2023 apparaît charnière à trois égards
L’inflation va-t-elle baisser ou, plus exactement, à quelle vitesse et dans quelle ampleur ? Quand et à quel niveau les banques centrales (Réserve fédérale américaine et Banque centrale européenne en tête) vont-elles arrêter de remonter leurs taux directeurs ? À quel point la croissance va-t-elle continuer de faire preuve de résistance ou sombrer face au cumul des chocs ?
Les économistes emploient rarement le terme « certitude » lorsqu'ils commentent leurs prévisions. Après tout, l'activité économique est si complexe, dynamique et sujette aux imprévus que les projections sont souvent, voire systématiquement, entourées d'un fort degré d'incertitude. Si l’on regarde 2023, la liste des « inconnues connues » est longue. Néanmoins, concernant les États-Unis et la zone euro, il existe aussi des « certitudes », c’est-à-dire des développements dont on pense qu’il est très probable qu’ils se produisent.
(Beaucoup ?) moins d’inflation
La première de ces certitudes est la baisse de l’inflation (ou désinflation). L’inflation devrait, en effet, mécaniquement refluer en 2023, possiblement de manière importante, grâce à la diminution de la contribution des prix de l’énergie et alimentaires. L'atténuation des tensions sur les chaînes d'approvisionnement et la réduction de la demande — qui pèsera sur le pouvoir de fixation des prix des entreprises — devraient également contribuer à faire baisser l'inflation.
Fin du resserrement monétaire
La deuxième certitude est la fin du resserrement monétaire, au sens où nous anticipons que le pic des taux directeurs des banques centrales sera atteint. En 2022, la flambée de l’inflation et un début de hausse des anticipations d’inflation ont justifié la remontée à marche forcée des taux d’intérêt. Le rythme et l'ampleur de la normalisation monétaire ont ainsi été plus rapides que lors des cycles précédents : cela implique que le taux terminal soit aussi atteint plus rapidement. L’ampleur du chemin déjà parcouru fin 2022, les premiers signes de désinflation observés combinés aux craintes de récession permettent aussi d’envisager une fin prochaine du cycle de hausse.
(Beaucoup ?) moins de croissance
Enfin, une récession dans la zone euro semble inévitable, sous le poids des chocs et de la crise énergétique notamment dont on n’a pas encore vu les pleins effets. Nous tablons sur trois trimestres de croissance trimestrielle légèrement négative à partir du quatrième trimestre 2022. Les données d’enquête atteignent déjà, fin 2022, un niveau correspondant à une contraction du PIB. Aux États-Unis, nous nous attendons à une récession d’une même durée et d’ampleur limitée aussi mais à partir du deuxième trimestre 2023 seulement et imputable pour une grande part aux effets retardés du resserrement monétaire. Cette récession se dessine déjà dans la baisse des indicateurs avancés américains. Les mesures de soutien budgétaire, les difficultés de recrutement propices à la rétention de main d’œuvre, l’urgence et l’ampleur des besoins d’investissements dans la transition énergétique sont les principales raisons pour lesquelles nous anticipons, de ce côté de l’Atlantique comme de l’autre, une récession d’ampleur et de durée limitées.
Des incertitudes multiples
Ces « certitudes » s’accompagnent toutefois d’une multitude d’incertitudes et de risques baissiers, au premier rang desquelles l’évolution de la guerre en Ukraine et ses possibles répercussions sur l’économie mondiale. Une autre incertitude concerne l'inflation car les risques continuent d'être orientés à la hausse (effets des hausses passées de prix, dynamique des salaires) et la désinflation pourrait être moins ample que prévu. Si cela devait être le cas, cela rehausserait le point d’arrivée des taux directeurs anticipé par les investisseurs et les banques centrales. Cela pèserait sur les marchés financiers mais aussi sur la confiance des ménages et des entreprises, leur pouvoir d’achat et leurs marges, et donc sur la demande et l’emploi.
Les marchés immobiliers sont un autre point de fragilité. La durée et la profondeur de la récession s’en trouveraient accrues. Les banques centrales doivent gérer un défi de taille : celui de bien calibrer le resserrement monétaire (ni trop, – pour ne pas trop nuire à la croissance – ni trop peu, – pour juguler l’inflation au plus vite). Si dans notre scénario central, nous supposons qu’elles relèvent ce défi, le risque d’erreur est non négligeable. Enfin, dans la zone euro, l'évolution des prix du gaz est un autre facteur de risque important car la reconstitution des stocks pour l'hiver prochain pourrait conduire à une nouvelle flambée des prix.
Les Études Économiques de BNP Paribas
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