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Changement climatique : où en est-on aujourd'hui ?

Benoît Hervieu
Benoît Hervieu
Journaliste Usbek & Rica

Dans le cadre de son programme Climate Initiative et à l’occasion de la Journée mondiale de l’environnement, le 5 juin 2017, la Fondation BNP Paribas a réuni à Londres les chercheurs Joanna Haigh, de l’Imperial College, et Nick Graham, du Lancaster Environment Centre. Leur expertise a permis de mesurer l’ampleur du réchauffement climatique et son impact sur la survie des récifs coralliens.

Intervention de Joanna Haigh

Le réchauffement global de la planète a connu une très nette accélération depuis le milieu du 20e siècle, avec une augmentation de température moyenne de 1°C observée entre 1961 et 2016. Cet écart s’appuie sur la référence à la période préindustrielle. Ce réchauffement s’observe par ses effets concrets, dont l’un des plus impressionnants est l’élévation des niveaux marins. Ce phénomène s’explique principalement par l’extension thermale des eaux, autrement dit par le fait que des eaux de plus en plus sujettes au réchauffement occupent de plus en plus de surface. La fonte des glaces contribue, elle aussi, à cette élévation du niveau des mers. L’étendue de la banquise arctique d’été, du fait de sa réduction progressive, constitue également un indicateur du réchauffement global. 

Notre système climatique repose sur l’énergie solaire. La Terre absorbe la chaleur et émet des radiations thermiques dans l’atmosphère. La moitié des radiations solaires sont captées par la surface de la Terre. La température à la surface augmente donc et produit des radiations de chaleur dont 90 % sont absorbés dans l’atmosphère. L’atmosphère se réchauffe à son tour et alimente ensuite la chaleur reçue à la surface terrestre. Or, les gaz à effet de serre piègent les radiations thermiques près de la surface de la Terre, sachant que l’atmosphère est, par essence, ouverte aux radiations solaires mais qu’elle ne l’est pas aux radiations thermiques.

Le piège atmosphérique du CO2

En matière de réchauffement global, la vapeur d’eau (H2O) a l’effet le plus élevé mais l’intervention humaine ne peut influer directement là-dessus. En revanche, la main de l’homme peut intervenir sur les émissions de dioxyde de carbone (CO2), qui représentent aujourd’hui un tiers de celles de la vapeur d’eau. En termes de perspective physique, il est intéressant de noter que les capacités spectrales du CO2 génèrent de l’absorption là où il n’y a pas de vapeur d’eau. L’effet de ce gaz est donc très important. Le CO2 est un puissant gaz à effet de serre. Les mesures effectuées sur des périodes plus ou moins longues montrent notamment que la quantité de CO2 dans l’atmosphère a nettement augmenté au cours des cinq dernières décennies, à raison d’environ 320 parties par million en 1960 contre plus de 400 à l’heure actuelle soit une augmentation de 20%. Si l’on se réfère à des âges encore plus anciens, sur des milliers d’années, on s’aperçoit que jamais la vie humaine n’a été exposée à une concentration de CO2 telle que nous la connaissons aujourd’hui. Nous nous trouvons face à une situation inédite.

Parallèlement à l’évolution de la concentration de CO2 dans l’atmosphère, on peut observer celle des températures au cours des différentes périodes glaciaires. On constate à cet égard une grande similitude entre l’une et l’autre. Ce qui fait d’ailleurs dire à nombre de personnes que finalement, si l’on regarde sur des milliers d’années en arrière, de telles évolutions sont naturelles. Elles sont en fait liées à des changements d’orbite de la Terre par 

la quantité de CO2 dans l’atmosphère a nettement augmenté au cours des cinq dernières décennies

rapport au soleil, et amplifiées par les émissions de CO2 et de CH4 (méthane). Dans ces conditions, la température augmente dix fois plus vite ce qui est, là encore, inhabituel. Il faut ici prendre en compte des facteurs naturels mais aussi des facteurs humains comme la pollution industrielle, les modifications des sols produits par leur exploitation ou encore certaines pratiques en agriculture. Les reconstitutions effectuées par ordinateur en matière d’accélération du réchauffement sur une période comprise en 1860 et 2000 offrent un résultat éclairant, si l’on compare celle qui prend en compte les seuls facteurs naturels (soleil et volcans) et celle incluant l’ensemble des influences, gaz à effet de serre compris. 

