Jusqu’aux années 80, l’entreprise souhaitant se financer recourait presque systématiquement au crédit bancaire. Mais la situation a évolué : la désintermédiation bancaire progresse et les entreprises ont accès à d’autres modes de financement. Les grandes entreprises se tournent vers les marchés. Les PME et TPE, de leur côté, voient depuis quelques années une alternative avec le crowdfunding.
La désintermédiation bancaire en route
L’entreprise, pour se créer ou se développer, a eu un recours quasi systématique au crédit bancaire jusqu’aux années 1980.
Mais depuis, ce phénomène de désintermédiation bancaire s’est développé :
- il s’est accéléré depuis 2008 : le contexte économique difficile a incité les banques à plus de prudence dans l’octroi de crédit, les entreprises étant dans une situation financière peu rassurante,
- l’évolution de la réglementation bancaire a amplifié ce phénomène : avec la mise en place de nouvelles règles prudentielles, décidées aux plans européen et international, le financement de l’économie a poursuivi sa mutation.
En effet, les ratios de liquidité définis par la réglementation Bâle modifient les capacités de la banque à octroyer un crédit : le ratio de solvabilité de Bâle III augmente le niveau de fonds propres requis face aux risques, et limite automatiquement la capacité des banques à accorder des crédits.
La désintermédiation outre-Atlantique
Ainsi peu à peu, l'Europe reproduit le modèle américain, où la désintermédiation est extrêmement importante, mais dans des proportions encore très différentes :
- en zone Euro, 70 % du financement des entreprises est constitué de prêts bancaires, et les 30 % restant proviennent des marchés financiers,
- aux États-Unis la proportion est inversée : les marchés financiers apportent 70 % des prêts aux entreprises, les banques se contentent des 30% restants.
Les formes de la désintermédiation
Lorsque les financements des entreprises ne proviennent pas des banques, ils viennent des marchés financiers, essentiellement sous forme d’émission de titres obligataires.
Entre émissions d’obligations, augmentations de capital et cotation en Bourse, les grandes entreprises européennes ont levé en 2014 plus de 100 milliards d’euros sur Euronext.
Les investisseurs institutionnels, et en particulier les assureurs, apportent ainsi une part croissante du financement des grandes entreprises, voire des plus petites structures.
Bien sûr, les PME ne pouvaient envisager de s’adresser ainsi directement au marché. En 2014, leur financement venait pour 95 % des prêts intermédiés. Mais l’accès au crédit est pour elles de plus en plus difficile.
Alors, pour offrir aux PME de nouvelles opportunités, une place de marché qui leur est dédiée a été créée en 2013 : Enternext. Présente sur les marchés d'Amsterdam, Bruxelles, Paris et Lisbonne, Enternext a permis au premier trimestre 2014 à 32 nouvelles structures de lever 771 millions d'euros.
Les PME ont aussi recours au capital investissement, dont la place en France est de plus en plus importante, à travers des opérations d’amorçage, de création et de développement : environ 80 % des investissements de ces fonds sont réalisés dans des PME.
La nouvelle donne du financement participatif et des FinTech
Mais ces dernières années, les PME, ainsi que les TPE ou les startups, voient apparaître de nouveaux modes de financement avec le crowdfunding : ce n’est plus auprès des marchés financiers, mais des particuliers, que les petites entreprises peuvent trouver de nouvelles solutions. Cette solution née de la digitalisation, comme d’autres FinTech dédiées au crowdlending par exemple, prend aujourd’hui une importance croissante auprès des PME, en mettant en relation des investisseurs particuliers à la recherche de plus-values, et des petites entreprises innovantes.
Pourquoi les banques restent incontournables ?
La désintermédiation bancaire progresse très lentement. Les banques restent encore des acteurs essentiels du financement des entreprises. Et au-delà des prêts, elles offrent toute une gamme de services qui restent essentiels. Tandis que les grandes entreprises privilégient les marchés, les banques représentent le meilleur intermédiaire pour financer les plus petites structures.
Les banques toujours prédominantes
Malgré le phénomène croissant de désintermédiation bancaire, les entreprises européennes se financent toujours à 70% auprès des banques en moyenne – et le taux est plus important encore pour les PME et TPE.
Le phénomène reste donc très progressif : dans une étude sur le financement des entreprises, Standard & Poor’s soulignait que la croissance du financement obligataire des entreprises était en 2014 de 29% au Royaume-Uni, de 22% en France et de 12% en Italie, mais concluait que « le crédit bancaire reste le principal pilier du financement de la dette des entreprises en Europe ».
« Les financements de marché et/ou alternatifs dans la zone euro ne devraient pas être appréhendés comme un substitut systématique mais comme une source de financement complémentaire aux prêts bancaires » précise ainsi le rapport « Le financement des entreprises en zone euro : évolutions récentes et perspectives » (mai 2015) de BNP Paribas.
Un accompagnement essentiel
Par ailleurs, le processus de désintermédiation n’est pas synonyme d’un désengagement de la banque de l’économie. Il permet un rééquilibrage des financements, entre les banques et les investisseurs institutionnels, mais la banque conserve un rôle clé auprès des grandes entreprises, de nombreuses façons :
- les banques accompagnent leurs entreprises clientes sur le marché lors des émissions obligataires ou des entrées en bourse.
- de nouvelles pratiques émergent parallèlement en Europe, comme le phénomène baptisé « originate to distribute ». Son principe : la banque reste à l'origine du crédit, mais s’appuie pour l'essentiel du montant sur un financement apporté par un investisseur institutionnel.
- les banques continuent à financer des découverts, ou des crédits à court terme, par exemple via des services externalisés comme l’affacturage, développent des services de gestion et d’optimisation de la trésorerie, ou des services financiers comme la gestion des impayés.
- elles se chargent également d’opérations financières complexes, comme les fusions-acquisitions ou les cessions d’entreprises.