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Union des marchés de capitaux, un enjeu majeur pour soutenir la croissance européenne

Publié le 18.04.2024

Comment l'Europe peut-elle accélérer le développement de l'Union des marchés de capitaux, et quels en seront les bénéfices pour les entreprises et les investisseurs, institutionnels comme particuliers ?

Vers une approche européenne plus ambitieuse de l'Union des marchés des capitaux

Si le premier plan d'action de l'Union des marchés des capitaux (UMC) de l'Union européenne en 2015, suivi d’un second en 2019, a permis quelques avancées notables, les marchés de capitaux européens restent fragmentés et insuffisamment développés par rapport à d'autres zones géographiques, en particulier les États-Unis. 

Dans l'Union européenne, la capitalisation boursière globale du marché équivaut à 81 % du Produit Intérieur Brut, contre 227 % aux États-Unis. Les marchés obligataires de la zone euro sont encore trois fois plus petits que leurs équivalents américains, tandis que les investissements en capital-risque de l'UE ne représente qu'un cinquième de ceux d’outre atlantique, selon la BCE.  

"Le prochain cycle législatif qui débutera en 2024 sera l'occasion d’entrainer toutes les parties prenantes autour de l'Union des marchés de capitaux, notamment les banques, qui auront un rôle clé à jouer dans le financement des transitions verte et numérique, afin de soutenir l'économie réelle et d'aider les entreprises à être compétitives sur la scène mondiale."  
Jeanne Aing, responsable de l'anticipation réglementaire chez BNP Paribas CIB 

Dans un récent discours, Christine Lagarde, Présidente de la BCE, a insisté sur la nécessité pour tous les citoyens et entreprises européens de pouvoir bénéficier d’un large accès au financement, ainsi que sur le besoin d’améliorer l'efficacité et les possibilités de partage des risques du système financier en général, plaçant l'UMC ainsi que la compétitivité de l'UE parmi les principales priorités à l'ordre du jour de la zone euro. 

"Il existe un intérêt collectif impérieux à adopter une approche européenne plus ambitieuse pour mettre en place une union des marchés de capitaux. Dans l’environnement d’aujourd'hui, où les défis de la démondialisation, de la démographie et de la décarbonisation se font de plus en plus pressants, des marchés de capitaux intégrés font partie intégrante de notre réussite... Face à un défi financier aussi immense, le moment d'agir est venu. A nous tous de faire preuve d'audace et à ne pas laisser passer ce moment". 

[extrait du discours de Christine Lagarde, novembre 2023]

Soutenir la transition vers une économie plus durable, et plus digitale 

La Commission européenne a estimé que la transition verte nécessitera des investissements de 620 milliards d'euros par an, tandis que la transformation numérique nécessitera chaque année 125 milliards d'euros supplémentaires. Le secteur de la finance a un rôle majeur à jouer pour financer cette double transformation. Dans ce contexte, une Union des marchés des capitaux est essentielle, non seulement pour soutenir la transition vers cette nouvelle économie, mais également pour assurer à l’Europe une autonomie économique dans un environnement mondial de plus en plus complexe.

"La crise du COVID en 2020 a accéléré la nécessité de créer une Union des marchés des capitaux. La vigueur de notre reprise économique dépendra essentiellement du bon fonctionnement de nos marchés des capitaux et de la possibilité pour les particuliers et les entreprises d'accéder aux investissements et aux financements de marché dont ils ont besoin. Nous devons générer des investissements massifs pour rendre l'économie de l'UE plus durable, plus numérique, plus inclusive et plus résiliente."  

Valdis Dombrovskisvice-président de la Commission Européenne

L’UMC au service de la croissance et de la compétitivité de l'économie de l'UE 

L'UMC a trois objectifs principaux (plan d'action en anglais), le premier consistant à rendre le financement plus accessible à toutes les entreprises européennes. 

Cela implique de les rendre plus visibles afin de stimuler les investissements étrangers, en établissant un point d'accès unique européen (ESAP)  permettant un accès transparent, à l'échelle de l'UE, à toutes les informations publiques - y compris financières et liées au développement durable - divulguées par les entreprises européennes.

Il s'agit également de soutenir l'accès aux marchés financiers (référence en anglais), réglementés ou non, en particulier pour les petites et moyennes entreprises. Actuellement, les entreprises européennes dépendent beaucoup plus du financement bancaire que leurs homologues américaines (70 % contre 20 % aux États-Unis).

Il s'agit en outre d'encourager davantage les financements à long terme et les investissements des institutionnels, en veillant aux contraintes liées aux règles prudentielles locales, et d'aider les banques à prêter davantage à l'économie réelle (référence en anglais). Ceci passe notamment par la révision en cours du cadre réglementaire de l'UE en matière de titrisation, qui vise à équilibrer ses différents objectifs, notamment la protection des investisseurs, la stabilité financière et l'accès au financement. 

La suppression des barrières séparant les marchés permettrait d'élargir la base des investisseurs, et d'accroître la capacité à supporter les risques grâce à une plus grande diversification. En conséquence, les coûts de financement seraient plus faibles.

William de Vijlder

BNP Paribas Chief Economist

Les deux autres objectifs sont de faire de l'UE une place encore plus sûre pour l'épargne et l'investissement à long terme des particuliers, et d'intégrer les marchés de capitaux nationaux dans un véritable marché unique. Cela implique notamment d'alléger la pression fiscale liée aux investissements transfrontaliers et de rendre ces investissements plus prévisibles en clarifiant les procédures d'insolvabilité (références en anglais). Il s’agit également de faciliter l'engagement des actionnaires, de développer les services de règlement-livraison transfrontaliers et de créer un fournisseur de système consolidé de publication (CTP) pour tous les États membres, qui fournira un flux d'informations unique pour toutes les valeurs mobilières, accessible à tous. 