Le réchauffement climatique n’est pour autant pas de même importance sur l’ensemble de la planète. Il présente de fortes variations. Si l’on regarde le planisphère établi sur la période 1901-2012, il apparaît que son impact porte au premier chef sur des régions continentales, alors qu’à l’inverse, la zone de l’Atlantique nord ne voit guère augmenter sa température. L’explication de ce phénomène représente un réel enjeu pour les experts du climat, mais il pourrait être lié à la circulation interne de l’océan dans cette partie du globe. Les fortes augmentations de température, supérieures à deux degrés, concernent en particulier l’Asie continentale et l’Amérique du Sud. 

Le nécessaire développement d’énergies alternatives

Si nous tentons de prédire ce que le futur nous réserve, nous devons évidemment anticiper à ce qu’il en sera du CO2, ce qui implique de penser l’avenir de nos modèles économiques et nos usages de l’énergie. On peut, dans l’immédiat, échafauder quelques scénarii en matière de concentration et d’émissions de CO2, sachant qu’on ne peut pas raisonner dans les mêmes délais et dans les mêmes proportions sur les émissions, d’une part, et la concentration, d’autre part. Une réduction des émissions ne garantira pas, à court terme, un retour à un niveau acceptable de concentration. Les prédictions en matière de réchauffement produisent, à leur tour, des résultats très variables. Elles oscillent entre des prévisions allant de 1 à 5°C à échéance d’un siècle. Mais une chose est sûre. Si l’on veut stopper le réchauffement climatique, il faut arrêter les émissions de CO2. On ne peut pas se contenter de promettre qu’on en émettra moins. Or, chacun qu’il sera très difficile de ne plus émettre du tout de CO2. On peut espérer que, grâce à des technologies nouvelles, on parviendra à aspirer du CO2 répandu dans l’atmosphère pour le stocker quelque part. 

Des scenarii sont également élaborés concernant les températures et précipitations à venir. Il est très difficile d’obtenir des modèles prévisionnels détaillés sur les précipitations qui nous attendent. Les modèles existants nous suggèrent néanmoins que certaines régions seront bientôt plus humides, quand l’aire méditerranéenne et nord-africaine sera beaucoup plus aride. 

Nous avons d’ores et déjà une idée de l’impact provoqué par les parcours d’émissions de gaz à effet de serre à l’horizon 2100.

Nous avons d’ores et déjà une idée de l’impact provoqué par les parcours d’émissions de gaz à effet de serre à l’horizon 2100 et les nouvelles sont inquiétantes. Ainsi, deux milliards d’individus seraient exposés à une pénurie d’eau. Dix à douze milliards de personnes affronteraient des vagues de chaleur chaque année. Soixante-dix à quatre-vingt dix millions de personnes par an seraient affectées par des inondations. Autant de scenarii plutôt désastreux. 

Même si le moment fut enthousiasmant et si le principe d’un engagement des pays à réduire leurs émissions de gaz est en soi encourageant, l’Accord de Paris conclu à l’issue de la COP 21 affiche un objectif en-deçà de l’enjeu réel. Mais il faut atteindre le fameux seuil d’1,5° C. Nous devons le faire. Il est, pour autant impératif de développer des énergies recyclables et renouvelables. A ce jour, 21 pays se sont engagés doubler leur investissement dans ce domaine. 

Le président américain Donald Trump a annoncé le 1er juin le retrait des Etats-Unis de l’Accord de Paris. Il a, au début parlé de le renégocier ce qui traduit de sa part une profonde ignorance du principe de l’Accord, qui repose sur l’engagement des pays signataires. Il peut, malgré tout, décider de ne pas l’appliquer à son niveau, et c’est, bien sûr, une perspective inquiétante. Cet enjeu nous engage tous, dans la mesure où il aussi affaire de consommation et donc de comportement individuel.

Joanna Haigh

Joanna has been Co-Director of the Grantham Institute at Imperial College since 2014. She studies radiative transfer in the atmosphere, climate modelling, radiative forcing of climate change and the influence of solar irradiance variability on climate. She is a Fellow of the Royal Society, the Institute of Physics, the City & Guilds and the Royal Meteorological Society and an Honorary Fellow of Somerville College Oxford.  

© 2017 The Royal Society

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