Chaque année se tient ce que l’on appelle une Conférence des Parties, ou COP, qui réunit les dirigeants de pays du monde entier autour de questions liées au changement climatique au sens large, notamment le Net Zéro. Cette année, pour sa 26e édition, les dirigeants feront le point sur les performances de leur pays et prendront des décisions pour les prochaines étapes.
Nous avons demandé à Emmanuelle Aubertel, Responsable conseil stratégique en ESG chez BNP Paribas Global Markets, de nous expliquer ce qu’est le Net Zéro, un thème qui sera au cœur de la conférence.
Le Net Zéro est devenu une expression à la mode, mais pourquoi parle-t-on de « Net Zéro » ?
Emmanuelle Aubertel : En réalité, il ne s’agit pas du tout d’un effet de mode. Nous constatons déjà malheureusement chaque jour l’impact du changement climatique : nombre croissant de feux de forêt, inondations spectaculaires, tempêtes. Pour éviter l’enchainement des catastrophes, les scientifiques préconisent une limitation du réchauffement de la planète à 1,5 degré au-dessus des niveaux préindustriels avant la fin du siècle. Pour ce faire, les émissions de CO2 doivent être réduites à Net Zéro à l’échelle mondiale à l’horizon 2050.
Que signifie exactement « atteindre le Net Zéro » ?
EA : Le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) — organe international regroupant des centaines d’éminents scientifiques chargés d’évaluer l’état des connaissances scientifiques sur le changement climatique — en a donné une définition claire : « Les émissions nettes de CO2 égales à zéro [correspondent à la] situation dans laquelle les émissions anthropiques [c.-à-d. causées par les activités humaines] sont compensées [...] par les éliminations anthropiques de CO2 au cours d’une période donnée. » Le rôle du GIEC est de remettre aux décideurs politiques des évaluations régulières de l’état des connaissances scientifiques sur les changements climatiques. C’est en outre sur ces évaluations que s’appuient les négociations de la conférence des Nations unies sur le climat.
Pour atteindre le « Net Zéro », nous avons deux axes d’action :
- réduire le plus possible nos émissions et
- éliminer de l’atmosphère celles que nous ne pouvons pas réduire.
À la différence d’un objectif zéro absolu, un objectif d’émissions nettes égales à zéro paraît plus réaliste pour certains, car il s’agit non seulement de réduire les émissions, mais aussi de récupérer des émissions grâce à de nouvelles technologies émergentes qui capturent et stockent le carbone sous terre ou par le biais de mécanismes naturels agissant comme des puits de carbone naturels (par exemple, via le reboisement ou le développement de zones humides).
À la différence d’un objectif zéro absolu, un objectif d’émissions nettes égales à zéro paraît plus réaliste pour certains
Pourquoi est-il urgent d’agir ?
EA : Il ne faut pas tarder pour trois raisons :
- il ne nous reste que 30 ans pour atteindre l’objectif zéro émission. Avec des mesures immédiates, nous aurions plus de chances de ne pas dépasser 1,5 degré de réchauffement d’ici la fin du siècle ;
- le moindre réchauffement supplémentaire compte : le CO2 émis aujourd’hui restera un siècle dans l’atmosphère, s’ajoutant à notre budget carbone mondial ;
- pour atteindre le Net Zéro, il nous faut transformer entièrement le système énergétique mondial. Le défi est énorme en raison de l’inertie naturelle de nos systèmes énergétiques et économiques existants, du cycle d’investissement et de notre mode de vie actuel.
Qui est en mesure de faire bouger les choses ?
EA : Un certain nombre de pays se sont déjà engagés à atteindre la neutralité carbone à l’horizon 2050, notamment les pays de l’UE, les États-Unis, le Royaume-Uni, le Japon, etc. Cela a également été la grande priorité du sommet du G7 en juin dernier.
Mais les États ne sont pas les seuls à prendre des mesures. Le secteur privé s’est également engagé dans une démarche de neutralité carbone, car cela devient un impératif tant pour les entreprises que pour les institutions.
Ces dernières années, le secteur financier a pris de nombreux engagements : la « Net-Zero Asset Owner Alliance », la « Net-Zero Asset Manager Alliance » et plus récemment, la « Net-Zero Banking Alliance » et la « Net-Zero Insurers Alliance ». À travers ces coalitions, les investisseurs s’engagent publiquement à décarboner et à faire évoluer leurs portefeuilles, ce qui par ricochet envoie des signaux forts aux entreprises, les incitant à s’engager davantage dans la transition vers une économie à faibles émissions de CO2.
L’engagement de neutralité carbone et la définition d’objectifs intermédiaires en conséquence ont de plus en plus d’impacts directs sur les stratégies d’entreprise et les choix d’investissement. La transition vers le Net Zéro est à la fois une question de gestion des risques climat et d’opportunités à saisir. Selon l’Agence internationale de l’énergie (AIE), pour atteindre des émissions nettes de CO2 égales à zéro à l’horizon 2050, l’investissement mondial annuel dans les énergies propres devra plus que tripler d’ici 2030 pour atteindre environ 4000 milliards de dollars.
Quel rôle joue BNP Paribas Global Markets ?
EA : Chez BNP Paribas, nous avons pour objectif d’accompagner nos clients dans leur transition à travers un dialogue approfondi et privilégié, des conseils stratégiques et la conception de solutions sur mesure.
Nous aidons nos clients institutionnels à décarboner progressivement leurs portefeuilles (par exemple, nous avons créé un grand nombre d’indices bas carbone). Quant à nos clients entreprises, nous les aidons à promouvoir leurs engagements Net Zéro et à les inscrire dans leur stratégie à travers des solutions de financement et de couverture liées à l’atteinte d’objectifs climatiques et à l’obtention de retombées positives.
Et pour nos clients qui ont déjà réduit leurs émissions, mais qui souhaitent aller encore plus loin en matière d’émissions résiduelles - soit pour des raisons de conformité, soit de manière volontaire - nous sommes en mesure de les soutenir avec une très solide expertise sur les marchés du carbone. Nous intervenons tout au long de la chaîne de valeur du carbone, sur les marchés réglementés comme le Système communautaire d’échange de quotas d’émission ou son équivalent californien aux États-Unis, ainsi que sur les nouveaux marchés de compensation volontaire du carbone.