Antoine Sire et Isabelle Giordano, conversation à deux voix
Antoine Sire : Dans les années 80, marquées par le culte du profit, les entreprises étaient à la recherche d’un supplément d’âme. Quelques visionnaires avaient compris que la puissance conquérante de l’économie de marché avait besoin d’être tempérée par ce que le philosophe André Comte-Sponville appelle la gentillesse. Par exemple, c’est grâce au mécénat d’une institution publique que le sociologue Pierre Bourdieu a pu faire paraître son enquête de 900 pages sur « La Misère du Monde ». Dans ce contexte, la naissance de la Fondation Paribas manifestait que les entreprises elles aussi avaient en la matière un rôle à jouer, en créant des ponts avec les plus fragiles et avec ceux qui défendent l’imaginaire. Dix ans plus tard, Michel Pébereau a prolongé cette approche et développé le mécénat à l’échelle des régions, donnant ainsi à tous les collaborateurs du Groupe, sur l’ensemble du territoire, un visage qui avait du sens et j’oserai dire de la bonté.
Isabelle Giordano : Quarante ans plus tard, la Fondation a gardé le même ADN. Elle cultive toujours cet esprit d’innovation qui fait sa différence. Sur les thèmes qui font l’actualité tels que l'érosion de la biodiversité, l’intégration des réfugiés ou la réactivité face aux crises humanitaires, on constate que notre mécénat a souvent été pionnier là où d’autres, parfois, se voilaient la face. Et en tant que première banque européenne, BNP Paribas est plus que jamais consciente de la nécessité d’avoir une philanthropie très impactante. De plus, ces valeurs peuvent se déployer dans nos trois champs d’activité - culture, solidarité, environnement - puisque nous sommes l’une des rares fondations en France à être ainsi en mesure d’agir avec un triple impact. Et nous nous attachons à créer des liens entre ces trois leviers, en ciblant par exemple l’accès à la culture en direction des plus défavorisés.
Antoine Sire : Chacun d’eux répond à une exigence particulière. Soutenir la culture, c’est affirmer de façon militante la présence, au sein de l’entreprise, de cet immatériel que j’évoquais plus haut. Accompagner les actions de solidarité est notre réponse à la faillite des systèmes, quels qu’ils soient. De leur impossibilité à apporter la prospérité universelle découle la nécessité, pour chaque acteur individuel, de s’investir notamment lorsqu’on dispose d’importants moyens financiers et humains. Enfin, défendre l’environnement, c’est prendre acte de la fin d’un rêve dans lequel les capacités de la nature étaient infinies et inépuisables. Il nous faut désormais entrer dans un nouveau schéma de pensée, où les ressources doivent être renouvelables et utilisées avec parcimonie. Pour résoudre ce défi, il faut d’abord bien comprendre toutes les données du problème, donc soutenir les investissements de la recherche.
Isabelle Giordano : Notre autre particularité tient à l’engagement constant des collaborateurs de la Banque. Que ce soit au sein des associations auxquelles ils collaborent, ou dans leur quotidien professionnel puisque BNP Paribas détient le record de nombre de mentors et de salariés engagés. Ils sont les poumons essentiels de l’entreprise et une force que d’autres nous envient, en un mot une sève incroyable pour changer le monde. Notre supplément d’âme, il est là aussi. Leur présence active et leur implication participent pleinement à la richesse d’un mécénat que nous voulons collaboratif, participatif et fondé sur le dialogue.
Antoine Sire : Tous ceux qui travaillent au sein du Groupe peuvent en effet, s’ils le désirent, s’impliquer dans les actions de la Fondation mais bénéficier du soutien de la Fondation dans leur engagement associatif personnel. Cela a permis à certains salariés de se découvrir et se transformer en véritables acteurs de la société civile. C’est formidable de voir que l’on peut changer des vies : celles de nos collaborateurs, celle des jeunes qu’ils accompagnent, celle des bénéficiaires des recherches scientifiques que nous finançons comme celles des artistes dont nous aidons les créations. L’un de mes souvenirs les plus marquants est d’ailleurs un spectacle musical d’envergure créé il y a une dizaine d’années à la Cigale, à Paris, par le pianiste de jazz Jean-Pierre Como. Très ému, il a remercié en fin de concert la Fondation d’avoir rendu enfin possible la réalisation de ce projet, qui lui tenait particulièrement à cœur…
Isabelle Giordano : Quant à moi, je suis toujours épatée lorsque je rencontre des jeunes de Seine-Saint-Denis qui reviennent de l’un des voyages scolaires du dispositif Odyssée Jeunes, dont nous sommes partenaires. Dans leurs témoignages, sur leurs visages, on voit un horizon qui s’ouvre, c’est un vrai moment de déclic. On sait alors que ces quelques jours auront un impact déterminant dans la construction de leur personnalité. Ça donne de l’énergie pour les quarante ans à venir ! Nous avons la volonté d’être un incubateur de connaissances, d’optimisme, de beauté, et nous continuerons à adapter sans cesse les principes qui nous guident aux évolutions du monde. Notre devise pourrait être « Encore de l’audace, toujours de l’audace ! »
Antoine Sire : Ou bien « Rendre possible l’impossible ». Ce qui va nous occuper encore pendant un moment… !