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Perspectives économiques 2023, quels ajustements suite au premier trimestre ?

Hélène Baudchon
Hélène Baudchon
Economiste Senior, responsable de l’équipe OCDE des études économiques
Publié le 05.05.2023

Avec le recul, les tendances de 2022 apparaissent maintenant clairement, notamment l’envolée de l’inflation et la remontée à marche forcée des taux directeurs des banques centrales pour y faire face. L’ampleur de ces deux chocs n’était cependant pas du tout acquise si l’on se replace un an en arrière : en avril 2022, les perspectives d’inflation, de croissance et de politique monétaire étaient loin d’être toutes tracées comme elles le sont désormais, rétrospectivement. Hélène Baudchon, Économiste Senior, responsable de l’équipe OCDE des études économiques, nous explique.

Aujourd’hui, en avril 2023, quelles tendances se dégagent et avec quelle clarté ?

S’agissant des États-Unis et de la zone euro, trois d’entre elles se dessinent relativement clairement. Ces tendances n’ont pas changé depuis décembre dernier lorsque nous avions brossé, pour la première fois, les perspectives pour cette année. Les questions soulevées alors restent toujours d’actualité[1] et nous gardons les mêmes « certitudes » – moins d’inflation, moins de croissance et un arrêt du resserrement monétaire – et les mêmes incertitudes quant au déroulement exact et à l’ampleur de ces évolutions. Les données du problème ont toutefois quelque peu évolué en cinq mois. Cette mise à jour a pour objectif de montrer ce qui a changé et ce qui persiste

[1] L’inflation va-t-elle baisser ou, plus exactement, dans quelle ampleur le fera-t-elle ? Quand et à quel niveau la Réserve fédérale américaine et la BCE vont-elles arrêter de remonter leurs taux directeurs ? À quel point la croissance va-t-elle continuer de faire preuve de résistance ou sombrer face au cumul des chocs ?

(Beaucoup ?) moins d’inflation

La première des certitudes est la baisse de l’inflation (ou désinflation). Mais comme les données récentes l’ont montré, le processus n’est pas régulier[2] et la probabilité qu’il soit lent plutôt que rapide est confirmée, voire renforcée. La diminution de la contribution des prix de l’énergie à l’inflation annuelle a bien eu lieu[3], mais l’inflation alimentaire demeure en forte hausse, particulièrement en zone euro[4], et l’espoir d’un reflux rapide est réduit. 

De plus, la rigidité attendue du côté de l’inflation sous-jacente (hors énergie et alimentation) se confirme : elle n’a toujours pas commencé à baisser en zone euro (5,7% en glissement annuel en mars) et le mouvement reste hésitant aux États-Unis (5,6%). Nous continuons d’anticiper une baisse plus nette de l’inflation sous-jacente à l’horizon des prochains mois. Elle interviendrait dans le sillage de la diminution des pressions inflationnistes venant de l’offre. Néanmoins, les facteurs côté demande devraient continuer d’opposer une certaine résistance et mettre plus de temps à refluer.

[2] L’inflation n’a quasiment pas reflué en janvier aux États-Unis et en février pour la zone euro avant une baisse plus nette, en mars : 6,9% en glissement annuel dans la zone euro – en baisse de 3,7 points de pourcentage par rapport à son pic d’octobre 2022 ; 5% aux États-Unis – en baisse de 4,1 points de pourcentage par rapport à son pic de juin 2022.
[3] En mars 2023, cette contribution est quasi-nulle en zone euro (contre un pic à 4,4 points de pourcentage un an auparavant) et, aux États-Unis, elle est légèrement négative (contre un pic à près de 4 points de pourcentage en juin 2022). D’après nos prévisions, elle serait légèrement négative sur l’ensemble de l’année.
[4] La contribution à l’inflation annuelle est légèrement supérieure à 3 points dans la zone euro contre trois fois moins aux États-Unis.

Fin du resserrement monétaire

La deuxième certitude est la fin du resserrement monétaire, au sens où nous anticipons que 2023 sera l’année du pic des taux directeurs des banques centrales. Les derniers mois ont toutefois montré que si la direction donnée est relativement claire  - la Fed et la BCE n’en ont probablement pas encore tout à fait terminé avec les hausses de taux mais elles sont plus près de la fin que du début -, le point d’arrivée reste très fluctuant, la fin anticipée du cycle par les marchés s’éloignant ou se rapprochant au gré des données sur l’inflation (les craintes de récession étant passées au second plan à la faveur de données d’activité plutôt bonnes dans l’ensemble en début d’année).

