Un Mondial de l'Auto 2024 100% électrique
Il y avait de l’électricité dans l’air au Mondial de l’Auto 2024. Pressés par l’urgence environnementale et les réglementations gouvernementales, les constructeurs ont dévoilé leurs nouveautés 100 % électriques. Chez Renault, le vintage fait des clins d’œil à la modernité : les R5 et R4 E-tech (la nouvelle 4L) sont revisitées avec commande vocale, écrans digitaux et couleurs flashy pour le plus grand plaisir des nostalgiques des années 80. Chez Mini et BMW, la Aceman JCW et la i7 font rêver ceux qui affectionnent les petites sportives ou les spacieuses haut de gamme – la seconde possède un siège limousine à l’arrière et un grand écran pour divertir enfants et adultes. Côté Peugeot, la E-5008 bleu blanc rouge n’est pas en reste. Mais… deuxième marché mondial de véhicules à énergie nouvelle, l’Europe attire les constructeurs chinois, et ce Mondial l’a prouvé. Et les marques Aito, BYD, Forthing, Hongqi, Leapmotor, Skyworth ou encore XPeng étaient bien là, à la conquête de nouvelles parts de marché.
La transition vers l'électrique passe par les flottes d'entreprises
Sur le papier et au vu de l’intérêt des visiteurs présents lors de cette édition, les innovations se multiplient et les constructeurs de toute origine ont investi dans l’électrification sur tous les segments automobiles. Une question persiste pourtant : comment passer de l’enthousiasme à l’utilisation de masse ?BNP Paribas, qui a réuni ses différentes activités de mobilité durable sous l'initiative transverse BNP Paribas Mobility, a organisé les 16 et 17 octobre deux conférences pour aborder les défis, stratégies et nouvelles solutions de cette transition en marche, qui passera forcément par les flottes d’entreprises.
Voici 4 points clés qui ressortent de ces échanges entre acteurs majeurs du marché.1. Priorité sur l’électrification des flottes
Comme le rappelle Margy Demazy, Directrice Commerciale d’Arval, « la mobilité routière reste un des plus gros postes d’émissions carbone, et sur la route un véhicule sur deux est un véhicule d’entreprise. » Devant ce constat, la priorité pour les flottes est évidente : elles représentent un levier de décarbonation stratégique et possèdent une marge de progrès colossale. En France particulièrement, puisque seulement 13 % des véhicules vendus sont électriques (bien que ce chiffre soit en pleine croissance) contre 50 % en Chine et 90 % en Norvège, pointe Elise Erbs, Chief Investment Officer d’Electra. Une prudence qui invite à l’action.
« Quand d’autres industries ont réduit leurs émissions, il n'y a eu aucune évolution dans le secteur de l’automobile au cours des 20 dernières années », observe ainsi Ronny Seidel, Global Head of Commerce chez BNP Paribas Personal Finance. En France, la loi d’orientation des mobilités (LOM) vise justement à imposer une transition plus rapide avec de nouvelles régulations. Cependant, pour que cette transformation devienne une réalité, il faut concilier contraintes légales, infrastructures adaptées et acceptabilité par les collaborateurs des entreprises, soulignent les intervenants.
2. Les freins à l’adoption : recharge, coûts et infrastructures
Le Mondial de l’Auto 2024 s’électrise : citadines, SUV, breaks… le choix en matière de véhicules électriques se diversifie et l’autonomie prend son envol. Les batteries sont désormais capables de rouler sans pause pendant plusieurs centaines de kilomètres, même à 130 km/h, et améliorent considérablement l’expérience des conducteurs. Reste que certains critères questionnent encore les entreprises et les automobilistes, avant de participer à la conduite du changement. En tête, la recharge. Les différents invités des panels sont unanimes : c’est là que se concentrent les freins des salariés. Aude Lane, Responsable des partenariats et membre de la direction mobilité électrique chez EDF, le confirme : « chaque véhicule électrique d’entreprise doit être proposé avec sa solution de recharge. Sinon, le collaborateur ne voudra pas l’adopter ».
Elle évoque des solutions de smart charging. Par exemple, la technologie V2G (vehicle-to-grid) qu’entend développer Dreev, startup lancée par EDF qui ambitionne d’optimiser l'utilisation des batteries pour réduire l'impact, financier notamment, sur les conducteurs. Les bornes V2G, dites bidirectionnelles, facilitent l’optimisation de l'énergie en programmant la recharge durant les heures creuses. Et surtout, l'énergie emmagasinée dans la batterie peut être réinjectée durant les heures pleines, soit vers des installations voisines, soit revendue au réseau électrique. Dans les deux cas, avantages financiers à la clé.
