Souvent décrit comme le Partenariat Public Privé (PPP) du social, le Contrat à Impact Social (CIS), cousin français du Social Impact Bond (SIB) anglo-saxon, est, par essence, un outil multi-acteur, en ligne avec l’ODD 17.
En effet, il permet de co-innover avec des partenaires divers mais complémentaires autour d’un projet d’intérêt général expérimental. Son fonctionnement est le suivant : des financeurs privés (banques, entreprises, etc.) assument, contre rémunération, les risques d’échec d’un projet mené par des opérateurs sociaux (association, entreprise sociale, etc.). Un évaluateur spécialisé et indépendant estime ensuite si le projet a eu l’impact social attendu. Les financeurs sont alors remboursés par la puissance publique. En cas d’évaluation défavorable, ils perdent leur mise.
Le CIS permet de Co-Innover autour d'un projet d'intérêt général expérimental.
Le CIS un outil sur-mesure adaptable à l’ADN de l’opérateur social
Ce mécanisme permet à l’opérateur social de ne pas subir de risque financier et de bénéficier d’un financement stable sur plusieurs années pour expérimenter des innovations sociales. La démarche permet également de démontrer quasi-scientifiquement la valeur-ajoutée sociale générée par le projet. Ce faisant, l’opérateur social peut prouver que son action apporte une réponse efficace à une problématique sociale peu ou pas traitée, tout en permettant une économie budgétaire pour les pouvoirs publics.
Le CIS permet à l’opérateur social de bénéficier d’un financement stable sur plusieurs années pour expérimenter des innovations sociales
En cas de réussite, une telle expérimentation peut même devenir un axe de politique publique, comme pour le premier CIS de Peterborough en Angleterre, qui a permis de faire baisser le taux de récidive des personnes condamnées à de courtes peines en deçà de l’objectif de 7.5%. Pour orchestrer le tout, le structureur pilote l’ensemble contractuel et organisationnel, recherche les investisseurs, crée un produit financier sur mesure valorisant l’impact social, et coordonne les échanges, tout en veillant à ce que les intérêts, contraintes et prises de risques de chaque partie prenante soient respectés.
Chacun pour tous
Le structureur doit aussi jouer le rôle d’interprète pour assurer un dialogue intelligible entre toutes les parties prenantes, élément clé de la réussite du projet. Une association devra se familiariser avec le « ROI » (Return On Investment, rentabilité d’un investissement), cher aux investisseurs, tandis que l’investisseur, à l’inverse, devra apprendre à manipuler le retour social sur investissement (SROI).
Pour assurer l’équilibre entre les parties dans les contrats, les stipulations doivent être comprises par tous. Il est donc essentiel de bien définir les critères et indicateurs d’évaluation, les droits et devoirs de chacun, les conditions de paiement, etc., car ce contrat doit absolument refléter l’alignement des intérêts de l’ensemble des parties prenantes au CIS. Dans ce ménage à cinq (Opérateur social, payeur au résultat, investisseurs, évaluateur, structureur), la confiance est clé et elle se construit progressivement. Il faut trouver le dénominateur commun qui satisfasse chacun des acteurs en jeu avec optimisme, ténacité et pragmatisme, et surtout ne pas perdre de vue la cible ultime de tout ce dispositif : le bénéficiaire final.
Les Contrats à Impact Social, késaco ?
La mesure d’impact, un enjeu au cœur du CIS
Faut-il mesurer la valeur ajoutée d’une solution par rapport au problème qu’elle entend résoudre, ou bien par rapport aux dispositifs existants ? Quels critères choisir, avec quelle temporalité ? À partir de quelle valeur de référence ? Sur des problématiques peu couvertes ou abordées sous un nouvel angle, les données de référence peuvent être incomplètes ou inexistantes. L’enjeu est donc d’identifier des indicateurs clairs, mesurables, incontestables, à la fois ambitieux et réalistes. Bien évaluer la faisabilité de leur collecte durant la vie du CIS est essentielle, et doit prendre en compte la provenance et la fiabilité des données à mesurer.
Dans le cas du CIS de l’Adie, qui adapte son activité de microcrédit aux zones rurales isolées pour y favoriser l’emploi, le bon compromis entre faisabilité et ambition a été de définir le succès comme un emploi pérenne à deux ans.
L’enjeu est donc d’identifier des indicateurs clairs, mesurables, incontestables, à la fois ambitieux et réalistes
D’autres résultats sont plus difficiles à appréhender. Comment mesurer des progrès moins tangibles, comme l’acquisition de compétences (rédaction de CV, aisance en entretien, etc.) ou l’amélioration de l’employabilité ? Au-delà des indicateurs déclenchant des remboursements, des analyses plus qualitatives et riches sur les autres impacts observés sont souvent mises en place.
Le CIS favorise également l’innovation car il nécessite que tous les acteurs impliqués abandonnent leur zone de confort.
Innovations
Le CIS favorise également l’innovation car il nécessite que tous les acteurs impliqués abandonnent leur zone de confort. Les associations comme Article 1 ou la Cravate Solidaire découvrent ainsi l’émission obligataire, le greffe de commerce apprend à enregistrer des fondations, les ministères doivent adapter leurs processus budgétaires pour un paiement commun, une banque, comme BNP Paribas, doit apprendre encore une nouvelle configuration du triptyque risque-rentabilité-impact… Pour tous, un cocktail de premières fois !
Étonnement, enthousiasme, défiance : le CIS bouscule les idées reçues, les habitudes séculaires, et les fonctionnements traditionnels… au profit de l’innovation sociale.
Maha Keramane, Responsable Entrepreneuriat Social et Microfinance Europe chez BNP Paribas
& Emmanuelle Davy, Chargée de mission Entrepreneuriat Social pour le Baromètre de l'entrepreneuriat social 2019.
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