Acteur actif, le secteur financier adopte les « principes de la banque durable »
"L’urgence climatique est une course que nous sommes en train de perdre, mais nous pouvons la gagner", prévient Antonio Guterres, le secrétaire général de l’ONU au Sommet sur le climat du 23 et 24 septembre derniers à New York. Son message a été reçu. 66 Etats se sont engagés à prendre des mesures pour tendre vers les 17 objectifs de développement durable (les « ODD ») édictés par les Nations unies. Des organisations non étatiques ont rejoint cet élan. Une dizaine de grandes régions, une centaine de villes et autant d’entreprises ont paraphé les ODD.
A cette occasion, quelques-uns ont été encore beaucoup plus loin : la veille, 45 dirigeants de grandes banques internationales célébraient le lancement des « Principes pour une banque responsable » – en anglais, les « Principles for Responsible Banking » (« PRB »). Élaborés dès 2018 à l’initiative d’un noyau de trente grandes banques pionnières en partenariat avec les responsables du volet financier du Programme des Nations Unies pour l’environnement (l’UNEP FI), les « PRB » ont fait l’objet d’une consultation mondiale publique pendant plusieurs mois, à laquelle ont participé une centaine de parties prenantes de toute nature.
A New York, 130 banques de 49 pays ont adopté la version définitive. Les signataires totalisent 47 000 milliards de dollars d’actifs, soit environ un tiers des actifs bancaires mondiaux. Pour Jean-Laurent Bonnafé, Administrateur Directeur général de BNP Paribas, une des trois grandes banques française du groupe à l’origine de cette initiative, « il s’agit d’un jalon pour l’industrie bancaire : elle s’est accordée sur un cadre unique pour intégrer le développement durable au niveau stratégique dans tous ses domaines d’activité ».
“Cette nouvelle norme désamorcera la critique majeure faite aux banques en matière de développement durable : agir en fonction de leurs intérêts et non pour celui de la société.”
Administrateur-Directeur Général de BNP Paribas
Feuille de route
Bien que non contraignants et dénués d’objectifs chiffrés, les « PRB » constituent, de l’avis d’experts, un « puissant moteur pour développer leur responsabilité sociale et environnementale ». Concrètement, cette feuille de route en six points « redéfinit le rôle et la responsabilité du monde bancaire », résume la Fédération Bancaire Française (FBF).- les signataires s’engagent à aligner leur stratégie commerciale sur l’Accord de Paris qui vise à stabiliser la hausse du réchauffement climatique à 2°C d’ici 2050.
- ils s’emploieront à accroître leur contribution positive tout en diminuant leur impact négatif, et à publier des objectifs.
- ils travailleront avec leurs clients pour privilégier les produits et services qui favorisent la « prospérité partagée » des « générations actuelles et futures ».
- ils noueront des partenariats avec « l’ensemble des parties prenantes de la société civile » pour intégrer et atteindre les objectifs de la société.
- ils convertiront la gouvernance et la culture de leurs entreprises aux pratiques et buts du développement durable.
- ils instaureront la transparence et l’autocontrôle.
En irriguant les banques à tous les niveaux, l’esprit des « PRB » devrait remodeler radicalement leurs pratiques. Ainsi, l’engagement à la transparence devrait soulager les collaborateurs soumis à des pratiques internes divergentes des politiques officielles.
Par ailleurs, cette nouvelle norme de la « soft law » bancaire désamorcera la critique majeure faite aux banques en matière de développement durable : agir en fonction de leurs intérêts et non pour celui de la société. Un procès paradoxal pour un secteur pionnier.
En irriguant les banques à tous les niveaux, l’esprit des « PRB » devrait remodeler radicalement leurs pratiques.
En 2003, il adopte les « principes de l’Equateur » qui l’engagent volontairement à prendre en compte les risques sociaux et environnementaux dans les financements de grands projets (les opérations supérieures à 50-100 millions de dollars). Comme cela concerne 5 % de son activité, le secteur adhère en 2006 aux principes pour l’investissement responsable (les « PRI ») de l’ONU. Ce nouveau guide couvre la moitié des actifs. Mais très vite, on reproche aux banques d’agir uniquement sous l’angle du risque bancaire, sans se préoccuper de l’impact positif et négatif de leurs activités sur la société. « Avec les PRB, c’est chose faite, soulignent leurs dirigeants aujourd’hui. Ce processus inclusif et universel pourra être adopté par n’importe quelle banque, quelles que soient sa localisation et sa taille. »
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