À peine sortie des aléas liés au contexte sanitaire, l’Europe s’est trouvée confrontée, avec la guerre en Ukraine, à une crise géopolitique aux lourdes conséquences économiques. Que retenez-vous de l’année écoulée ?
William De Vijlder : Même si, depuis 2020, les années inédites ont une fâcheuse tendance à se succéder, 2022 reste une année de chocs majeurs, avec le grand retour de l’inflation et du resserrement monétaire. La poussée inflationniste, amplifiée par le conflit en Ukraine, s’est installée dans la durée et la hausse exponentielle des coûts de l’énergie et de l’alimentation a lourdement pesé sur les entreprises et les ménages. À la suite des relèvements de taux décidés par les banques centrales, l’inflation s’est accompagnée d’un resserrement monétaire. Je retire deux enseignements de ce chapitre sans précédent : notre monde s’est considérablement complexifié et la microéconomie a pris la relève de la macroéconomie. Les entreprises et les ménages s’adaptent en temps réel aux hausses de prix, les premières en réduisant leurs marges et/ou en augmentant leurs prix ; les seconds en adaptant leur consommation, en consommant différemment. Il faut désormais tenir compte de ces éléments granulaires importants. Et le fait que nous disposions moins facilement de ces données micro que des données macro complique l’analyse globale.
Peut-on s’attendre à un retour à la normale de la situation économique d’ici à la fin de 2023 ?
William De Vijlder : L’intensité des deux chocs – inflationniste et monétaire – s’atténue progressivement, mais la normalisation interviendra plutôt en 2024. 2023 est une année de transition. Le premier semestre est placé sous le signe d’un début de désinflation, dont le rythme conditionne celui de la reprise de la demande par le biais du pouvoir d’achat des ménages. Concernant la politique monétaire, nous atteindrons probablement vers les mois d’été le pic des taux officiels, mais une baisse devrait intervenir seulement en 2024. Toutefois, la croissance des économies occidentales, et donc également dans la zone euro, demeurera atone sur l’ensemble de l’année.
C’est le nombre d’augmentations successives des taux d’intérêt en zone euro entre juillet 2022 et mars 2023.
Une hausse cumulée inédite
de 350 points de base.
« En 2023, la locomotive du rebond de l’activité, c’est la transition écologique. »
Pouvons-nous néanmoins être confiants pour l’avenir ?
William De Vijlder : Nous devrions déjà entrevoir un retour progressif à la normale dans le courant du second semestre 2023, avec une accentuation de la baisse de l’inflation qui devrait permettre en 2024 des assouplissements monétaires et un retour de la croissance. Il faut par ailleurs souligner que, face aux chocs qui se sont succédé depuis 2020, nos économies ont su se montrer résilientes. En outre, nous avons, en Asie, aux États-Unis et en Europe, quelques indicateurs encourageants. La nouvelle approche des autorités chinoises de la gestion de la crise du Covid 19 améliore les perspectives économiques du pays pour 2023. La confiance des entreprises qui exportent vers ce pays en bénéficie également. Aux États-Unis et en Europe, l’épargne des ménages accumulée pendant la pandémie, la qualité des bilans des entreprises privées, le soutien des gouvernements et les comportements de rétention de main d’œuvre nous préservent du retour d’un niveau élevé de chômage.
L’accélération de la transition écologique a-t-elle un impact positif sur la reprise économique ?
William De Vijlder : Tout à fait. Lors des crises précédentes, en tant qu’économistes, nous nous demandions toujours quel secteur pouvait être le moteur du rebond de l’activité. En 2023, nous connaissons déjà la réponse : la locomotive, c’est la transition écologique(Ce lien s'ouvre dans un nouvel onglet) ! L’Europe, qui a pris pleinement conscience, avec la guerre, de l’urgence de s’affranchir de sa dépendance aux énergies fossiles, multiplie les avancées concrètes, avec, notamment, le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières. Les entreprises, et dans une moindre mesure les ménages, investissent avec le soutien des pouvoirs publics : une dynamique fructueuse pour les acteurs économiques et les marchés financiers.
Milliards de dollars US
C’est le total des investissements mondiaux dans la transition écologique en 2022. Un montant supérieur pour la première fois à
1 000 milliards de dollars US.
Source : fondation Bloomberg New Energy Finance, BNEF.
Risques
- La persistance des difficultés pour certains acteurs économiques, ménages et entreprises, touchés de manière décalée par les effets cumulés de l’inflation et de la hausse des taux d’intérêt, en particulier les entreprises fortement consommatrices d’énergie.
- Un ralentissement de l’inflation plus lent que prévu.
- Un environnement structurellement incertain, avec le risque de nouveaux chocs, à l’instar du séisme en Turquie et en Syrie, qualifié par l’Organisation mondiale de la santé de « pire désastre naturel en un siècle » pour l’Europe.
Opportunités
- Une forte augmentation des besoins de financement des entreprises et des ménages dès 2024.
- Un contexte plus porteur pour les investisseurs du fait de la baisse escomptée des taux d’intérêt à partir de 2024.
- Le dynamisme attendu des marchés financiers pour toute l’année 2024.
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