Thierry Croix animait une conférence sur le pouvoir de la simplification : « Simple n’est pas stupide ». Un moto qu’il transmet aux entrepreneurs et intrapreneurs qu’il accompagne : l’expert Design Thinking de la première promotion du People’sLab4Good, c’est lui !
Comment convaincre quand on lance un projet à impact en interne ? Entretien.
Est-ce que développer un projet en tant qu’intrapreneur demande un cheminement différent de celui d’un entrepreneur ?
Ce n’est pas tant le cheminement que le contexte qui est distinct. Même si dans les deux cas il faut de la volonté et de la ténacité, l’intrapreneur bénéficie d’un confort que n’a pas l’entrepreneur. Il a déjà un travail, une sécurité qui fait qu’il se lance avec un filet. S’il échoue, il court moins de risques - notamment financiers. Dans l’absolu, l’intrapreneur bénéficie également de facilités pour trouver des experts au sein de son entreprise, des aides, que l’entrepreneur n’a pas toujours.
Tout cet environnement est une chance, que les intrapreneurs ne voient pas toujours, car beaucoup réfléchissent - au moins au début - avec le prisme de l’employé. Je sais que ce n’est pas facile, mais quand on décide de s’engager sur cette voie, de changer les règles, de travailler en mode agile, alors il faut accepter de switcher. Ce qui manque à mon sens et qu’on ne dit pas encore assez, c’est que si on choisit d’être intrapreneur, il faut se donner la possibilité de se créer ses propres règles.
C’est vrai, mais en choisissant d’être intrapreneur, on choisit également de rester dans le cadre d’une entreprise, et d’évoluer avec elle. Tout l’enjeu est de faire bouger les lignes tout en utilisant son écosystème interne, et le faire évoluer avec nous, non ?
Oui tout à fait. Ce que je veux dire, c’est que certains pensent qu’en intégrant un programme d’intrapreneuriat, ils vont apprendre de nouvelles compétences de chef de projet. Il faut arriver à se couper de ça.
Est-ce que lancer un projet à impact positif est aujourd’hui vu comme un atout ou comme une montagne supplémentaire à déplacer pour convaincre en interne ?
Pour moi ça ne change rien. Le prétexte du projet n’a aucune importance. Ce qu’il faut, c’est répondre à un besoin. La méthode est la même.
La difficulté que je vois, c’est celle que se mettent eux-mêmes les #Intrapreneurs4Good, avec la question de générer de l’argent. Beaucoup ont du mal à aborder ce sujet, n’arrivent pas à se sentir légitimes de conjuguer impact positif et business model. Il faut gagner de l’argent si on veut changer le monde ! Mais je suis confiant, c’est une question de mentalité, et les lignes sont en train de bouger.
Tu parles de légitimité. Est-ce que certains n’osent pas pousser les murs parce qu’ils se disent « déjà j’ai de la chance » ?
Oui, et il faut arrêter de s’excuser. On ne va pas remercier le portier pendant deux ans de nous avoir ouvert la porte ! C’est une chance d’être dans une Banque qui ouvre la porte sur le sujet. Il faut se saisir de cette opportunité, et y aller !
Parlons exécution de son idée, maintenant. Est-ce que les premiers pas, de l’idéation au prototype, diffèrent de ceux d’un entrepreneur ?
Il n’y a aucune différence. Une idée est une idée, et il n’y a pas de manière différente de construire son projet. La finalité est différente mais la méthode est la même. Au niveau structurel, financier, ressources, l’histoire est la même pour tous et il faut prouver sa proposition de valeur pour convaincre. Ce qui est différent ce sont les enjeux, les valeurs que l’on met dans son projet.
Tu as animé au Web2Day une conférence sur le pouvoir du Simple. Quels enseignements en tirer pour un intrapreneur ?
Les mêmes que pour un entrepreneur : il faut revenir à la base. Surtout quand on développe un projet à impact. Travailler sur des projets 4Good c’est travailler pour les gens. Et les gens se moquent des process managériaux, de l’agilité, des méthodologies digitales… Il faut accepter cela et revenir à la base. Remettre ses mains dans le moteur, redescendre sur le terrain. Il ne faut pas oublier non plus de faire régulièrement le point, d’accepter de se demander régulièrement si on répond toujours à un besoin. Il faut aussi ne plus penser « à chaque solution un nouveau problème », mais « à chaque problème une solution existe ».
Quels conseils donner à un collaborateur qui a des idées, mais qui hésite encore à se lancer ?
Je lui dirais simplement que la première chose à faire est de désacraliser l’intrapreneuriat. Intraprendre, c’est juste vouloir aller au bout de son idée, et se donner les moyens pour le faire. Une fois cela accepté, il faut ensuite aborder le problème de manière simpliste. C’est ce qui va permettre d’identifier la maladie et de trier les symptômes.
Puis il faut se lancer et arrêter de se poser des questions. Il faut avancer, tomber, se relever et itérer. Si, à un moment, on pense que son idée a plus de potentiel et d’impact que son poste, alors il faut y aller et se battre pour dégager du temps. C’est en général là que l’on distingue les entreprises qui veulent vraiment avoir un impact.
On en est encore au début du mouvement, mais les intrapreneurs ont aussi le rôle de faire comprendre à leur entreprise que l’intrapreneuriat n’est pas un sprint, mais un marathon. Cela prend du temps de créer vraiment de la valeur. Si on le donne, il y aura un impact, mais sur le long terme. Il faut accepter ces nouvelles règles du jeu !
Photo header ©Web2Day