Le projet « NOTION » : prédire les réponses des micro-organismes marins aux futurs changements climatiques
Piloté par Mar Benavides, océanographe microbienne et chercheuse au sein de l’Institut Méditerranéen d’Océanologie (MIO/IRD, Marseille), le projet « NOTION » a pour objectif d’étudier l’impact du changement climatique sur la diversité des phytoplanctons marins et ainsi comprendre leur rôle dans la régulation du climat, l’activité biologique dans les océans et in fine la création de ressources pour l’humanité (par exemple l’industrie de la pêche).
Soutenu par la Fondation BNP Paribas à travers son programme Climate & Biodiversity Initiative, le projet cible particulièrement les Objectifs de Développement Durable (ODD) 14 « Vie Aquatique » et 13 « Lutte contre les changements climatiques ».
Découvrez le replay de la conférence Climate & Biodiversity Initiative
« Ces petites créatures marines qui pourraient sauver nos océans »
Mar Benavides a récemment présenté le projet « NOTION » lors d’une conférence Climate & Biodiversity Initiative. Pour en savoir plus, retrouvez la synthèse de son intervention dans la sketchnote dédiée et revivez la conférence grâce aux replay disponibles en vidéo, en audio(Ce lien s'ouvre dans un nouvel onglet) ou à la restranscription texte.
Les océans représentent 71 % de la surface terrestre
La Terre n’est pas surnommée la planète bleue sans raison : les océans recouvrent 71 % de sa surface. Et dans chaque goutte d’eau de ces océans – soit des milliards de milliards de milliards de gouttes d’eau – il y a de la vie : des zooplanctons (comme les copépodes), de phytoplanctons (comme les diatomées) ou encore des millions de bactéries et même des virus, qui peuvent cohabiter ou être en compétition.
Par ailleurs, les océans absorbent près d’un quart du CO2 émis notamment par les activités humaines, en partie grâce aux phytoplanctons qui le captent.
“ Il faut observer et s’intéresser à l’infiniment petit pour comprendre certaines conséquences qui se déroulent à l’échelle mondiale et qui expliquent le fonctionnement global de notre planète. C’est un peu comme l’effet papillon : c’est l’effet phytoplancton ! ”
Océanographe microbienne et chercheuse au MIO (IRD)
Les phytoplanctons à l’origine de la photosynthèse marine
Les phytoplanctons capturent le CO2 de l’atmosphère et l’utilisent pour se reproduire, grâce à la lumière du soleil et au processus de photosynthèse. Ils sont ainsi à la base de la chaîne alimentaire marine et par extension de la productivité des océans, comme l’industrie de la pêche.
Les phytoplanctons ont beau être plus petits qu’une fourmi, ils réalisent autant de photosynthèse que toutes les plantes terrestres réunies en représentant moins de 1% de leur masse.
Pour réaliser un processus de photosynthèse, il faut donc du CO2, de la lumière mais également de l’azote. Tout comme les engrais sont nécessaires pour faire cultiver les terres, l’azote fournit la valeur nutritive dont le phytoplancton a besoin pour se développer. Or, les océans sont majoritairement dépourvus d’azote.
Des « déserts océaniques » dépourvus d’azote
L’azote dans sa forme inerte est présent un peu partout, comme dans l’atmosphère (70 %). En revanche, dans sa forme utilisable par les organismes vivants et dans les eaux, cette molécule nécessaire à la production énergétique des phytoplanctons se trouve principalement dans les zones côtières et polaires, ainsi que dans les profondeurs sous-marines : ainsi, il y a très peu d’azote au milieu des océans et sur 60 % de leur surface.
De plus, dans ces zones centrales des océans, la différence de température entre les eaux profondes et les eaux de surface constituent comme des « strates » d’eau : celles-ci se mélangent très difficilement de façon verticale, et forment ainsi des sortes de « bouchons ». Les eaux profondes riches en azote ne parviennent pas jusqu’aux phytoplanctons. Alors, comment cela se fait-il qu’il y ait tout de même de la vie ?
