Phia Ménard : la glace et le feu
Phia Ménard fonde la compagnie Non Nova en 1998. Deux mots extraits d’une citation latine dont Phia Ménard a fait sa devise : "Nous n’inventons rien, nous le voyons différemment". Ses premières créations à mi-chemin entre le jonglage, sa formation d’origine, et la danse dont elle se rapproche peu à peu, posent d’emblée un regard ouvert sur le monde. Mais le tournant décisif a lieu en 2008, lorsqu’est présentée aux Subsistances de Lyon la pièce "PPP", pour Position Parallèle au Plancher. Ce solo qu’elle interprète elle-même est annoncé par Phia Ménard comme un « premier travail sur la matière glace et sur l’identité ». Conçu autour de la transformation d’un élément naturel (la glace en eau), il fait l’effet d’un impressionnant coup d’éclat artistique.
Lorsqu’elle découvre son travail, l’équipe de la Fondation BNP Paribas éprouve un véritable coup de cœur. Elle noue avec son auteure une relation de confiance et de complicité, qui se traduit par la signature en 2013 d’une première convention triennale entre l’artiste et la Fondation BNP Paribas. Ce soutien, renouvelé deux fois depuis, accompagne le travail de création de la chorégraphe.
Artiste engagée
Point de départ du projet ICE (Injonglabilité Complémentaire des Éléments), "PPP" ouvre la voie à une série d’opus « au propos direct » et à la scénographie engagée. En témoignent les « Pièces du Vent » - L’après-midi d’un foehn Version 1 en 2008, VORTEX et L’Après-midi d’un Foehn en 2011 suivis des Os Noirs en 2017- qui forment le second cycle du processus ICE, et la première « Pièce de l’Eau et de la Vapeur », le très féministe "Belle d’Hier" en 2015. Dans une autre veine, Phia Ménard signe en 2017 "Maison Mère", où s’édifie un Parthénon de carton qui reflète son « pessimisme quant à l’avenir de l’Europe ». Ce volet inaugural d’une trilogie sur les Contes immoraux imaginée pour répondre à une commande de performance de la Documenta 14 de Kassel sera suivi, en 2021, de Temple Père et de La Rencontre interdite. Celle qui considère « qu’être face à un public est un acte politique » a aussi enflammé le festival d’Avignon en 2018 avec le percutant "Saison Sèche" transe tribale dénonçant les méfaits du patriarcat. Qu’il s’agisse de questionner l’assignation du genre, la domination masculine, les réfugiés ou les menaces planant sur la démocratie, la chorégraphe revendique de « faire les choses par nécessité, en réaction à ce que je vois de la société. »
Partager et transmettre
Chez Phia Ménard, cette ardeur à témoigner des maux contemporains se double d’une esthétique marquée par le sens de la performance et de l’hybridation artistique. Ses pièces « essaient d’offrir au spectateur un espace de liberté, où les questions qui nous traversent sont abordées autrement, à travers le corps de l’interprète, afin de susciter une forme d’empathie ».
L’artiste a aussi particulièrement à cœur de partager sa vision et sa démarche avec tous les publics. C’est l’occasion, pour la Fondation BNP Paribas, de jouer pleinement son rôle de médiateur en interne ou auprès de ses partenaires, en proposant aux spectateurs des rencontres après les représentations. Lors de ces moments privilégiés, la personnalité généreuse de Phia Ménard et son goût pour les échanges touchent des publics parfois très éloignés de la danse contemporaine. La même qualité d’écoute et de dialogue prévaut dans ces relations désormais nouées entre la Fondation et la chorégraphe.