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Hydrogène vert, la Belgique chef de file en Europe occidentale

Alors que la Belgique ambitionne de jouer un rôle essentiel dans les objectifs de l'Europe en matière d'économie verte, cinq experts décryptent les enjeux et la stratégie derrière cette transition.

Le "Green Deal" européen

En 2020, la Commission européenne a lancé son plan en matière de lutte contre le changement climatique, le "Green Deal" européen. Il définit la voie de transition de l'Union européenne, avec un engagement fort de réduire les émissions nettes de gaz à effet de serre d'au moins 55 % d'ici 2030 par rapport aux niveaux des années 90. En complément, il décrit le schéma directeur d’une transformation équitable, rentable et compétitive, au profit de chaque nation européenne via des politiques destinées à stimuler la croissance économique.

l'Hydrogène vert, une priorité absolue

Pour soutenir ces efforts, et réduire la dépendance à l'égard des combustibles fossiles importés, l'Union européenne a publié son plan REPowerEU en 2022, faisant de l'hydrogène vert une priorité absolue. L'objectif est d'atteindre 20 millions de tonnes d'hydrogène renouvelable d'ici à 2030, dont la moitié sera importée et l'autre moitié produite dans le pays.

La Belgique pourrait devenir une place de référence pour l'hydrogène vert en Europe 

Grâce à son infrastructure actuelle et à son environnement politique favorable, la Belgique est considérée par beaucoup comme ayant le potentiel pour devenir une place de référence pour l'hydrogène vert en Europe occidentale. Quels sont les défis et les opportunités associées ? Quel rôle pour la réglementation et la finance ? Plusieurs experts réunis récemment en Belgique à l’occasion du BNP Paribas Sustainable Future Forum (SFF) ont partagé leur point de vue.

Un hub pour les vecteurs d'énergie renouvelable

En 2021, et conformément aux objectifs de l'Union européenne en matière d'énergie renouvelable, la Belgique a publié sa vision et sa stratégie en matière d'hydrogène. Ce plan vise notamment à positionner la Belgique comme une plaque tournante de son importation, en mettant sur pied une chaîne d'approvisionnement d’avenir ainsi qu'en assurant la sureté et l’efficacité de son transport.

Christa Sys, professeur à l'Université d'Anvers et titulaire de la chaire BNP Paribas Fortis Transport, Logistique et Ports, a commenté son potentiel d’utilisation : 

"Dans le transport maritime par exemple, nous estimons que le volume des échanges augmentera de deux tonnes par habitant d'ici à 2050 - il faudra donc accroître ses capacités. Nous devons pour nous tourner vers des énergies alternatives, et l'hydrogène a un grand potentiel, ainsi que ses dérivés comme l'ammoniac et le e-méthanol. Toutefois, il y aura des défis à relever.”

Pour la multinationale ENGIE, la Belgique est en capacité de soutenir l'ambition de l'entreprise de devenir un leader mondial dans la production d'hydrogène renouvelable et de carburants durables connexes.

"Nous considérons la Belgique comme un pays idéal pour la production initiale d'hydrogène à grande échelle", a expliqué Eric Gosseye, responsable des partenariats chez ENGIE, lors d'un discours à la SFF. "Ici, nous avons tout ce qui est nécessaire : une base d'infrastructure solide grâce aux pipelines, une main-d'œuvre qualifiée et des énergies renouvelables locales avec l'éolien offshore. Nous pensons qu'avec les bons investissements et un environnement stable à long terme, la Belgique restera une plaque tournante pour les l’hydrogène, en termes de production et d'importation."

De son côté, le groupe belge DEME développe et investit dans des projets d'hydrogène vert à l'étranger, en vue de soutenir l'importation en Europe. Dans le cadre de son concept HYPORT, l'entreprise développe une usine de production d'hydrogène vert et d'ammoniac dans le sultanat d’Oman, qui utilise un approvisionnement local abondant en énergie renouvelable pour produire puis importer des produits d'hydrogène vert vers des clients en Europe via le port de Duqm, stratégiquement situé.

Herbert Jost, directeur général de l'hydrogène chez DEME, explique : 

"Au Moyen-Orient, nous investissons dans un projet d'hydrogène vert à chaîne de valeur complète. Cela signifie que nous développons et supervisons le projet sur l’ensemble de la chaine de valeur, depuis la toute première turbine dans le désert, jusqu'au stockage des molécules vertes dans le port et leur commercialisation."

Qu'est-ce que l'hydrogène vert ?

L'hydrogène vert est produit par électrolyse, en divisant l'eau (H2O) en hydrogène (H2) et en oxygène (O2) à l'aide de sources d'électricité renouvelables telles que l'énergie éolienne, solaire et hydroélectrique.

Si l'hydrogène gris, extrait de combustibles fossiles, représente encore aujourd'hui environ 95 % de la production, l'hydrogène vert est appelé à jouer un rôle de premier plan dans le bouquet des énergies renouvelables.

