Dans quel contexte s’est déroulée la COP15 et quels étaient les principaux défis à relever ?
Laurence Pessez : La COP15 devait initialement avoir lieu en 2020 mais elle a été reportée à plusieurs reprises du fait de la crise du Covid. C’est d’ailleurs pour cette même raison qu’elle a été organisée au Canada, mais sous présidence chinoise. Le principal défi à relever était l’adoption d’une feuille de route pour la décennie en cours (2022-2030), qui prenne le relais du plan 2010-2020. Les attentes en la matière étaient d’autant plus élevées que la plupart des objectifs du plan 2010 n'ont pas été atteints. L’ensemble des acteurs (publics ou privés) manifestaient donc le besoin de définir une ambition commune qui puisse servir de boussole aux politiques liées à la biodiversité, au même titre que la limitation du réchauffement climatique à 1.5° dans le domaine du climat. Ce défi était d’autant plus complexe à relever du fait de tensions autour de la mise en place d'un nouveau cadre, avec en particulier des attentes divergentes entre les pays développés et ceux en voie de développement. D’autres facteurs en ont fait un véritable challenge : des besoins financiers considérables, estimés à 700 milliards de dollars par an pour atteindre l'objectif de vivre en harmonie avec la nature en 2050 ; la faiblesse des mécanismes de transparence et de responsabilisation, et enfin de nombreuses attentes sectorielles telles que la gestion de l’agriculture, la réduction des polluants…
Quels sont les termes de l’accord signé à l’issue de cette COP15 ?
L. P. : 195 pays et l’Union Européenne, 196 parties donc, ont signé un nouvel accord, qui comprend notamment deux objectifs pour lesquels je vois plusieurs défis. Le premier est un objectif quantitatif visant à limiter la perte de biodiversité, avec en particulier la protection de 30 % des aires terrestres et d’eau douce et 30 % des aires côtières et marines d’ici à 2030. A mon sens, la gestion des 70 % restants demeure un enjeu de taille, au même titre que le niveau d’ambition sur les 30 % afin que le capital naturel y soit réellement préservé. Le second objectif est d’ordre financier pour diminuer les subventions nocives pour la nature d’au moins 500 milliards de dollars d’ici à 2030, et mobiliser au moins 200 milliards de dollars par an en faveur de la biodiversité sur cette même période, dont 30 milliards par an en direction des pays en voie de développement.
Dans la mesure où les subventions néfastes à la nature sont principalement dirigées vers les énergies fossiles et l’agriculture, on peut s’attendre à beaucoup de négociations. S’agissant du mécanisme de gouvernance des financements, un fonds dédié est créé sous l’égide du Fonds pour l’Environnement Mondial. Au-delà de l’identification de ces fonds, il conviendra aussi de s’assurer que les ressources libérées soient bien dédiées à la préservation de la nature et que les financements soient débloqués rapidement compte tenu de l’urgence à agir. Pour résumer, cet accord est historique et représente un très bon compromis entre les différents besoins exprimés. Si tous les objectifs sont atteints, nous serons sur une bonne dynamique pour la protection du capital naturel.
« Cet accord est historique et représente un très bon compromis entre les différents besoins exprimés. Si tous les objectifs sont atteints, nous serons sur une bonne dynamique pour la protection du capital naturel. »
Comment BNP Paribas s’inscrit-il dans ce nouvel accord ?
L. P. : L’objectif de protection de 30 % de la planète d’ici 2030 nous donne désormais une cible commune vers laquelle tendre, au même titre que l’engagement à financer une économie net-zero carbone en 2050 dans le domaine climatique. Nous aurions souhaité, pour davantage de transparence – et donc de traçabilité – que le reporting des entreprises ne soit pas seulement recommandé mais obligatoire. Quoi qu’il en soit, c’est un axe autour duquel nous allons continuer à travailler en 2023 avec la TNFD et la publication d’un cadre de reporting. S’agissant de la partie financement, l’idéal serait une mobilisation collective avec plus de fonds publics et en particulier une réallocation des subventions nocives, mais également davantage de fonds privés, notamment des entreprises.
Bon à savoir : COP15 vs COP27
Beaucoup d'entre vous connaissent peut-être la COP27, conférence mondiale sur les changements climatiques qui s’est tenue en Egypte en novembre dernier. L'ONU utilise ce même terme pour la série de conférences organisée avec les pays en vue de protéger la biodiversité. La conférence de cette année est la quinzième, d’où l’acronyme COP15.