Vers une « Europe du paiement » forte et indépendante
En Europe, les 2 géants américains VISA et Mastercard représentent à eux seuls 3 500 milliards de dollars de volume de paiement . À cela, il faut ajouter la popularité grandissante des solutions de paiement mobiles internationales, américaines et chinoises notamment : Apple Pay, Samsung Pay, Alipay, WeChat Pay, UnionPay, etc.
Dans un contexte de tensions commerciales accrues, alors que la crise sanitaire a rappelé l’importance de réduire sa dépendance aux acteurs étrangers autour des secteurs économiques stratégiques, il est par conséquent impératif de penser une « Europe du paiement ».
À la clé : une indépendance plus forte vis-à-vis des lois et juridictions extra-européennes et par extension une protection du marché, des consommateurs et des commerçants européens. Dépendre de solutions entièrement contrôlées par des entreprises étrangères, c’est subir leurs choix en matière de protection des données, de sécurité des paiements ou encore d’utilisation de la biométrie.
Un système de paiement 100 % européen
Les banques européennes se mobilisent pour proposer aux consommateurs et commerçants européens un nouveau standard de paiement. Ce système 100 % européen, annoncé pour 2022, couvrira tous les types de transactions, partout en Europe : paiement en magasin, paiement en ligne, retraits d'espèces, paiements entre particuliers en France ou partout en Europe.
Une solution globale et innovante pour concurrencer les grands acteurs du monde de la tech – les GAFA notamment –, en séduisant les consommateurs européens qui commencent à délaisser leurs cartes de paiement pour leurs smartphones et qui favorisent de plus en plus les applications de virement entre particuliers. Le projet EPI, en effet, se fixe également pour objectif de faire de l’Europe un acteur de l’innovation dans le domaine des paiements.
Le projet, qui reste une initiative privée, est soutenu par la Banque Centrale Européenne qui salue un moyen de réduire la fragmentation du marché des paiements en Europe, mais aussi de restaurer la souveraineté des paiements.
Un lancement programmé pour 2022 en Europe
EPI représente un défi de taille puisqu’il faudra piloter des migrations technologiques importantes, changer la carte bancaire de 400 millions de consommateurs et fédérer toutes les parties prenantes. À ce jour, une dizaine de pays en Europe possède déjà un système national (dont la France, l’Allemagne, l’Italie, les Pays-Bas, l’Espagne…) : il leur faudra abandonner certaines infrastructures de paiement dématérialisées existantes. Bien sûr, certains éléments de ces infrastructures seront conservés : les banques impliquées dans cette initiative sont en train de convenir d’une base technique commune. Le coût du projet s’élève à quelques milliards d’euros. L’objectif : rebattre les cartes pour faire émerger une souveraineté des paiements européenne.
3 questions à Thierry Laborde, Directeur Général Adjoint de BNP Paribas
On entend souvent dire qu’EPI va permettre à l’Europe de préserver sa souveraineté. Est-ce important pour vous ?
Je préfère le terme d’indépendance : la souveraineté pourrait être associée au repli sur soi, ce qui ne correspond pas du tout à notre vision. Pour les commerçants, EPI appliquera des taux de commission très compétitifs et permettra des paiements rapides puisque sa solution va s’appuyer sur le très performant système de virement instantané européen, déjà opérationnel depuis 2 ans. Le particulier, lui, disposera de deux solutions : une carte européenne de paiement (carte physique ou carte digitalisée sur le smartphone) ou une solution digitale à travers un portefeuille électronique via smartphone pour le virement entre particuliers ou le paiement sur internet. Enfin, l’arrivée d’un troisième acteur de poids, aux côtés de VISA et Mastercard, stimulera la concurrence. Au bénéfice des consommateurs et commerçants.
« Pour les commerçants, EPI appliquera des taux de commission très compétitifs... »
La solution EPI va-t-elle accélérer la disparition du cash ?
Le cash n’est pas mort en Europe. Il est notamment très utilisé en Allemagne et en Italie. Et, il représente encore en France 50% des transactions. Notre objectif est d’offrir au consommateur le choix dans ses moyens de paiement et d’accompagner l’évolution des usages. En effet, depuis le début de la crise sanitaire, les retraits d’argent aux distributeurs ont baissé et le paiement sans contact a connu une forte croissance.
« Le cash n’est pas mort en Europe. »
Sur quels atouts mise EPI pour réussir ?
Sur le plan technique, la performante infrastructure européenne de virement instantané est un atout fort. Au niveau de l’offre, l’innovation sera essentielle : nous voulons rassembler dans une solution commune le meilleur de ce qui existe partout, mais aussi accompagner les nouveaux usages, et innover.
« Au niveau de l’offre, l’innovation sera essentielle.... »