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Impact de la crise de la Covid-19 et perspectives économiques en zone euro

Louis Boisset
Louis Boisset
Economiste
Publié le 09.06.2020

La pandémie de la Covid-19 constitue un choc massif, qui fera entrer cette année l’économie mondiale dans une récession plus profonde que celle enregistrée lors de la crise de 2009. Que peut-on alors anticiper pour l’année 2020 ?

Choc économique massif

Le Produit Intérieur Brut (PIB) mondial devrait se contracter de 3% selon les dernières prévisions du Fonds Monétaire International (FMI). L’immense majorité des régions du Monde sera durement affectée, et l’économie de la zone euro ne fera pas exception. Selon le FMI, le PIB de la zone enregistrerait une baisse historique de 7,5% en 2020 (contre un repli de 4,5% en 2009).

Le choc économique provoqué par la pandémie transite par trois différents canaux :

  1. le canal de l’offre, par le biais des fermetures d’usines et d’une pénurie de travailleurs qui ne se rendent plus sur leur lieu de travail,
  2. le canal de la demande, les mesures de confinement prises dans les différents pays européens et la fermeture de nombreux magasins contraignant mécaniquement la consommation des ménages et,
  3. le canal de l’incertitude, qui concerne en particulier la durée des mesures de confinement, le dynamisme de la demande anticipée et l’efficacité des politiques de soutien à l’activité.

Ces interrogations freineraient l’investissement des entreprises et conduiraient à la formation d’une épargne de précaution du côté des ménages. Selon certaines estimations, les mesures de confinement entraîneraient globalement une perte d’activité de l’ordre de 30% (cette estimation peut varier selon le pays) par rapport à une situation normale (sans confinement).

Les indicateurs et données économiques les plus récents nous donnent de premières indications sur l’ampleur des conséquences économiques provoquées par le choc pandémique. La crise actuelle et les mesures sanitaires posent des difficultés pour la production de statistiques, il convient donc de rester prudent à ce stade sur leur interprétation. Au 1er trimestre 2020, le PIB de la zone euro a diminué de -3,8% par rapport au 4e trimestre 2019 (variations trimestrielles). Bien que la comparaison des performances économiques entre les pays membres de la zone euro reste difficile, l’Allemagne semble, pour l’heure, mieux résister que ces grands voisins européens. Le PIB allemand a baissé de 2,2% au T1 2020 contre, par exemple, -5,3% en France et -5,3% en Italie.

Rebond  économique incertain au second semestre

Au 2e trimestre, la situation économique en zone euro devrait être nettement plus dégradée, les mesures de confinement ayant concerné une partie plus importante de ce trimestre. Les indicateurs avancés de l’activité dont nous disposons renvoient un signal particulièrement négatif. Ces indicateurs nous offrent de l’information statistique plus en amont sur l’évolution de l’activité. Parmi les plus communément utilisés, on retrouve l’indice des directeurs d’achats (ou Purchasing Managers Index, PMI). Cette enquête, réalisée auprès de chefs d’entreprises, offre une image fidèle de la santé économique des différents secteurs d’activité (manufacturier, services marchands et construction) et est bien corrélée avec la croissance trimestrielle du PIB de la zone euro. Ainsi, l’indice PMI pour le secteur des services a atteint son niveau le plus bas au mois d’avril 2020 depuis la création de la zone euro. En mai, la dégradation semble être enrayée mais l’activité demeure particulièrement affaiblie. Le secteur des services marchands, très dépendant de la consommation privée, fait partie des secteurs les plus touchés par la crise actuelle. Les secteurs du commerce de détail, des transports ou de l’hôtellerie-restauration ont en particulier massivement pâti des mesures sanitaires prises pour freiner l’épidémie. Au regard de l’indice PMI, la chute de l’activité manufacturière, bien que moindre, apparaît également très marquée. Par ailleurs, la détérioration de la confiance des consommateurs en avril a également été rapide et massive et pourrait être déterminante pour la reprise économique ces prochains mois.

Au 2nd semestre, le profil du rebond économique en zone euro reste hautement incertain. L’ampleur du rattrapage de l’activité perdue pourrait être moindre qu’anticipé initialement. La Banque Centrale Européenne (BCE) a récemment souligné que dans le pire des scénarios, le PIB (en termes réels, c’est-à-dire corrigé de l’évolution des prix) pourrait baisser de 12% en 2020 et rester inférieur à son niveau d’avant-crise pendant plusieurs années. L’une des principales interrogations réside dans la dynamique de la consommation des ménages au cours du 2nd semestre de cette année. Pendant le confinement, les ménages européens ont accumulé une épargne importante. En effet, alors qu’une partie importante de leur consommation était contrainte, leur revenu a pour l’heure été relativement préservé, par notamment la mise en place de dispositifs de chômage partiel. Ce surplus d’épargne pourrait toutefois ne pas être intégralement dépensé. Si les mesures strictes de confinement sont levées, les gestes sanitaires, comme la distanciation sociale, pourraient continuer de freiner les dépenses des ménages. Ces derniers, face à la forte incertitude qui demeure sur l’évolution de l’épidémie et celle du marché du travail, pourraient rester attentistes et continuer de modérer leur consommation. La persistance de ces comportements de précaution pèserait sur la reprise économique en zone euro.

Soutien public d’ampleur

Face à ce choc massif et afin d’assurer au mieux le redémarrage économique, les autorités publiques ont été réactives. Les différents gouvernements ont largement mobilisé le dispositif de chômage partiel ainsi que des garanties de prêts de trésorerie pour les entreprises. La BCE, de son côté, a multiplié les actions d’assouplissement des conditions de financement. L’ampleur des mesures prises limite, au moins à court terme, le risque de durcissement des conditions financières en zone euro. Si des difficultés venaient à apparaître du côté du secteur bancaire et financier, les conséquences économiques pourraient être nettement prolongées.

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