Avec l’augmentation du réchauffement climatique, le GIEC (Groupe d’experts Intergouvernemental sur l’Evolution du Climat) est un acronyme qu’on entend de plus en plus souvent. Néanmoins, son rôle et son fonctionnement restent encore mystérieux pour une grande partie de la population. C’est pourquoi la Fondation BNP Paribas a souhaité lui accorder une conférence dans le cadre de son programme Climate Initiative. Et qui de mieux pour le présenter que Valérie Masson-Delmotte, paléoclimatologue et co-présidente du Groupe 1 du GIEC ?
C’est en 1988 que l’ONU lance la formidable aventure scientifique du GIEC dont la mission consiste à mobiliser l’ensemble des disciplines scientifiques pour étudier l’évolution du climat. Contrairement à l’idée que certains se font, le GIEC ne fait pas de recherche et ne produit donc ni données, ni modèles. Son but est de passer au peigne fin l’ensemble des connaissances scientifiques sur le sujet, afin de distinguer les connaissances robustes, les hypothèses émergentes, les incertitudes et les controverses. Il est en effet très difficile pour des chercheurs isolés d’étudier de façon exhaustive l’énorme quantité d’informations existante. In fine, son mandat est d’aider les gouvernements à travers le monde dans leurs décisions, de façon pertinente mais non prescriptive.
la mission du GIEC consiste à mobiliser l’ensemble des disciplines scientifiques pour étudier l’évolution du climat.
Un secrétariat d’une dizaine de personnes basé à Genève, et trois groupes de travail chargés de rédiger les rapports, composent le GIEC. Chaque groupe est co-présidé par un représentant des pays du Sud et un des pays du Nord. Le premier étudie les principes physiques et environnementaux de l’évolution du climat, le second a pour mission d’évaluer les conséquences possibles du changement climatique sur nos sociétés, et le troisième met en lumière des solutions pour minimiser ces risques climatiques. Ils sont constitués de centaines d’experts du monde entier, qui étudient la littérature climatique en profondeur, que ce soit sur les plans scientifique, technique et socio-économique, afin de rédiger le rapport. Celui-ci est ensuite soumis à plusieurs étapes de relecture, avant d’être synthétisé en résumés, dont un à l’attention des représentants des gouvernements. Le prochain rapport, le sixième en date, sortira en 2021.
Mais la question posée à Valérie Masson-Delmotte ne se limitait pas au fonctionnement de l’organisme : le GIEC sauvera-t-il la planète ? Impossible de répondre avec certitude, mais il se pourrait qu’il contribue grandement à limiter le réchauffement climatique.
Déjà, parce qu’il a confirmé de façon incontestable la responsabilité de l’Homme dans le changement climatique, ôtant ainsi toute crédibilité aux arguments des climatosceptiques. Inutile de crier au lobby des « climatoconvaincus ». La diversité des membres et l’ensemble des phases de relecture assurent la complète objectivité du GIEC. Ces étapes sont même renforcées d’une procédure de correction, mise en place après une erreur qui avait été faite par le groupe 2 dans le rapport de 2007. « L’erreur est humaine », rappelle Valérie Masson-Delmotte.
D’autre part, en étudiant les différents scénarios de réchauffement en fonction des mesures mises en place, le GIEC permet aux gouvernements d’avoir des objectifs clairs. Sans lui, il n’y aurait pas de traducteur entre le milieu de la politique et celui des sciences du climat. En effet, combien de climatologues pouvez-vous dénombrer au sein de votre gouvernement ? Pas étonnant, donc, que le GIEC ait reçu le prix Nobel de la paix en 2007.
Mais pour continuer sur sa lancée, le GIEC a besoin de financements, et l’élection récente de Donald Trump inquiète. En effet, les États-Unis financent le GIEC à hauteur de 40 %. Pourrait-il alors se tourner vers une autre grosse économie, comme la Chine, qui s’engage de plus en plus vigoureusement dans la lutte contre le changement climatique ? Pour Valérie Masson-Delmotte, il est en tout cas clair qu’il faut ouvrir le débat sur l’élargissement des sources de financement.
Alors que le monde est à la croisée des chemins, tiraillé entre résistance au changement et prise de conscience de sa nécessité, et que la production scientifique explose, il est plus que jamais nécessaire que le GIEC perdure. Son exemple devrait même inciter à créer des groupes intergouvernementaux, comme l’IPBES (Intergovernmental science-policy Platform on Biodiversity and Ecosystem Services), sur de nombreux autres sujets scientifiques.
Le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC)
Le GIEC a été créé en 1988 en vue de fournir des évaluations détaillées de l’état des connaissances scientifiques, techniques et socio-économiques sur les changements climatiques, leurs causes, leurs répercussions potentielles et les stratégies de parade.
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