En quoi consiste votre activité au sein de la Direction RSE Groupe ?
Virginie Leroux : Au sein de la Direction RSE du Groupe, rattachée à la Direction de l’Engagement d’entreprise, notre équipe est dédiée à la gestion des relations avec les ONG dites « de plaidoyer » ou « activistes », c’est-à-dire les ONG qui ont une activité militante. Elles sont très différentes, par leurs objectifs et moyens d’action, des ONG spécialisées dans l’action humanitaire, la philanthropie ou la recherche scientifique et avec lesquelles le Groupe peut monter des partenariats. En effet, les ONG de plaidoyer se placent d’emblée dans une perspective critique : leur objectif est de sensibiliser le grand public aux causes qu’elles défendent telles que la lutte contre le réchauffement climatique ou la défense de la biodiversité, et d’interpeller les entreprises sur leurs pratiques lorsqu’elles les jugent préjudiciables.
Ainsi, lorsqu’une ONG estime qu’une entreprise a des impacts sociaux ou environnementaux négatifs, elle cherche à inciter les institutions financières à faire pression sur celle-ci en mettant un terme à leur financements et investissements. Plus largement, les ONG ont bien compris le rôle décisif des financements pour accélérer la transition de l’économie et orienter les choix technologiques. Elles font donc pression sur les banques pour qu’elles adoptent des politiques de financement et d’investissement toujours plus vertueuses.
Avec quels types d’ONG dialoguez-vous ?
Amélie Malafosse : L’univers des ONG de plaidoyer est un écosystème très riche, avec des profils très variés. Il peut s’agir d’ONG locales, nationales ou internationales, d’ONG de coalitions regroupant de quelques dizaines à plusieurs centaines d’ONG autour d’une problématique donnée, d’un secteur d’activité ou encore autour de thématiques très précises comme les émissions obligataires dans le secteur pétro-gazier. Ces ONG peuvent également être spécialisées par biome – comme les forêts tropicales, par thématique, par région, ou encore avoir une approche généraliste. Certaines ont une taille et des moyens limités, tandis que d’autres ont une envergure internationale comme WWF ou Greenpeace, et disposent de ressources humaines et financières importantes.
Certaines sont très politisées et très critiques quant au modèle économique dominant, d’autres ont un prisme scientifique et technique, d’autres encore sont des ONG de juristes spécialistes des actions en justice. Notons que les ONG travaillent en réseau, le jeu des coalitions permettant un effet démultiplicateur de leurs actions. L’impact d’une controverse n’est donc pas nécessairement corrélé à la taille de l’ONG qui en est à l’origine. Quoi qu’il en soit, nous acceptons le dialogue et le débat avec toutes, quels que soient leur profil, leur taille ou leur ambition. A chacune de définir le type de relations qu’elle souhaite avoir avec nous.
nous acceptons le dialogue et le débat avec toutes les ONG, quels que soient leur profil, leur taille ou leur ambition. A chacune de définir le type de relations qu’elle souhaite avoir avec nous.
Concrètement, comment agissent ces ONG de plaidoyer ?
V. L. : Leurs actions reposent en grande partie sur le besoin, pour les banques, de protéger leur réputation. Elles utilisent donc tout un éventail de moyens tels que des campagnes de communication et de sensibilisation auprès du grand public, le plaidoyer auprès des décideurs, la critique qu’elles portent auprès des médias ou encore la publication de rapports sur les institutions financières (banques, gestionnaires d’actifs, assureurs) et leurs clients. Elles jouent par ailleurs sur l’émulation en publiant des classements qui notent les engagements et les politiques sectorielles des institutions financières, mettent en lumière les meilleures pratiques et dénoncent les moins bonnes.
L’autre partie moins visible de leur activité est le dialogue qu’elles mènent avec les entreprises et les institutions financières qui y sont ouvertes. C’est notre cas : l’équipe Dialogue avec les ONG de BNP Paribas ne laisse aucune sollicitation sans réponse. Ainsi, les ONG nous contactent tout au long de l’année pour nous poser des questions au sujet du respect de nos engagements, de nos politiques sectorielles, ou pour nous interroger sur des clients ou des transactions spécifiques. Selon le cas, nous nous efforçons d’abord de bien comprendre le sujet et ses enjeux, puis travaillons étroitement avec les différents métiers de la banque avant de rencontrer l’ONG ou de lui fournir une réponse écrite. Et il arrive aussi que nous les contactions proactivement pour mieux comprendre un sujet et bénéficier de leur expertise, ou encore pour leur faire part de nos nouveaux engagements.
Comment travaillez-vous avec les ONG sur les rapports qu’elles publient ?
A. M. : Au quotidien, une grande partie de nos échanges avec les ONG de plaidoyer concerne la préparation de leurs rapports. En amont de la publication, les ONG les plus consciencieuses nous informent de leurs axes de travail et de leur projet de rapport. Lorsqu’elles utilisent des données chiffrées, certaines ONG nous partagent le détail des transactions qu’elles ont identifiées, afin que nous puissions, a minima, les consulter et signaler d’éventuelles erreurs, ce qui est aussi dans leur intérêt pour asseoir le sérieux de leur analyse. Si leur rapport ne concerne pas de montants de financements, mais une analyse qualitative de nos politiques sectorielles, les ONG nous demandent de compléter des questionnaires détaillés. Y répondre et vérifier les données est très chronophage, mais c’est un véritable investissement qui a fait ses preuves : cela nous donne l’opportunité de commenter les travaux des ONG, de nous assurer qu’elles ne sont pas passées à côté d’une information importante, de compléter leurs analyses et in fine de nous assurer que BNP Paribas est justement noté ou évalué.
Les ONG sont d’ailleurs très preneuses de notre relecture et des compléments d’information que nous pouvons leur apporter, car elles ont des ressources humaines limitées à consacrer à ces rapports. Nous sommes la plupart du temps en désaccord avec les méthodologies utilisées, mais globalement, le débat et la transparence sont propices à un dialogue de qualité tout au long de l’année.
Pouvez-vous nous donner des exemples de sujets que vous abordez avec les ONG ?
V. L. : Nous échangeons beaucoup avec les ONG de plaidoyer sur les moyens de réaliser la transition vers une économie bas-carbone. Ainsi, à titre d’exemple, les besoins en métaux sont immenses, car ils sont utilisés pour les batteries automobiles, les réseaux électriques ou encore les parcs éoliens. Mais il faut en passer par l’extraction et donc par l’exploitation minière, qui a un coût en termes de biodiversité et de nuisance pour les populations, et qui présente des risques de violations des droits humains dans certains pays riches en minerais. Nous débattons des arbitrages qu’il convient de faire, notamment autour des problématiques d’acceptabilité.
Un autre exemple intéressant concerne les énergies renouvelables : nous sommes tous d’accord sur le fait qu’il faut accélérer leur financement et massifier leur déploiement. Mais cela soulève de nombreuses problématiques, notamment liées à leur emprise foncière, à la provenance des panneaux solaires ou à leur recyclabilité. La question est donc de savoir où et à quelles conditions nous devons financer ces projets indispensables pour lutter contre le réchauffement climatique.