Choc de la crise sanitaire: les autorités européennes ont-elles réagi assez vite ?
La brutalité de la Covid-19 a provoqué une forte réaction des politiques budgétaires en Europe et en zone euro, au niveau national comme supranational. Les Etats membres ont réagi rapidement, et dans des ampleurs conséquentes, en activant le levier budgétaire. La réponse des Etats membres avait pour objectif de limiter le risque de faillites d’entreprises et de hausse des licenciements, afin d’atténuer le choc et d’assurer une reprise vigoureuse. Les gouvernements sont intervenus par le biais de différents instruments : recours massif aux dispositifs d’activité partielle, reports de cotisations sociales pour les entreprises, prêts garantis par l’Etat, etc. Ces interventions vont conduire à une dégradation sensible des finances publiques des différents pays en 2020. Au niveau agrégé, selon les dernières projections du Fonds monétaire international, le déficit public de la zone euro atteindrait un niveau record de 10,1% du PIB en 2020 et la dette publique dépasserait pour la première fois de son histoire le seuil des 100% du PIB, à 101,1%. Les risques liés à cette augmentation sont toutefois limités, au moins à court terme, par l’intervention massive de la Banque centrale européenne (BCE), qui permet de maintenir les taux d’intérêt à des niveaux très bas.
A court terme, le rééquilibrage des finances publiques n’est pas la priorité
La détérioration des finances publiques dans tous les pays européens semble être acceptée. L’intervention massive des administrations publiques est nécessaire pour absorber, en partie, le choc de la Covid-19 et la question de la réduction des déficits et de la dette publique semble être repoussée sin die. Par le passé, en particulier lors de la crise des dettes souveraines, les Etats membres ont trop rapidement resserré leur politique budgétaire en pratiquant des politiques d’austérité, ce qui a entravé la reprise économique.. La réaction des autorités européennes dans la crise actuelle marque à ce titre une évolution certaine. Les règles budgétaires ont été assouplies, notamment celles concernant les limites de 3% du PIB de déficit public et celle de 60% du PIB pour la dette publique. Cette plus grande flexibilité a permis de faire face au retournement économique provoqué par la pandémie. Des instruments additionnels ont par la suite été approuvés par le Conseil européen (réunissant les dirigeants des 27 Etats membres de l’UE). Une assistance financière, sous forme de prêts de l’UE vers les Etats membres, a en particulier été mise en place pour faire face au recours accru aux dispositifs d’activité partielle.
Le Fonds de relance européen : une avancée majeure contre la crise sanitaire ? Et pour l’Europe ?
L’Europe a su pendant cette crise dépasser certains de ses tabous. Bien qu’imparfait, l’accord trouvé autour d’un plan de relance européen constitue une avancée majeure. Ce plan sera financé par des emprunts contractés au niveau de l’UE et, en plus de prêts accordés aux Etats membres (à hauteur de 360 Mds EUR), intégrera des subventions (390 Mds EUR), ce qui était encore impensable il y a seulement quelques mois. Pour la zone euro, cela implique que la lutte contre la crise ne relève plus de la seule compétence de la BCE (au-delà bien sûr des soutiens au niveau national) mais également de la politique budgétaire à l’échelle communautaire. Le déploiement de ce plan de relance et le ciblage des subventions au profit des pays qui en ont le plus besoin devraient soutenir la confiance et améliorer l’efficacité de la politique monétaire. Les priorités du plan de relance sont claires.
Afin de pouvoir bénéficier des prêts et des subventions de ce programme européen, les plans de relance des pays membres devront mettre l’accent sur le renforcement du potentiel de croissance et de l’emploi, et contribuer à la transition verte et numérique. La mise en œuvre effective du plan n’est pas si simple et des sujets de discorde existent, comme celui relatif à la levée de ressources fiscales propres par l’Union européenne en vue de rembourser les subventions accordées.
La réponse française « France relance » sera-t-elle de taille face à la Covid-19 ?
Dans son projet de loi de finances pour 2021, le gouvernement français prévoit un déficit budgétaire de 10,2% du PIB en 2020 et de 6,7% en 2021. Le ratio de dette publique est attendu en hausse de près de 20 points, à 117,5% du PIB en 2020 avant de refluer légèrement à 116,2% en 2021. La difficulté de ce budget 2021 ne réside pas dans la tenue des objectifs budgétaires mais dans son efficacité à amortir la crise et soutenir la reprise. Plus exactement, les mesures d’urgence prises au printemps (et étendues cet automne) ont amorti efficacement le choc du confinement : le débat porte sur l’ampleur et la rapidité des effets positifs que l’on peut en attendre du plan de relance.
Ce plan, baptisé France Relance, repose sur trois piliers : l’écologie, la compétitivité et la cohésion, bénéficiant chacun d’environ un tiers de l’enveloppe globale (EUR 100 mds d’euros sur 2020-2022). Le plan mélange des mesures d’offre et de demande, l’accent plus important mis sur les premières étant pour partie apparent car certaines mesures (comme le chômage partiel et la rénovation énergétique) relèvent des deux catégories. Sur la période 2021-2022, le surcroît de croissance de 1 point estimé par le gouvernement proviendrait pour près de 75% du volet demande. Les mesures d’offre prendraient ensuite le relais et ajouteraient également, à long terme, environ 1 point à la croissance.
Prévisions du gouvernement pour 2021
Prévision de croissance
Progression de l'investissement des entreprises+6%
Consommation des ménages
Ce qu’il faut retenir aussi de la prévision de croissance de 8% en 2021 du gouvernement (après -10% en 2020), c’est, d’un côté, la progression particulièrement vigoureuse de l’investissement des entreprises (+15% après -15%) et, de l’autre, celle plus modérée de la consommation des ménages (+6% après -8%). La première est soutenue par le fort redressement attendu du taux de marge des entreprises, lui-même soutenu par la baisse de EUR 10 mds des impôts de production. La seconde vient de la persistance des incertitudes sur le front sanitaire et du marché du travail qui limite le dégonflement de l’épargne forcée, accumulée pendant le confinement. Le taux d’épargne des ménages ne reperdrait que 3 des 6 points gagnés en 2020. La recrudescence de l’épidémie de Covid-19 et le nouveau confinement annoncé jusqu’au 1er décembre au moins font toutefois peser d’importants risques baissiers sur ce scénario et les prévisions budgétaires.
Louis Boisset, Hélène Baudchon