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SUBGLACIOR : révolutionner la paléoclimatologie grâce à une nouvelle sonde

Depuis 2011, les équipes du Laboratoire de glaciologie et géophysique de l’environnement (LGGE, CNRS/Université Joseph Fourier), du Laboratoire interdisciplinaire de physique (CNRS/Université Joseph Fourier), de la division technique de l’Institut national des sciences de l’Univers du CNRS, du Laboratoire des sciences du climat et de l’environnement (CNRS/CEA/UVSQ), avec le soutien notamment de la Fondation BNP Paribas, développent le projet SUBGLACIOR. Un projet qui conçoit, construit et déploie en Antarctique un nouveau type de sonde pour obtenir en un temps record, à partir de la glace naturelle, les enregistrements climatiques les plus anciens, au-delà d’un million d’années.

Le projet constitue la priorité scientifique de l'International Partnerships in Core Ice Sciences, une structure regroupant 23 nations travaillant sur l’étude des carottes de glace. Il est financé par le Conseil européen de la recherche (ERC), l’Agence Nationale de la Recherche (ANR), le programme Investissements d’Avenir au travers du projet CLIMCOR et l’Institut polaire français Paul-Emile Victor (IPEV).

Eclairer la dernière transition majeure du système climatique

Les archives naturelles du climat ont montré qu’une modification radicale de la variabilité climatique se serait produite il y a un million d’années environ. Le climat serait passé de périodes de glaciations peu intenses mais fréquentes (tous les 40 000 ans) à des glaciations plus longues et plus prononcées (tous les 100 000 ans).

Cette transition du climat pourrait s’expliquer par un changement majeur de la concentration en CO2 dans l’atmosphère terrestre.

Pour le vérifier et ainsi résoudre l’une des dernières grandes énigmes des climats passés, les glaciologues se sont fixés pour objectif d’aller chercher la glace la plus ancienne, celle située tout au fond de la calotte antarctique, afin d’analyser l’air qu’elle contient. Cette méthode, la plus fiable, permettrait de comprendre les mécanismes, les non linéarités et les rétroactions de cette transition climatique du mi-Pléistocène.

Avec les technologies de forages disponibles aujourd’hui, la campagne qu’il faudrait déployer pour parvenir à cet objectif comporterait des risques très élevés en raison de l’incertitude à déterminer le site de forage adéquat (où les différentes couches de glaces ne seraient pas mélangées) et s’étendrait sur de nombreuses années.

En proposant une nouvelle approche, l’équipe du projet SUBGLACIOR va réduire considérablement ces risques. La sonde en cours de développement permettra, en une seule saison sur le terrain (2 à 3 mois) d’explorer la glace jusqu’à 3 km de profondeur et de collecter des données précises et en temps réel sur le terrain : le climat des dernières 1,5 million d’années, les concentrations de gaz à effet de serre ainsi que les concentrations en poussières.

Le développement de la sonde SUBGLACIOR

Le principe de mesure de cette sonde réside dans une technologie laser française innovante permettant la mesure en temps réel, sur un instrument embarqué dans un carottier, de paramètres clés (isotopes de l'eau, concentration de l'air piégé dans la glace en méthane).

Les progrès de la spectroscopie laser dans le proche et moyen infra-rouge (technique brevetée 0FCEAS) permet maintenant de produire des mesures ultra-précises sur un instrument suffisamment compact et robuste pour qu'il puisse être utilisé en conditions aussi extrêmes. Dans le cadre du projet SUBGLACIOR, une vingtaine de chercheurs et d’ingénieurs de l’équipe ont réussi à miniaturiser l’instrument laser pour le faire tenir dans un tube de moins de 5 centimètres de diamètre. Les données qu’il va acquérir seront transmises en continu vers la surface via une électronique embarquée dans la sonde et un câble électroporteur spécifique de 3500 mètres de longueur.

L’enveloppe permettant à cet instrument de progresser dans le glacier depuis la surface, tout en produisant en continu un échantillon analysé par le spectromètre laser est en cours de développement par l’équipe de SUBGLACIOR.

L’instrument laser a subi un premier test durant l’été 2014, dans un environnement très différent de la glace polaire. Il a en effet été déployé pour analyser les gaz dissous en mer Méditerranée, grâce à une interface spécifique construite au LGGE. Les premiers résultats obtenus ouvrent des perspectives très prometteuses pour des applications multiples en océanographie, bien loin des études des climats anciens. En effet, ce déploiement jusqu’à des profondeurs de 600 mètres au large de Nice a permis pour la première fois d’obtenir un profil continu de la concentration en méthane dissous en mer Méditerranée, montrant des variations à l’échelle de quelques dizaines de mètres dont l’origine biologique ou liée à la circulation des eaux reste à élucider.

