Quelle a été la réaction immédiate du secteur à l’annonce de la crise sanitaire et de la mise en place des restrictions ?
Le marché n’a jamais cessé son activité. Celle-ci s’est poursuivie confinée, bien évidemment, les interactions entre les acteurs du secteur perdurant à l’échelle mondiale. En somme, le marché s’est nettement ralenti mais il n’a jamais été figé par le confinement. Les négociations en cours se sont poursuivies et on constate même l’apparition de nouveaux projets de vente ou d’acquisition. Le volume des transactions a automatiquement chuté suite aux mesures de confinement et aux comportements attentistes. Mais, et c’est un fait à souligner, une chute des volumes de transactions n’entraîne pas mécaniquement un recul des valeurs qui sont par nature plus résilientes.
Les investisseurs ont-ils modifié leur stratégie ?
Les investisseurs n’ont pas tous la même stratégie : certains privilégient un attentisme prudent, sans pour autant remettre en cause l’attrait pour l’immobilier, tandis que d’autres y voient l’opportunité d’acquérir davantage de biens dans une période moins concurrentielle. Les échanges internationaux continuent également, même si, comme à chaque crise, les acteurs ont tendance à un certain repli vers leurs marchés domestiques. Aussi, il y a toujours de très importantes liquidités à placer sur les marchés immobiliers, ce qui soutient très fortement la demande même dans des temps plus incertain.
Il n’y a donc pas d’incidence sur les prix ?
Les investisseurs institutionnels achètent moins un prix au mètre carré qu’un rendement immobilier qui s’établit en contrepartie d’un risque sur l’actif, tel sa localisation, son état locatif ou la qualité du bâti. Aussi, le rendement de l’immobilier commercial se compare à celui des obligations, dans une perspective de placement de long terme relativement sécurisé et peu volatile.
Or, aujourd’hui les taux financiers sont très bas, profitant à des rendements immobiliers très positifs, bien supérieurs aux obligations d’Etat. Les investissements immobiliers bénéficient donc d’une prime de risque en leur faveur, même dans ce contexte incertain. Pour les biens les plus recherchés, les prix ne pourraient donc être que très peu impactés malgré cette situation exceptionnelle. En revanche, pour des biens présentant des défauts insuffisamment pris en compte dans les rendements et les valorisations avant cette crise, des ajustements de valeurs plus notables pourraient être observé.
« Les échanges internationaux continuent, même si, comme à chaque crise, les acteurs ont tendance à un certain repli vers leurs marchés domestiques. »
Existe-t-il des disparités selon l'emploi des actifs concernés ?
C’est l’une des questions auxquelles s’intéresse le rapport sur les perspectives de l’immobilier commercial que nous avons publié en avril. Pour ce qui est des bureaux, le marché « premium » des quartiers centraux d’affaires conserve des fondamentaux sains et résiste plutôt bien, avec des niveaux d’offre qui devraient rester faibles dans la plupart des métropoles européennes. Les biens d’autres secteurs plus périphériques ou présentant un vide locatif pourront connaître des ajustements plus prononcés. La crise permettra donc peut-être un retour à davantage de hiérarchisation dans la valeur des actifs, alors que ces dernières années celle-ci avait tendance à s’homogénéiser. D’un point de vue global, les investisseurs se concentrent sur des actifs idéalement localisés, avec des locataires bénéficiant d’une bonne signature, aptes à traverser la crise. Cette logique va s’amplifier dans les trimestres à venir compte tenu de l’incertitude sur la situation sanitaire et économique. Il s’agit cependant d’une tendance en cours depuis plusieurs années. On ne peut donc pas ici parler d’un bouleversement du marché.
Le secteur est-il sensible aux mesures prises par les gouvernements ?
Bien sûr, les investisseurs sont très attentifs à la conjoncture et à la gestion de la crise par les Etats et les banques centrales. Ces mesures les aident et les confortent dans l’appréciation de leur vision prospective de l’économie, dans la dynamique du marché des utilisateurs tertiaires, et donc dans la bonne valorisation de leur patrimoine. C’est donc un élément clé dans l’analyse des marchés immobiliers.
« Le marché (de l'immobilier commercial) n'a jamais cessé son activité. »
Quel regard portent les investisseurs immobiliers sur la durée et la profondeur de la crise ?
Dans l’ensemble, les investisseurs estiment comme la plupart des observateurs que la crise économique sera très profonde au printemps 2020 dans les principaux pays européens. Les débats se concentrent sur le temps et l’intensité de la reprise espérée. Le scénario central reste celui d’une forte récession au premier semestre 2020 et d’une reprise en seconde partie de l’année. Celle-ci va dépendre de deux facteurs majeurs : d’une part, la sortie du confinement, la levée des restrictions et le contrôle du virus et, d’autre part, les mesures de soutien à l’économie ainsi que le moral des acteurs. Quoiqu’il en soit, l'immobilier repose sur des fondamentaux suffisamment sains dans la plupart des marchés pour afficher une bonne résistance au cours de ce cycle inédit.