auxquelles nous avons accès.
Qu'est-ce que la data ESG ?
On peut définir l’ESG Data comme toutes les données qui peuvent qualifier la performance environnementale et sociale d’une entreprise ou d’une contrepartie donnée, permettant ainsi d’identifier les risques Environnementaux, Sociaux et de Gouvernance (dits extra financiers) de ces dernières.
Quel est le cadre réglementaire actuel et à venir en matière de données ESG ?
Enam – Il existe un cadre réglementaire fixé par les régulateurs sur les données ESG, même s’il est assez récent et donc encore en construction. Par conséquent, il n’est pas encore aussi rôdé que celui sur la donnée financière, par exemple. Cependant nous pouvons déjà citer trois réglementations Européennes majeures en matière de donnés ESG :
- La Taxonomie européenne est une classification d’activités définies comme durables, dites activités « green » alignées avec les objectifs du European Green Deal et de l’accord de Paris visant à atteindre une économie neutre en carbone d’ici à 2050 dans l’Union Européenne. La Taxonomie Européenne couvre aujourd’hui 142 activités au sein de 9 secteurs. Pour mesurer l’alignement à la taxonomie, il existe un ratio, le Green Asset Ratio (GAR), qui calcule la proportion des actifs investis dans des activités économiques durables. Il a été produit pour la première fois en 2023.
- Le Pilier 3 ESG est un reporting qui permet d’apporter de la transparence sur la gestion de la gouvernance ESG et de publier des indicateurs relatifs aux risques climatiques (par exemple sur les émissions en CO2 financées). Il a été publié pour la première fois en 2022 et continue d’être enrichi.
- La CSRD, ou Corporate Sustainability Reporting Directive, est une directive européenne remplaçant la Non-Financial Reporting Directive. La CSRD exige la publication d’un reporting très précis sur la façon dont chaque entreprise gère les défis environnementaux et sociétaux. Ce reporting est standardisé entre toutes les entreprises, et sa première publication est attendue pour 2025 sur les données 2024 pour le Groupe et certaines de ses filiales (BGL, ARVAL, BNP Paribas Fortis, BNP Paribas Polska).
Comment le Groupe s’est-t-il organisé pour faire face à ces enjeux ?
Imène – Nous sommes convaincus de l’importance de développer des outils et des méthodologies « Open source » pour aligner les portefeuilles financiers avec nos objectifs climatiques. Au sein de l’équipe, nous avons par exemple travaillé avec d’autres membres de la Fédération Bancaire Française pour développer une méthodologie de mesure de la performance climatique des portefeuilles immobiliers résidentiels français, ainsi qu’avec l’agence française de transition énergétique, l'ADEME pour améliorer l’utilisation des diagnostics de performances énergétiques.
Ces travaux en Open source sont importants car ils s’intègrent dans nos engagements sociétaux de contribuer à ce que d’autres pairs puissent utiliser les mêmes méthodologies et profiter de nos travaux et avancées, afin de maximiser l’impact sur l’économie réelle. Sur la CSRD, le Groupe a mis en place une taskforce pour son propre reporting CSRD, qui allie les compétences de la RSE Groupe, de la fonction Finance & Strategy, de GDO (Group Data Office), des entités et d’autres fonctions du Groupe pour structurer ces données extra financières. Cette taskforce travaille depuis plusieurs mois sur ce sujet. Il est important de noter que la CSRD a un impact fort sur le Groupe puisque ce sont plusieurs centaines de collaborateurs qui vont tous contribuer au reporting extra-financier.
Enam – La finance durable, et plus largement le développement durable dans son ensemble, sont au cœur de la stratégie de développement du Groupe : c’est ce que recouvre le « S » - pour Sustainability - de notre plan GTS 2025. De ce fait, une gouvernance Data adaptée a été mise en place et de nombreuses équipes sont embarquées, à tous les niveaux.
Contribuer à la littérature scientifique fait partie de nos engagements sociétaux :
Nous pensons qu’il est important de contribuer à la recherche scientifique en matière de quantification du risque environnemental. C'est pour cela que beaucoup de nos travaux - portant sur des thématiques variées - sont partagés en « Open source ». Nous avons par exemple exploré l'utilisation du machine learning pour prédire les Diagnostics de Performance Energétique manquants.
Parmi nos publications sur les méthodologies de mesure d'alignement des portefeuilles, nous pouvons citer celle qui étudie les méthodes d'agrégation des performances climatiques des clients au niveau du portefeuille. Nous avons comparé leurs caractéristiques par le biais de démonstrations mathématiques et de simulations de Monte-Carlo.
Nous nous sommes également intéressés à la quantification du risque de biodiversité. Dans ce cadre nous avons récemment publié un premier document qui compare les indices d'intégrité des écosystèmes.
Nous souhaitons poursuivre l'exploration de nouvelles thématiques de recherche environnementale