Deux kilomètres lumière d’archives météo au service de l’anticipation du climat.
Depuis 2011, un partenariat lie le service public de météorologie aux Archives nationales dans le cadre d’un travail majeur de recension des archives météorologiques. Grâce au mécénat de la Fondation BNP Paribas, cet effort commun s’est incorporé un an plus tard au projet Climate Initiative.
Sur quelles données se fonder ? Comment les sauvegarder et les utiliser pour affiner les connaissances et les prévisions climatiques ? Ces grandes questions ont articulé le propos de Sylvie Jourdain, décliné sous trois parties.
Importance, limite et disponibilités des mesures météorologiques pour étudier le climat
L’évolution du climat ne peut être analysée qu’à partir de longues séries de données, c’est-à-dire établies sur du temps long, et harmonisées en conséquence. En effet, les instruments d’observation du climat ont eux-mêmes évolué au fil du temps, avec notamment la télédétection satellitaire ou des études théoriques affinées grâce à des modèles de simulation du climat. Pour explorer le temps long, ce sont des mesures biogéochimiques et physiques du climat qu’il s’agit d’exploiter, autrement dit des informations directes de mesures de la température, de la pression, des précipitations et autres paramètres.
En Europe, les premières mesures régulières remontent au XVIIe siècle. En France, le tout premier réseau météorologique voit le jour en 1776 à l’initiative de la Société royale de médecine. Cette capacité d’observation du climat se développe en 1830 sous l’impulsion du Réseau des hôpitaux coloniaux de la Marine et vingt-quatre ans plus tard, grâce à l’extension du réseau lié à l’Observatoire de Paris. Ainsi, la base de données France s’est étoffée de 132 millions de jours-station depuis 1780, dont 21 % pour la période allant de 1800 à 1949.
C’est à partir de 1850 que les données permettent réellement de reconstituer de longues séries susceptibles de soutenir analyses et projections. Une courbe reconstituée des moyennes températures enregistrées dans l’hémisphère nord à compter de cette dernière année jusqu’en 2016 met ainsi en évidence la réalité du réchauffement climatique : 2015 et 2016 obtiennent haut la main le titre de warmest of record.
Le fonds historique de la météorologie nationale aux Archives nationales
Toutes ces données ont longtemps dormi dans des cartons, dans un bâtiment du site des Archives nationales de Fontainebleau surnommé « le peigne ». Au total, 6 300 cartons soit 2 kilomètres lumière. Dans le lot, une masse d’archives administratives et d’archives de prévision. Les archives climatologiques du fonds METC contenant des relevés d’observation occupent à elles seules 4 300 cartons. S’y ajoutent 1 345 autres cartons de compte-rendu quotidiens constitués de notes manuelles mais aussi de cartes, d’aquarelles, de photos, de diagrammes et autres rapports d’inspection.
Ce trésor s’est accumulé au fil des versements effectués par la météorologie nationale de 1971 à 1992. Jusqu’en 2012, il n’est que très peu exploité. Pendant longtemps, le manque de moyens technologiques a constitué le frein principal. Bientôt, le nécessaire désamiantage du « peigne » fait à son tour obstacle.
Perspectives
Quatre grands chantiers à venir figurent à l’ordre du jour du projet. Le premier consiste à poursuivre la valorisation du fonds météorologique. C’est à cette fin que doit être prochainement scellée une Convention de recherche scientifique pour la sauvegarde des données météorologiques anciennes entre Météo France et les Archives nationales. Assorti au premier, le deuxième chantier porte sur la valorisation du fonds météorologiques des anciennes colonies. Une action est programmée en ce sens à Madagascar, avec le soutien de l’Organisation mondiale de la météorologie.
Plus technique, les deux autres grands chantiers ne sont pas de moindre importance. L’un doit permettre de rallonger, de compléter et même de constituer de longues séries d’observations instrumentales centenaires de référence. Ces longues séries alimenteront la recherche scientifique et les jeux de données internationaux. Enfin, la très attendue mise en ligne des archives numérisées figure à l’agenda. Elle concerne les fonds de Météo France et les fonds de la météorologie nationale déposés aux Archives nationales. Elle doit prendre la forme d’une bibliothèque numérique basée sur un système de gestion de documents physiques et numériques.
Les données sont nombreuses, Et beaucoup restent à découvrir et à explorer.
La France, comme la Grande-Bretagne, dispose d’un potentiel d’archivage qu’explique notamment l’étendue de son territoire à l’époque coloniale. Cette mine d’informations se laisserait-elle comparer à un patrimoine tel que défini par les domaines de l’art et de la culture ? Il s’agit bien d’un patrimoine scientifique, avec sa dimension historique, comme le souligne Sylvie Jourdain. Sa lecture, encore partielle, permet déjà de repérer dans le temps les influences climatiques de « forçages anthropiques »(1) (pollution, effet de serre) qui occupent aujourd’hui les esprits.
(1) Externalité négative des énergies produites (Thierry Keller)
Evolution récente du climat : Quelles données exploiter ?
Archives météorologiques
https://archivesduclimat.meteofrance.fr150 ans d'histoire du climat. Exposition numérique présentant des documents d'archives sur le climat et l'histoire de la météorologie depuis 150 ans.
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