La pandémie de Covid-19 rend l’exercice de prévision économique particulièrement difficile, et ce, pour deux raisons au moins.
Tout d’abord, la qualité des prévisions – soit l’erreur de prévision observée – dépend très fortement des hypothèses relatives à la propagation du virus : se sont-elles révélées proches ou très éloignées de la réalité ? Ensuite, la relation entre, d’une part, les facteurs à l’origine des décisions de dépenses des ménages et des entreprises et, d’autre part, le montant effectif de la consommation et de l’investissement s’est distendue. Cela tient, dans une large mesure, aux fluctuations de l’incertitude et de la confiance en réaction aux informations sur le nombre de nouvelles infections. Ces dernières semaines, les nouveaux variants du virus Covid-19 sont rapidement devenus un sujet de préoccupation majeur, contraignant plusieurs pays – en particulier en Europe- à renforcer les mesures de sécurité sanitaire, au-delà des attentes en début d’année. Cela devrait peser sur les niveaux d’activité au premier trimestre et l’impact risque également de se faire sentir sur ceux du deuxième trimestre, même si cela dépend de l’évolution des restrictions.
C’est particulièrement important pour la zone euro, qui est à nouveau entré en récession : après une sévère contraction de l’activité au deuxième trimestre de l’année dernière, suivie d’un fort rebond au troisième, la croissance est redevenue négative au quatrième (- 0,7 % t/t), enregistrant toutefois une baisse moins marquée que prévu. Le PIB de la France a accusé un repli de -1,3 %, bien en deçà des anticipations des analystes de -4 % (t/t). Cette bonne surprise s’explique principalement par la hausse de l’investissement et des exportations des entreprises et des ménages, tandis que la consommation des ménages a accusé sa plus forte baisse lors du confinement de novembre-décembre. En Allemagne, le PIB est resté plus ou moins stable (+0,1 %) tandis qu’en Espagne la croissance a été clairement positive (+0,4 % t/t). Il en va tout autrement de l’Italie (-2.0 %). L’existence d’une certaine désynchronisation entre les principales économies constitue un facteur important pour l’économie mondiale. Cela crée un effet de diversification qui fait que la croissance négative dans une région – la zone euro – est compensée par la croissance dans d’autres, comme la Chine – la seule grande économie à avoir enregistré une reprise en forme de « V » - et les États-Unis, où l’activité a été assez résiliente malgré le nombre d’infections. C’est ce qui fait toute la différence avec le deuxième trimestre de l’année dernière, où les économies en général étaient plongées dans une récession profonde et synchronisée.
Les perspectives à court terme dépendent très largement du nombre de contaminations et du rythme des vaccinations
Au fur et à mesure de la diminution du nombre de nouveaux cas, les restrictions seront levées, entraînant un rebond de l’activité et de la demande. L’augmentation des vaccinations devrait réduire les inquiétudes liées à une éventuelle résurgence des cas, confortant ainsi la confiance et ouvrant la voie à une croissance économique bien supérieure au potentiel pendant plusieurs trimestres. Sous réserve que la propagation des nouveaux variants soit bien maîtrisée. Pour accompagner la reprise, le soutien des politiques publiques, à la fois budgétaires et monétaires, va rester significatif. Lors de sa réunion de décembre, la BCE a poursuivi l’assouplissement des conditions monétaires. Elle maintiendra une politique très accommodante pendant une longue période d’autant que l’inflation mettra beaucoup de temps à converger vers son objectif.
La Réserve fédérale va continuer son programme d’assouplissement quantitatif, dont le terme n’a pas encore été fixé. Selon ses projections, les taux directeurs devraient rester à leur niveau actuel au moins jusqu’à la fin de 2023. Compte tenu de la faiblesse des taux d’intérêt et de l’expansion de la taille du bilan des banques centrales, l’accès facile au financement à des conditions attractives devrait persister. La transmission à l’économie réelle dépend en très grande partie de la manière dont la demande de crédit évolue. La demande pourrait être atone pour certains types de crédits – comme les investissements des entreprises – si la confiance dans l’avenir reste trop déprimée. Les mesures de relance budgétaire jouent donc un rôle particulièrement important en complément de la politique monétaire. Aux États-Unis, après le plan de relance voté en décembre dernier, l’administration Biden travaille à un programme supplémentaire de l’ordre de USD 1 900 mds. En Europe, le déploiement de fonds dans le cadre du plan « Next Generation » de l’UE devrait commencer au second semestre, apportant un soutien à la croissance.
Les campagnes de vaccination et les mesures budgétaires et monétaires prises par les pouvoirs publics devraient soutenir la confiance mais la levée des mesures d’aide temporaire – chômage partiel, garanties des prêts par l’État, etc.- laisse craindre une augmentation des défaillances d’entreprises et du chômage, tout au moins provisoirement. Ces facteurs pourraient freiner la reprise sans toutefois la compromettre.
Avec le redressement de l’économie, l’attention des marchés financiers se portera progressivement sur les effets produits par l’orientation de la politique des banques centrales. Aux États-Unis, cela consistera à évaluer la probabilité du ralentissement, par la Réserve fédérale, du rythme de ses achats d’actifs et, dans la zone euro, la possibilité d’un arrêt du « Programme d’achat d’urgence pandémique » (PEPP) de la BCE. Les rendements des Treasuries devraient remonter sous l’effet des mesures de relance budgétaire et de la reprise économique, mais aussi en raison du fait que la Fed acceptera de laisser courir l’inflation, comme elle le souhaite, au-delà de son objectif de 2 %. Comme observé habituellement, les rendements des obligations dans la zone euro seront dans une très large mesure influencés par leurs homologues américains. La perspective d’une reprise plus durable avec le déploiement des vaccins devrait contribuer à une légère augmentation des rendements obligataires. L’arrêt du PEPP devrait entraîner un élargissement des spreads vis-à-vis du Bund. Nous tablons sur la poursuite du repli du dollar par rapport à l’euro vers 1,25, d’ici à la fin de l’année. Un facteur de risque, à cet égard, réside dans un changement de guidance de la Fed, une évolution peu probable à court terme.
William De Vijlder
16 février 2021