Les diazotrophes : les Samaritains de l’océan
D’autres microorganismes planctoniques, les diazotrophes, participent également à cet écosystème. Et ce sont eux qui constituent le cœur du projet de recherche « NOTION ». A travers un processus impliquant un grand investissement énergétique, les diazotrophes sont en effet capables de transformer l’azote atmosphérique et le rendre disponible aux phytoplanctons pour pouvoir faire leur photosynthèse et capter ce CO2 qui réchauffe la planète. Mais leur futur face aux dérèglements climatiques est inconnu.
Les impacts du changement climatique sur le rôle et la diversité des diazotrophes ?
Les activités humaines et les dérèglements climatiques qu’elles favorisent sont en train de modifier les océans : comment la pollution, l’acidification, la perte d’oxygène, le réchauffement des eaux vont-ils affecter l’activité et la diversité des diazotrophes ? Difficile à dire.
A ce jour, on ne connaît ni leur nombre exact ni l’étendue de leur diversité. Seules cinq espèces ont été étudiées dans l’océan, et les expériences de simulation du changement climatique n’ont été testées que sur deux d’entre elles. Les diazotrophes sont microscopiques mais leur impact sur la planète est énorme. Ainsi, l’objectif du projet « NOTION » est de participer à la compréhension de ces diazotrophes et de leur comportement à venir.
Un projet de recherche innovant et transdisciplinaire
L’équipe de recherche « NOTION » a ainsi démarré ses travaux en juillet 2020, et réalise des tests en laboratoires. En recréant des conditions de changement climatique et en simulant des cycles du soleil, Mar et ses équipes peuvent observer comment les diazotrophes réagissent.
En étudiant ces phytoplanctons, les questions que nous nous posons sont donc cruciales pour notre avenir : l’océan pourra-t-il continuer à capturer le CO2 atmosphérique ? Le changement climatique va-t-il favoriser la disparition ou la prolifération des diazotrophes ? Dans les deux cas, quelles en seraient les conséquences ? Quel(s) comportement(s) ces microorganismes adopteraient-ils si la température ou l’acidité des eaux augmentait ?
Pour s’attaquer à ce sujet complexe, et répondre à toutes ces questions, le projet doit mobiliser de nombreuses disciplines comme la génétique, la chimie et la biochimie, la physique des fluides, etc.
Ces cellules microscopiques ont déjà leur propre chimie et biochimie, et l’eau dans laquelle elles se trouvent contient plus ou moins d’oxygène, plus ou moins de sel, etc. Par ailleurs, les gouttes d’eau peuvent se déplacer dans l’eau, ce qui complique les travaux.
Avec ce groupe de recherche, le projet « NOTION » essaie de construire des ponts entre le minuscule et le global. Les résultats de leurs expériences en laboratoire vont nourrir des modèles globaux sur l’océan qui permettent de faire des prédictions, comme la météo et ses prévisions, mais à plus long terme, voire des dizaines d’années, comme l’échelle du climat.
L’équipe du projet « NOTION » est convaincue que plus nous connaîtrons la façon dont fonctionne la planète, plus nous serons responsables. Il ne faut pas simplement savoir que les océans sont essentiels dans le changement climatique, il faut comprendre pourquoi, les mécanismes qui sont en jeu, les difficultés à surmonter, les efforts à fournir.
« La modélisation du cycle de l'azote dans l'interaction entre les océans et l'atmosphère est une question majeure en ce qui concerne le changement climatique et la biodiversité et qui n'a que trop peu retenu l'attention jusqu'à présent. NOTION développe une approche multidisciplinaire qui devrait conduire à des résultats scientifiques très bienvenus. »
Le Comité scientifique de la Fondation BNP Paribas
La modélisation du cycle de l'azote est une question majeure en ce qui concerne le changement climatique et la biodiversité.