Quand l’investissement solidaire a-t-il commencé à décoller ?
Le développement de l’investissement solidaire repose en partie sur une
réglementation favorable. En France en particulier, les plans
d’épargne-retraite collectifs (depuis 2001) et les plans d'épargne
entreprise (depuis 2010) ont l’obligation de proposer au moins un fonds
solidaire, c’est-à-dire qui soutient financièrement les acteurs et les
structures du secteur de l’économie sociale et solidaire (ESS). Nous
avons transformé une obligation légale en démarche proactive. C’est en
partie dû à notre historique de gérant d’épargne salariale, celle-ci
étant le premier financeur solidaire. Attention, nous faisons bien de
l’investissement et non pas de la philanthropie : l’épargnant doit
récupérer l’argent investi.
Comment se caractérise un fonds solidaire ?
La plupart du temps, cet investissement prend la forme de fonds « 90/10 » dans lesquels 5 % à 10 % des encours sont investis en dette ou en capital auprès d’associations et d’entreprises à fort impact social, pour les aider à se développer. Les 90 % restants sont des actifs classiques. Pour s’assurer de délivrer à nos clients des retours sur investissements durables, nous privilégions les structures matures avec au moins trois à cinq ans d’existence et ayant atteint un équilibre économique. Aujourd’hui, BNP Paribas Asset Management gère 13 fonds solidaires pour un encours de 2,8 milliards d’euros, dont 148 millions d’euros investis dans des structures couvrant des domaines comme l’accès à l’emploi et au logement, l’égalité des chances ou encore l’accès à la santé et le maintien de l’autonomie.
L’idée est d’identifier les problèmes sociaux et environnementaux – le chômage, la précarité, le mal logement, le réchauffement climatique – et de se dire que des solutions existent; la finance solidaire est là pour en accélérer le développement.
L’impact social d’un investissement, ça se mesure comment ?
C’est la grande question de la finance à impact ! Il s’agit de mesurer les changements générés auprès des bénéficiaires grâce aux actions menées. Fini le temps où raconter une belle histoire suffisait : les clients, les investisseurs et les régulateurs attendent une démonstration de l’impact positif promis. Si la finance solidaire fait figure de pionnière en mesure d’impact social, c’est qu’elle implique une méthodologie d’analyse tout au long de son processus d’investissement : en amont, pour la sélection des investissements, et en aval, pour mesurer et rendre compte de la performance sociale réalisée. Celle-ci doit être aussi exigeante que l’analyse financière classique.
En 2015, aux côtés du cabinet spécialisé KIMSO, nous avons d’ailleurs développé une méthodologie de mesure d’impact qui permet de définir avec nos partenaires solidaires des grilles précises d’indicateurs suivies tout au long de la durée de vie de l’investissement, afin de quantifier et de suivre concrètement ses impacts. Nous pensons en effet qu’il est primordial de conserver une analyse qualitative et contextualisée, mettant en parallèle les fragilités des bénéficiaires visés et l’efficacité des solutions apportées.
Cela semble être un sacré défi...
Si la finance solidaire fait figure de pionnière en mesure d’impact social, c’est qu’elle implique une méthodologie d’analyse tout au long de son processus d’investissement.
C’est en effet très complexe puisque nous sommes sur des sujets extrêmement difficiles à quantifier – comment mesurer le recul de la perte d’autonomie d’une personne âgée par exemple ? – et qu’on ne peut pas calculer instantanément. Il faut d’ailleurs réussir à faire comprendre aux épargnants que cela prend du temps.
Vous créez un vrai lien avec les entreprises accompagnées ?
C’est l’un des aspects passionnants de ce domaine. Les équipes rencontrent les entrepreneurs, analysent les missions et choisissent quels projets seront financés. Ensuite nous les accompagnons dans leur création de valeur.
On a beaucoup lu que l’ESS avait bien résisté à la crise sanitaire. Est-ce vrai ?
La crise liée à la Covid-19 a accentué toutes les inégalités sociales et, en même temps, a contribué à les mettre en lumière. Elle a rappelé la nécessité de poursuivre les efforts aux côtés des investisseurs et partenaires solidaires. Pour répondre à votre question, oui l’ESS a résisté et, en même temps, elle n’a fait que remplir sa mission. Les valeurs solidaires sont des valeurs stables, qui suscitent l’intérêt croissant des épargnants. La recherche de sens et d’impact positif fait son chemin dans la finance, en France comme dans le reste du monde.