Premier déploiement de l’instrument en Méditerranée.

© Jérôme Chappellaz (LGGE, OSUG, CNRS/UJF).

Prochaines étapes

Après quatre années de développement, la partie mécanique de la sonde a été testée pour la première fois sur site durant les hivers 2013/2014 et 2014/2015 à la base franco-italienne Concordia en Antarctique. Un système de tubage parfaitement étanche a pu être mis en place pour la première fois au travers des 120 mètres de neige et de névé recouvrant le glacier. Ce tubage est rendu nécessaire par la circulation de fluide de forage qui ramènera en surface et en continu les copeaux de glace produits par la sonde en train de forer. Cette circulation du fluide mélangé à des copeaux a aussi pu être testée, donnant des résultats concluants.

Une prochaine expédition aura lieu durant l’hiver 2015/2016. Les logisticiens de l’institut polaire français Paul-Emile Victor (IPEV) transporteront alors  le matériel lourd (fluide de forage, treuils, câble électroporteur, flexible d’alimentation en fluide de forage) jusqu’à la côte antarctique afin que la sonde soit déployée à la base Concordia et validée au cours d’une campagne spécifique qui aura lieu l’année suivante.

En parallèle, l’application inattendue de ces avancées technologiques sur l’étude des gaz dissous dans les océans va se poursuivre. Une piste importante sur laquelle l’équipe va se concentrer porte sur l’étude des dégazages d’hydrates de méthane au fond des mers en région arctique, sous l’effet du réchauffement climatique. Les performances atteintes par cet instrument prototype enthousiasment les chercheurs océanographes. L’équipe de SUBGLACIOR étudie donc la possibilité de créer une start-up pour valoriser ce nouveau savoir-faire national en industrialisant le premier prototype.

Financement et organisation du projet

Le budget total pour la construction de la sonde est de près de 3,2 millions d'euros.

Le mécénat de la Fondation BNP Paribas, d'une hauteur de 100 000 euros, a permis aux quatre centres de recherche impliqués de lancer la conception de la sonde.

La construction et le déploiement de la sonde sur le terrain antarctique est financé par le Conseil européen de la recherche (ERC) au travers du projet ICE&LASERS, l’Agence Nationale de la Recherche dans le cadre de son programme Blanc, l'EquipEX CLIMCOR du programme Investissements d'Avenir et de la Mamont Foundation qui a rejoint le consortium récemment.

L’Institut polaire français Paul-Emile Victor (IPEV) organise la logistique des missions en Antarctique afin que la sonde puisse être déployée.

Pour en savoir plus sur le projet : https://www.iceandlasers.org/

Le Laboratoire de Glaciologie et Géophysique de l 'Environnement (LGGE, UJF/CNRS) - https://lgge.osug.fr/

En plus de 50 ans, le LGGE a bâti sa renommée scientifique sur l'étude du climat et de la composition de l'atmosphère. Ces études portent sur le présent mais aussi sur les évolutions passées au travers des archives que constituent la neige et la glace accumulées au cours du temps.

Par ailleurs, le LGGE possède d'autres savoir-faire très compétitifs centrés sur la neige et la glace, comme l'étude physique et mécanique du matériau glace, les échanges chimiques air-neige ou encore l'acquisition de données sur le terrain et par satellite. Les recherches menées allient des développements technologiques et analytiques à une approche de modélisation numérique touchant à des domaines variés, de l'atmosphère aux écoulements des masses de glace Les régions polaires Antarctique et Arctique sont des terrains d'action privilégiés mais l'expérience du LGGE s'étend aussi aux zones de montagne : étude des glaciers alpins, andins et himalayens, pollution des vallées alpines. Ces études contribuent à la compréhension d'importants problèmes scientifiques qui sont souvent des enjeux de société tels que l'effet de serre, la variabilité du climat et de l'environnement, le bilan de masse de la cryosphère, la pollution à l'échelle globale et régionale ou encore les risques glaciaires. Depuis 2 ans, le LGGE intègre également une nouvelle équipe spécialiste en océanographie physique, qui développe notamment des modèles servant à l’océanographie opérationnelle.

