Le récent sommet ESG d'Euronext sur le financement de l'économie verte et bleue, qui s’est tenu les 8 et 9 juin derniers, a attiré des intervenants de haut niveau, dont le Secrétaire général de l'ONU, António Gutteres, des représentants de gouvernements, des banquiers centraux et des dirigeants d'entreprises. Le sommet a notamment porté sur la manière dont les banques et les marchés de capitaux peuvent canaliser la finance vers « l'économie bleue » tout en protégeant l'écosystème océanique qui la soutient. Jean Lemierre, Président du Conseil d’administration de BNP Paribas, a pris la parole lors d'une table ronde dédiée à l'innovation financière et aux enjeux de l'investissement vert et bleu.
Préservation versus croissance économique
La plupart des spécialistes s’accordent sur la nécessité de protéger les océans : ils régulent les températures, pilotent les schémas météorologiques et constituent le plus gros stock de carbone. À mesure que la planète se réchauffera, il y aura des évènements météorologiques plus extrêmes, comme la sécheresse, les ouragans ou les inondations, et les populations côtières souffrent déjà de la montée du niveau des mers. Pourtant, les océans représentent aussi une économie de 1,5 milliards de dollars avec 350 millions de personnes employées dans les industries maritimes et côtières - de la pêche à l'aquaculture en passant par le tourisme ou encore l'extraction minière - tandis que des millions d'autres dépendent des océans pour leur subsistance. Les océans nous fournissent aussi de vastes sources d'énergie, historiquement issues du pétrole et du gaz et provenant désormais également de fermes éoliennes (offshore).
Le potentiel des océans, qui couvrent 70 % de la surface terrestre, reste largement inexploité. Les océans peuvent produire plus de nourriture, générer plus d'énergie (renouvelable) et fournir les emplois du futur. L'OCDE estime que pour chaque dollar investi dans l'économie bleue, il y aura cinq dollars de bénéfice. Comme l'a dit le Premier ministre norvégien lors du sommet, « nous n'avons pas à choisir entre la protection et la production ». Mais comment développer l'économie maritime tout en préservant l'environnement océanique ? La coopération internationale, les investissements massifs et l'innovation financière font partie de la réponse.
Les océans constituent le plus grand écosystème du monde
du carbone est stocké dans les océans
du commerce mondial transite sur les océans
c’est la valeur de l'économie océanique mondiale en 2030
de personnes sont employées dans l'économie océanique
durablement dans l'économie océanique rapporte 5 dollars de bénéfice
Des normes et des outils partagés pour plus de transparence
Lors de son intervention, Jean Lemierre a mis en lumière les innovations récentes dans le domaine de la finance durable, telles que les obligations vertes, les obligations bleues et les prêts à caractère durable. Ceux-ci n'en sont qu'à leurs débuts, a-t-il ajouté, tout comme les normes et les outils pour assurer la transparence dont les investisseurs ont besoin afin de comparer et ainsi prendre des décisions éclairées. Il a salué les efforts de l'Union Européenne en faveur d'une taxonomie durable des finances et mis en garde contre une prolifération de normes : « Je me réjouis que les entreprises et les investisseurs américains et asiatiques entrent en jeu. Mais selon quelles règles cela va-t-il se faire ? Mon souhait est que l'avance de l'Europe sur la taxonomie aide à construire une norme mondiale mesurable, comprise, comparable et que nous ne rivalisions pas simplement sur des normes et des standards. »
« En tant que banques, nous savons évaluer le risque et nous devons nous engager dans le programme bleu vert. »
Accélérer les financements verts et bleus
Jean Lemierre a par ailleurs souligné le rôle important que les banques centrales peuvent jouer en achetant des actifs verts et en fournissant leadership et légitimité. Le défi est plus important pour le secteur bancaire au sens large car il faudra travailler davantage pour accélérer le rythme des financements verts et pour que les banques s'assurent - et prouvent - que leurs financements vont dans le bon sens. La relation avec les clients va également changer a ajouté M. Lemierre. « En tant que banques, nous savons évaluer le risque et nous devons nous engager dans le programme bleu vert. Cela signifie que les clients s'engagent publiquement et que les banques sont à l'aise avec leur trajectoire. »
Jean Lemierre a enfin évoqué le risque de hausse des prix des actifs ; il a appelé les secteurs de la banque et de la gestion d'actifs à adopter une approche mesurée et à « travailler de manière ordonnée au développement d'actifs sous-jacents solides plutôt qu'à la collecte d'argent ». Aujourd'hui, l'offre d'actifs bleus est bien inférieure à la demande et ce déséquilibre « n’est pas sans risque a ajouté », a ajouté M. Lemierre, appelant à une certaine discipline dans la communauté des investisseurs. "Je partage le sentiment d'impatience que beaucoup ressentent. Nous devons avancer rapidement, mais étape par étape. Nous devons également travailler ensemble, laisser jouer la concurrence en termes d'innovation et de rapidité mais pas au détriment de la qualité."
Nous devons travailler ensemble, laisser jouer la concurrence en termes d'innovation et de rapidité mais pas au détriment de la qualité.
Les engagements de notre Groupe en faveur de l'économie bleueLe Groupe travaille depuis longtemps sur des solutions de financement durable en matière d'économie maritime (14e Objectif de Développement Durable des Nations Unies). Récemment, BNP Paribas a publié une position dédiée à la protection des océans, tout en prenant des mesures concrètes: |
- La ratification des Principes de Poseidon en 2020 pour des normes communes de reporting vers un financement responsable des navires.
Photo credit : Aleh Varanischcha