Bien que des difficultés subsistent en matière de stockage et de rentabilité, l'hydrogène vert a le potentiel de remplacer les carburants traditionnels dans tous les secteurs du transport, y compris l'aviation et la navigation. Il peut être converti pour produire des carburants de substitution tels que l'ammoniac et l'e-méthane, et il a le potentiel pour assurer la transition des processus industriels à forte intensité de carbone dans des secteurs tels que la pétrochimie, la sidérurgie et la production d’électricité.

Des défis aux opportunités

Il reste des défis à relever pour accroître le potentiel de l'hydrogène, notamment l’étendue des infrastructures requises. 

"Nous avons besoin de beaucoup d'infrastructures ; les molécules d'hydrogène sont extrêmement petites et difficiles à transporter et à stocker", explique M. Gosseye. "Cela signifie que nous avons besoin d'investissements massifs dans les pipelines et dans les ports pour importer les molécules d'hydrogène, souvent sous forme de composés tels que l'ammoniac, le méthane et, de plus en plus, l'hydrogène liquide."

"L'Europe aura besoin de dizaines de milliards pour investir dans ces infrastructures. Cela peut sembler beaucoup. Mais quand on le compare aux centaines de milliards dépensés chaque année pour l'importation de pétrole et de gaz naturel, cela est parfaitement envisageable."

M. Jost, de DEME, a mis en avant une caractéristique importante concernant le marché croissant des carburants à base d'hydrogène, tels que l'e-méthane et le méthanol vert : 

"Pour produire ces carburants, il faut environ 10 kilogrammes de CO2 pour chaque kilogramme d'hydrogène. Les énormes investissements dans ce type de projets nécessiteront donc une source de CO2 fiable pendant de nombreuses années. Nous envisageons alors la nécessité d'une économie circulaire du CO2 impliquant le captage, le transport et la réutilisation.”

Vers un marché liquide et compétitif

L'Union européenne encourage de nouveaux investissements en offrant des subventions à des projets innovants par le biais de son Fonds d'innovation ETS - l'un des plus grands fonds au monde pour les technologies à faible émission de carbone - qui fournira environ 38 milliards d'euros de soutien entre 2020 et 2030, en fonction du prix du carbone. En outre, en septembre 2022, elle a approuvé un financement public de 5,2 milliards d'euros pour soutenir les infrastructures et les applications de l'hydrogène, ce qui inclut des projets en Belgique.

Les nouveaux investissements sont encouragés par L'Union européenne

Carla Benauges, responsable de la politique de l'hydrogène et de l'innovation à la Commission européenne, a commenté : « Les fonds publics permettent de réduire les risques au démarrage des grands projets. Nous aurons besoin d'acteurs financiers plus traditionnels pour prendre en charge le reste. Avec le Fonds pour l'innovation, nous finançons généralement 60 % des besoins ; il faut donc que le reste vienne d'ailleurs."

Une réglementation claire et simple à utiliser

La réglementation est également essentielle pour accroître la production, promouvoir la rentabilité et stimuler la demande des consommateurs.

"Nous pouvons établir un parallèle avec les énergies renouvelables il y a 15 ans." Hendrik Deboutte, spécialiste énergie, ressources et infrastructures chez BNP Paribas Fortis. 

"Par exemple, lorsque nous avons commencé à financer des parcs éoliens offshore en Belgique, la législation n'était pas éprouvée et évoluait rapidement. Au fil du temps, la réglementation s'est stabilisée et l'approche de l'Union européenne en matière de subventions publiques est devenue plus prévisible, soutenant un marché liquide et compétitif. Lorsque la réglementation relative à l'hydrogène sera claire et simple à utiliser, les possibilités de financement seront abondantes.

Stimuler la demande des clients par la dynamique des prix

Enfin, la dynamique des prix a son importance. "Nous devons mettre en place des mécanismes pour que les clients puissent acheter des énergies vertes à des prix qui ne dépassent pas les alternatives grises et pour promouvoir la transparence et la sécurité de l'approvisionnement. L'infrastructure est certes cruciale, mais ce dont nous avons davantage besoin à l'heure actuelle, c'est de stimuler la demande des clients", a expliqué M. Jost.

L'accompagnement de BNP Paribas 

BNP Paribas a pour objectif d'accompagner ses clients dans leur transition énergétique et d'utiliser la finance durable pour accélérer le développement de l'hydrogène. Cela inclut l'utilisation des marchés de capitaux, le financement de projets et la création de fonds dédiés, notamment par le biais de BNP Paribas Asset Management.

En 2021, BNP Paribas a créé le Low-Carbon Transition Group. Ce réseau d'experts est chargé de coordonner les initiatives à l'échelle de la banque sur les sujets liés à la transition énergétique, de partager les compétences entre les pays et les métiers et d'intensifier l'engagement des clients dans les secteurs à forte intensité carbone.

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