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Crédits carbone volontaires : quelles sont les prochaines étapes ?

Comment respecter le budget carbone mondial et quel rôle les crédits carbone volontaires peuvent-ils jouer ? Nos experts Sébastien Soleille (Responsable Transition énergétique et Environnement de BNP Paribas) et François Carré (Carbon portfolio manager, BNP Paribas Global Markets) partagent leurs points de vue sur le marché des crédits carbone volontaires, les défis posés par le sujet et la manière de les surmonter.

Le rôle des crédits carbone volontaires dans la lutte contre le réchauffement climatique

Atteindre les objectifs de l'Accord de Paris nécessitera une réduction drastique des émissions de gaz à effet de serre (GES) partout dans le monde et dans l’ensemble des activités humaines. Le sixième rapport d'évaluation du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC), publié fin mars, indique clairement qu'il faut réduire considérablement les émissions : le GIEC a établi que pour rester dans les limites de 1,5 °C, les émissions devraient être réduites d'au moins 43 % au cours des sept prochaines années par rapport aux niveaux de 2019, et d'au moins 60 % d'ici 2035.

Pour lutter contre le changement climatique, le secteur financier contribue à développer plusieurs mécanismes soutenant la réduction des émissions des entreprises et des investisseurs. L’innovation a un rôle à jouer, sur les marchés de capitaux comme au-delà, notamment en matière de crédits carbone volontaires (CCV). Ces derniers ont en effet leur place pour contribuer aux efforts collectifs de neutralité carbone – en particulier lorsqu’ils sont combinés à une plus large palette de mécanismes financiers.

Dans le cadre de la mise au point de telles solutions de financement durable, assurer la réalité et la solidité des crédits carbone devient une priorité.

Sébastien, d’après le dernier rapport du GIEC, comment les crédits carbone volontaires peuvent-ils contribuer aux objectifs mondiaux de neutralité carbone ?

Le dernier rapport du GIEC a montré que, pour rester dans les limites de 1,5°C, il était urgent de réduire les émissions. En termes de budget carbone mondial, le GIEC indique que la meilleure estimation est qu’il restait, début 2020, 500 Gt pour qu’il y ait une probabilité de 50 % de limiter le réchauffement climatique à 1,5°C. C'est là que les crédits carbone volontaires peuvent être utiles. Il y a un fort appétit du marché pour ces certificats, qui sont vendus en fonction de la quantité d'émissions de gaz à effet de serre réduites, évitées ou retirées de l’atmosphère. La demande devrait continuer à augmenter : le groupe de travail pour le passage à l’échelle du marché des crédits carbone volontaires (« Taskforce on Scaling Voluntary Carbon Markets » ou TSVCM) prévoit ainsi que le nombre de certificats vendus sera multiplié par quinze d’ici 2030. 

De plus, les crédits carbone volontaires peuvent également contribuer à un transfert de ressources financières et techniques depuis les pays développés vers les pays émergents, en ligne avec les principes d'équité et de responsabilité commune reconnus par l'Accord de Paris. Les deux COP tenues l’an dernier – la COP27 sur le climat et la COP15 sur la biodiversité – ont bien souligné qu’il était crucial d'augmenter les flux financiers du Nord vers le Sud pour combattre le changement climatique et protéger la biodiversité. Les CCV peuvent contribuer à ces flux financiers.

François, vous êtes expert sur les marchés du carbone depuis plus d'une décennie. Pouvez-vous nous expliquer brièvement le fonctionnement des crédits carbone volontaires ?

Ce marché permet aux organisations et aux particuliers d'acheter, sur la base du volontariat, des crédits carbone. Cela permet aux entreprises d'aller plus loin dans leur stratégie de réduction des émissions que ce qui est requis par la réglementation. Les projets de CCV peuvent soit réduire le niveau d'émissions pénétrant dans l'atmosphère – c’est ce qu'on appelle des émissions « réduites » ou « évitées » – soit retirer directement les gaz à effet de serre (GES) de l'atmosphère – c’est ce qu'on appelle la capture de carbone atmosphérique. Il existe par ailleurs d’autres distinctions importantes entre les approches fondées sur la technologie et celles reposant sur la nature. Les projets basés sur des processus technologiques peuvent inclure le développement d'énergies renouvelables au lieu de combustibles fossiles, ou des technologies de capture d'air directe pour enlever le carbone de l'atmosphère. Les approches fondées sur la nature reposent sur la protection, l'amélioration ou la création de puits de carbone naturels. 

Le marché des CCV est différent des marchés carbone dits « réglementaires » ou « de conformité » créés par des politiques ou pour répondre à des exigences réglementaires nationales, régionales ou internationales pour réduire les émissions d'activités spécifiques ou encore de zones géographiques particulières. Actuellement, les principaux marchés de ce type sont les systèmes d'échange de quotas d'émission (« Emissions Trading Schemes », ou ETS), tels que le SEQE-UE de l'Union européenne, qui reposent sur le principe du « cap and trade » : les entités réglementées doivent se procurer des quotas annuels de carbone correspondant à la quantité de leurs émissions de GES réglementées de cette année-là.

La crédibilité des crédits carbone volontaires est parfois remise en question, notamment à propos de risques potentiels ou de sujets de précision des données. Sébastien, comment percevez-vous les défis actuels auxquels le marché est confronté ?

Les marchés de crédits carbone volontaires sont encore assez jeunes : il reste beaucoup à faire pour accroître leur robustesse et leur crédibilité. Pour cela, trois grands défis doivent être relevés. Premièrement, le risque de retarder la réduction des émissions en mettant l'accent sur la compensation carbone ; deuxièmement, celui posé par la mise sur le marché de CCV de mauvaise qualité, qui pourraient avoir des effets négatifs sur la biodiversité ou les populations locales ; troisièmement, celui concernant les affirmations erronées relatives à la neutralité carbone ou à la comptabilisation des émissions.

Compte tenu des défis que vous mentionnez, Sébastien, comment les standards internationaux de certification aident-ils à résoudre les problèmes de croissance du marché ?

Pour contribuer efficacement à la neutralité carbone collective tout en évitant les impacts négatifs pour la société et la biodiversité, toutes les parties prenantes doivent continuer à travailler ensemble afin de développer les marchés du crédit carbone volontaire. Les standards de certification existant au niveau mondial peuvent être améliorés. Des progrès ont été réalisés, car les audits sont constamment renforcés pour s'assurer que les projets générateurs de CCV respectent les normes de qualité pertinentes, y compris sur les questions climatiques, sociales et de biodiversité.

Dans les équipes au sein de Global Markets, comment voyez-vous l’importance de la collaboration du secteur – y compris sur la technologie – pour soutenir la robustesse et la transparence du marché des crédits carbone volontaires à l’avenir, François ?

La collaboration intersectorielle est essentielle. L'un des axes de développement est l'évolution des technologies numériques autour des crédits carbone volontaires quand ces dernières peuvent contribuer à fournir plus de transparence, des réductions de coûts et un renforcement de la fiabilité des CCV. Nous avons activement travaillé sur des initiatives numériques visant à développer la robustesse et la transparence du marché, notamment en soutenant le développement de nouvelles plateformes telles que Carbonplace. Celle-ci mettra en relation acheteurs et vendeurs de crédits carbone, par l’intermédiaire de leurs banques, afin d’assurer la transparence, la traçabilité et la simplification des paiements. C’est important, car cela souligne la façon dont les chefs et cheffes d’industries peuvent travailler ensemble pour renforcer l'impact potentiel des mécanismes du marché et ainsi contribuer à déployer des solutions concrètes sur le climat.


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