Le LGGE, ce sont 150 personnes : chercheurs, enseignants-chercheurs, doctorants, ingénieurs, et techniciens, qui travaillent ensemble - au LGGE, en montagne, aux pôles et sur les océans - pour la recherche, l'enseignement et la diffusion du savoir dans des domaines d'intérêt majeur pour notre société.

A propos du CNRS - https://www.cnrs.fr

Créé en 1939, le Centre national de la recherche scientifique est un organisme public de recherche (placé sous la tutelle du ministère de l’Education nationale, de l'Enseignement supérieur et de la Recherche). Il produit du savoir et met ce savoir au service de la société. Avec près de 33 000 personnes, une implantation sur l'ensemble du territoire national, le CNRS exerce son activité dans tous les champs de la connaissance en s'appuyant sur plus de 1100 unités de recherche et de service. Avec 20 lauréats du prix Nobel et 12 de la Médaille Fields, le CNRS a une longue tradition d’excellence.

A propos du Conseil européen de la recherche - https://erc.europa.eu/

Le Conseil européen de la recherche (ERC), créé en 2007 par l'Union européenne, est la première agence de financement européenne pour la recherche exploratoire d'excellence. Chaque année, il sélectionne et subventionne les chercheurs les plus brillants et les plus créatifs de toutes nationalités et de tous âges pour la réalisation de projets d'une durée de cinq ans basés en Europe. L’ERC s'emploie par ailleurs à attirer en Europe les meilleurs chercheurs du monde entier. À ce jour, il a financé plus de 4 500 chercheurs de premier plan à différents stades de leur carrière. Dans le cadre du nouveau programme de l'Union pour la recherche et l’innovation Horizon 2020, le budget de l’ERC a été considérablement augmenté, à plus de 13 milliards d’euros.

A propos de l’Agence Nationale de la Recherche (ANR) – www.anr.fr

L’ANR finance la recherche sur projets. Sur un mode d’évaluation compétitive par les pairs qui respecte les standards internationaux, elle fournit à la communauté scientifique des instruments de financement diversifiés. Depuis 2005, plus de 12 000 projets ont été financés.

Le financement sur projets favorise la créativité, le décloisonnement, les émergences et les partenariats, notamment entre secteurs public et privé. De par son activité, l'ANR contribue également à renforcer la compétitivité et l’influence de la recherche française en Europe et à l’international. Depuis 2010, elle est aussi le principal opérateur des Investissements d'Avenir dans le domaine de l'enseignement supérieur et de la recherche. Dans ce cadre, elle assure sélection, financement et suivi des projets relatifs aux centres d'excellence, à la santé, aux biotechnologies et au champ de la valorisation de la recherche.

A propos de la Fondation Mamont - www.foundation-mamont.com

La Fondation Mamont a été créée en 2007 dans le but de soutenir l’exploration et l’étude des régions polaires. Dans cette optique, elle initie ou encourage de nombreux projets innovants et souhaite faire partager les découvertes réalisées dans ces régions fascinantes afin de mieux comprendre le rôle majeur qu’elles jouent dans l’évolution du climat.

A propos de la Fondation BNP Paribas – www.fondation.bnpparibas.com

Placée sous l'égide de la Fondation de France, la Fondation BNP Paribas est un acteur majeur du mécénat d’entreprise depuis trente ans. Elle contribue également au développement international du mécénat du Groupe BNP Paribas, partout où la Banque est présente.

La Fondation BNP Paribas situe son action dans une démarche de mécénat pluridisciplinaire, en faveur de projets innovants dédiés à la culture, à la solidarité et à l’environnement. Attentive à la qualité de son engagement auprès de ses partenaires, la Fondation BNP Paribas veille à accompagner leurs projets dans la durée. Ecoute, soutien et confiance forment la signature de son implication.

Depuis 1984, ce sont plus  de  300  projets  culturels,  40  programmes  de  recherche  et  un  millier  d’initiatives sociales et éducatives qui ont bénéficié de son soutien, en France et à travers le monde.

A propos du programme Climate Initiative - https://bit.ly/ClimateInitiativefr

Le soutien au projet SUBGLACIOR s’inscrit dans le cadre de Climate Initiative, un programme de mécénat en faveur de la recherche sur le changement climatique lancé en 2010 par la Fondation BNP Paribas, en étroite coopération avec la délégation pour la Responsabilité Sociale et Environnementale du Groupe BNP Paribas. Au total, 10 projets d’étude du climat ont été ou sont actuellement soutenus au travers de ce programme.