La question des infrastructures est également capitale : la mise en place de bornes sur les parkings d'entreprise et l’octroi de cartes de recharge sont des pistes d'amélioration. À ce sujet, Aude Lane, Responsable des partenariats et membre de la direction mobilité électrique, EDF est optimiste : « Nous avons presque 150 000 points de recharge en France, avec une croissance de 30 % par rapport à l'année dernière, et les points de recharge rapide augmentent encore plus vite », note-t-elle.
« Le premier soutien dont les consommateurs ont besoin est l'abordabilité. Le deuxième est le conseil : quel véhicule est adapté à leur usage et à leur situation familiale. »
3. L’importance de la simplicité et de la personnalisation
« Les collaborateurs veulent quelque chose de simple, qui fonctionne facilement », insiste Elise Erbs qui encourage à ne pas « forcer la main » à ceux qui ne seraient pas prêts pour l’électrification, mais plutôt d'œuvrer avec pédagogie. « Entendre leurs hésitations et les adresser ». Une philosophie sur laquelle s’accordent Ronny Seidel et Aude Lane. Pour convaincre, il faut savoir adapter la flotte aux besoins réels des utilisateurs. Ainsi, le même véhicule ne sera proposé qu’en fonction de la distance régulièrement parcourue, de la fréquence d’utilisation, et de la localisation géographique. En montagne par exemple, le véhicule électrique apparaît moins adapté puisque le froid décroît l’autonomie de la batterie.
De son côté, Philippe Laufer, 3DS Global Brands - Executive Vice President chez Dassault Systèmes, souligne toute la pertinence de l’utilisation d’un "jumeau virtuel" pour simuler les usages, tester les différents mix énergétiques (électrique, hydrogène, etc.) et optimiser les choix des flottes d’entreprises avant de s’équiper. Le SDV (Software Defined Vehicle) émerge également comme une avancée technologique permettant de transformer le véhicule en "plateforme logicielle", et ainsi lui offrir personnalisation, connectivité et flexibilité accrues, tout en rendant possible l’amélioration du véhicule tout au long de son cycle de vie : automatisation des tests, réalisation des diagnostics une fois sur route ou encore téléchargement à distance de nouvelles fonctionnalités.
4. TCO et allongement des contrats, des leviers clés
Devant l'augmentation du coût total de possession, ou Total Cost of Ownership (TCO) des véhicules, l'allongement de la durée des contrats, particulièrement pour les véhicules électriques, s’impose comme une solution. C’est mathématique : les véhicules électriques ayant des coûts d’entretien moindres, sont rentables sur de plus longues périodes. Afin d’adresser cette réalité, Arval propose, par exemple, de maximiser la durée de vie des véhicules à travers des contrats plus longs et l’usage de cycles de vie multiples. « Le coût d'usage d'un véhicule électrique est trois fois moins élevé que celui d'un véhicule thermique, et les entreprises doivent évaluer leurs véritables besoins en matière de recharge pour éviter des coûts inutiles », précise Aude Lane, Responsable des partenariats et membre de la direction mobilité électrique chez EDF, ajoutant que l’objectif est au 100 % électrique au sein de la flotte d’entreprise EDF d’ici 2030. « Par exemple, il n'est pas nécessaire d'installer un chargeur ultra-rapide sur un parking, où les voitures stationneront toute la journée .»
"Le coût total de possession d'un véhicule électrique est trois fois moins élevé que celui d'un véhicule thermique, et les entreprises doivent évaluer leurs véritables besoins en matière de recharge pour éviter des coûts inutiles.”
Aude Lane, Responsable des partenariats et membre de la direction mobilité électrique, EDF.
Que penser du rétrofit*, processus de conversion du thermique vers l'électrique ?
La question a été posée dans la salle à la fin de la conférence du 16 octobre : et si permettre aux entreprises d’accélérer leur migration vers une flotte plus verte passait par la conversion d’un véhicule thermique en électrique ? Le rétrofit propose justement cette solution. Toutefois, Ronan Perrier, Directeur du Consulting et de l'Arval Mobility Observatory, d'Arval reste prudent au vu d’un développement encore marginal en France. « Pour l’instant, certains cas d’usage peuvent fonctionner mais l’utilisation du rétrofit reste assez marginale. Il s’agit plutôt d’une opportunité à saisir dans des cas assez spécifiques ». Dans le domaine des utilitaires, citons l'exemple de Renault, qui a noué un partenariat avec l'entreprise grenobloise TOLV, spécialisée dans le retrofit, pour "rétrofiter" son modèle "Renault Master III".
« La collaboration intersectorielle est essentielle, conclut Ronny Seidel. Personne ne peut gérer seul la transition énergétique. Nous devons travailler ensemble avec les constructeurs, leurs écosystèmes et les partenaires financiers ». Alors que nous nous trouvons au carrefour entre la nécessité environnementale et l'innovation technologique, cette avancée conjointe est, sans aucun doute, l’unique route à emprunter.