Au moment où nous écrivons ces lignes, la fin du cycle de resserrement monétaire s’est toutefois fortement rapprochée, à la suite des difficultés de certains établissements bancaires régionaux américains en mars (cf. ci-après épisode SVB). En effet, le durcissement supplémentaire des conditions de financement et d’accès au crédit qui devrait en découler se substituerait, en partie, aux hausses de taux directeurs[5]. 

[5] Selon nos prévisions actuelles, la Réserve fédérale procèderait à une ultime hausse de 25 points de base du taux des Fed funds en mai (pour le porter à 5,25%, fourchette haute) tandis qu’il en resterait deux supplémentaires du côté de la BCE (en mai et juin, portant le taux de dépôt à 3,50% et le taux de refinancement à 4%).

(Beaucoup ?) moins de croissance

Si la résistance à la baisse de l’inflation n’est pas vraiment une surprise, celle de la croissance l’est un peu plus. La récession dans la zone euro, qui paraissait inévitable en fin d’année dernière du fait du choc inflationniste et de la crise énergétique notamment, ne s’est pas matérialisée. Si les prix du gaz et de l’électricité ont flambé, le choc a été pour partie amorti par des mesures gouvernementales et les coupures redoutées ont été évitées grâce à la clémence de l’hiver, aux efforts d’économies d’énergie des particuliers et des entreprises, et à la réorientation des sources d’approvisionnement. 

Trop pessimiste en fin d’année dernière, le climat des affaires a été porté, sur les premiers mois de cette année, par un effet de soulagement et par le net reflux des prix de l’énergie. Pour un certain nombre de secteurs, des effets de rattrapage du niveau d’avant-Covid et des retards de production, à la faveur de la diminution des difficultés d’approvisionnement, sont également à l’œuvre et soutiennent l’activité de manière plus importante qu’anticipé. L’arrêt soudain de la stratégie zéro-Covid de la Chine et la réouverture du pays a aussi créé un appel d’air positif.

La zone euro demeure sur le fil

Cette résistance de la croissance du PIB de la zone euro est une très bonne nouvelle. Néanmoins, le risque de récession ne peut toujours pas être écarté à l’horizon des prochains trimestres, du fait notamment des effets retardés et à venir du resserrement monétaire. Une récession ne constitue certes plus notre scénario central en ce mois d’avril, mais la zone euro demeure sur le fil : après un premier semestre 2023 encore modestement positif, nous avons revu à la baisse nos prévisions de croissance à la suite de l’épisode SVB, ainsi l’activité stagnerait de la mi-2023 au début 2024.

Aux États-Unis, la récession anticipée se fait également attendre. Elle reste néanmoins notre scénario central. Nous l’avons décalée d’un trimestre et légèrement accentuée à la suite de l’épisode de la banque SVB. Elle resterait toutefois de courte durée (du troisième trimestre 2023 au premier trimestre 2024) et d’ampleur limitée (baisse cumulée du PIB de 1%). Des deux côtés de l’Atlantique, le choc provoqué par l’inflation et le resserrement monétaire est amorti par les effets de rattrapage susmentionnés, ainsi que par les mesures de soutien budgétaire, les difficultés de recrutement propices à la rétention de main d’œuvre, et l’urgence et l’ampleur des besoins d’investissements dans la transition énergétique. 

Des incertitudes multiples

Ces « certitudes » s’accompagnent d’une multitude d’incertitudes et de risques baissiers, dont font partie, depuis quelques mois déjà, l’évolution de la guerre en Ukraine et celle de l’inflation et des taux d’intérêt[6]. Plus récemment, aux États-Unis, l’épisode SVB a rappelé le défi posé par l’ampleur du resserrement monétaire et de ses conséquences. Les banques centrales ne cessent d’insister dans leur communication sur leur dépendance aux données. 

Ainsi, l’attention portée par la Réserve fédérale et la BCE à l’inflation sous-jacente, qui tarde à baisser, s’est doublée, plus particulièrement aux États-Unis, d’une surveillance étroite de l’évolution du crédit. Au-delà de l’évolution des conditions de financement de l’économie, à suivre de près, la situation du marché immobilier commercial et, dans une moindre mesure, résidentiel, est également un point d’attention.

[6] Dans la zone euro, s’ajoute le risque concernant l'évolution des prix du gaz. En effet, la reconstitution des stocks pour l'hiver 2023-2024 pourrait conduire à une nouvelle flambée des prix.

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