Une fois achevée, cette Union des marchés de capitaux bénéficiera aux investisseurs nationaux, ce qui la rendra en conséquence plus attractive pour les investisseurs étrangers. L’UMC aura des conséquences non seulement pour les grandes entreprises déjà présentes à l’international, mais offrira également des opportunités aux petites entreprises européennes aux perspectives prometteuses. Celles-ci seront mieux à même d'attirer les investisseurs mondiaux et de recevoir les capitaux nécessaires à leur développement. Globalement, l'UMC contribuera donc à rendre l'économie européenne plus innovante et plus compétitive au niveau mondial.  

Le rôle central des banques pour connecter les besoins de financement avec les capacités d’investissement.

Agissant comme un pont entre les investisseurs et les entreprises, les banques jouent déjà un rôle essentiel dans la mise en relation des besoins de financement des émetteurs avec ceux d'investissement des investisseurs du monde entier. Ce rôle est appelé à se développer à mesure que l'union bancaire progresse, avec une nouvelle expansion des services de banque d'investissement en Europe, en particulier à destination des PME

Pour William de Vijlder : "La diversification internationale en matière d’investissements permet d'augmenter l'exposition aux actifs risqués, ce qui accroît le rendement à long terme des portefeuilles. [...] cette augmentation profite à la fois aux entreprises nationales et étrangères qui lèvent des fonds sur les marchés des capitaux et réduit leurs coûts de financement"

Une union bancaire à part entière, combinée à un marché de la titrisation plus efficace et plus profond, permettra également aux banques de soutenir davantage les économies de l'ensemble de l’Union européenne. Aux États-Unis, les banques ont accès à un marché de la titrisation trois fois plus important qu'en Europe, ce qui leur permet de transférer plus facilement certains risques aux investisseurs, de libérer des capitaux et d'accorder des prêts supplémentaires pour soutenir l'économie. 

"Le projet de l'UMC bénéficiera clairement d'un rôle accru des banques de l'UE dans le secteur des services financiers et, à son tour, l'intégration des marchés de capitaux offrira une plus grande marge de manœuvre aux banques. L'intégration financière, via l'UMC et l'union bancaire, offre des mécanismes de partage des risques qui peuvent atténuer l'impact des chocs mondiaux ou nationaux et, par conséquent, contribuer à la stabilité macroéconomique" explique Rolf Strauch, économiste en chef du Mécanisme européen de stabilité. 

Dans un autre registre, il est à noter que le rôle des banques dans la fourniture de conseils financiers revêt également une importance fondamentale. Le niveau relativement faible des connaissances financières en Europe constitue un défi, et l'éducation financière, soutenue par les banques, est un objectif à long terme pour transformer les épargnants en investisseurs avertis. 

Les prochaines étapes du développement de l’Union des marchés de capitaux

Malgré une certaine "lassitude" des autorités publiques et des acteurs du secteur à l'égard de l'UMC, il existe une réelle volonté d'envisager des actions ambitieuses et efficaces. "L’UMC devrait figurer en tête de l'agenda de la nouvelle Commission européenne afin de parvenir à un marché européen diversifié, compétitif et autosuffisant", ajoute Jeanne Aing.   

Alors que la France a récemment lancé un groupe de travail pour réaliser une évaluation approfondie de l'Union des marchés des capitaux pour le prochain mandat de la Commission européenne, le Conseil travaille sur de nouvelles propositions concernant divers aspects de l'approfondissement de l'Union des marchés des capitaux.  

Les ministres des finances de l'UE se sont engagés à examiner l'avenir à plus long terme des marchés financiers et des capitaux européens, et les travaux de l'Eurogroupe sont en cours pour négocier les priorités politiques et rédiger l'accord qui sera présenté au sommet de l'euro 2024. Le nouveau cycle politique qui s'annonce, avec les élections au Parlement européen au deuxième trimestre de l’année et la nouvelle Commission, sera l'occasion de partager de nouvelles priorités. Les autorités publiques attendent également des propositions de la part du secteur financier.

En amont de ce sommet, la BCE a publié une déclaration sur l'avancement de l'Union des marchés de capitaux (référence en anglais) : 

"Si nombre de ces initiatives prendront du temps et si l'Union des marchés de capitaux reste un projet à long terme, une action urgente et décisive est désormais nécessaire pour réaliser de réels progrès dans l'intégration et le développement des marchés de capitaux de l'UE... l'UE doit désormais relever les défis les plus importants et les plus structurels". 
S'exprimant sur la nécessité urgente de rassembler les marchés de capitaux de l'UE (Financial Times - article en anglais sur abonnement), les ministres des finances de la France et de l'Allemagne ont récemment souligné le besoin d'une nouvelle dynamique pour construire une véritable UMC pour les citoyens et les entreprises. Malgré les progrès importants déjà réalisés par l'Europe, ils ont noté qu’il fallait intensifier les efforts. Dans cette optique, les dirigeants européens ont reconnu la nécessité de placer le développement de l’UMC en tête des priorités. Sous l'impulsion du président de l'Eurogroupe, les ministres des finances européens discuteront régulièrement des priorités à aborder lors du prochain cycle législatif. Une feuille de route franco-allemande a également présenté des idées communes sur la voie à suivre, appelant à un nouvel agenda de la CMU. Cet article a été traduit de l'anglais :  Capital Markets Union: unlocking the potential of Europe’s capital markets 

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